« Valls avec les loups » Dominique Bourgois, adjoint au maire Front de Gauche d'Elbeuf
Non Emmanuel Valls n’est pas un électron libre, ni du PS, ni du gouvernement. Il n’opère pas, à un simple positionnement politique individuel en vue de ses propres ambitions, même s’il a les dents longues.
Il révèle sous un jour nouveau le caractère « apprenti sorcier » du PS dans la manière qu’il a eu depuis le début des années 80 d’« utiliser » l’épouvantail FN pour affaiblir la droite, la vaincre cycliquement lors de triangulaires électorales locales.
Seulement, le 21 avril 2002 ajouté aux élections locales faisant du FN une force électorale en progression constante a changé la donne.
C’est aussi cela qui a encouragé le concept de « droite décomplexée » à l’UMP.
Ce qui n’a pas été mesuré avec le concept de « FN = chance historique du PS » c’est la modification profonde que cela a opéré, peu à peu, dans la société française, dans la représentation politique.
Ce qui n’a pas été pris en compte par le PS, à mon avis est de 3 ordres principaux :
- Le fait que la droite se FNise puisque sans complexe
- Le fait que le FN se « droitise » puisque dé diabolisée
- Le fait que l’extrême droite « socialise » son discours médiatique et ses « indignations » pour récupérer l’ensemble de la mise électorale, chez les déçus de droite comme chez les déçus « de gauche ».
Le tout a largement été « dynamisé » par le brouillard de la similitude, puisque droite et PS n’ont plus de désaccord de fond sur les politiques d’austérité menées en France au nom de l’Europe « de la concurrence libre et non faussée » à laquelle, traités après traités, contre l’avis même de leur propre peuple, ils ont chacun abondamment souscrit, aux virgules près.
Ils se sont passé, dans les faits, les traités libéraux européens, comme on se passe un témoin dans une même course de relais, au rythme d’alternances politiques dont ils ont institutionnalisé le principe, comme on préserve un mode que l’on croit nécessaire à sa petite survie.
Il n’y a plus, désormais, au PS, de valeurs de gauche que pour les choses qui ne coutent pas un rond et pour lequel il y a l’opportunité d’une apparente adversité avec la droite (ex : le mariage pour tous).
Au bout de cette équation, il me semble qu’Emmanuel Valls n’est pas qu’un simple « petit Sarko » tout comme « Sarko » n’était pas qu’un simple petit Napoléon.
PS et droite ont intégré, chacun, ce qu’il fallait faire pour puiser de manière politicienne dans une situation catastrophique qu’ils ont respectivement générés.
Nous sommes peut être passés d’une société qui a longtemps glissé vers une droite « à la papa » à une société qui glisse désormais vers ce qu’il y a de plus réactionnaire dans la droite ancestrale d’avant De Gaulle.
Ce que le PS ne semble pas avoir prévu dans ce lent processus politicien de gamin jouant avec des allumettes glycérinées, c’est qu’il y perdrait un jour et durablement l’électorat de gauche déboussolé, au point qu’en effet de seuil, l’arme du crime se retourne contre son auteur.
La mère Lepen n’est pas une montagne intellectuelle subtile qui a eu besoin de produire une grande analyse pour adapter son parti…, elle n’a eu qu’à positionner le FN pour s’engouffrer dans les espaces qui lui sont ouverts… l’espace à droite sur un terrain réactionnaire qui est originellement le sien… et par ses plaidoiries sociales de façade, celui du vide béant comme une plaie abandonné par un PS qui n’est plus « économiquement » de gauche.
Face à cela, Manuel Valls n’est qu’une illustration du cap que franchit désormais le PS pour faire face au défi de sa propre survie électorale.
C’est tout le sens du mauvais film que l’on nous joue : « Valls avec les loups ».
Ce nouveau cap du PS consiste ni plus ni moins qu’à intégrer totalement la question de l’immigration, de « l’étranger », de l’obstacle que constituerait « la différence », aux principes généraux du « réalisme économique libéral » tout puissant.
Tout comme l’anti libéral est traité comme un extrémiste irresponsable, la sensibilité humaine comme du « sans papierisme » rédhibitoire…
Le FN n'a plus qu'à se féliciter de voir ses idées reprises, comme il le déclare.
Dès lors, le citoyen désabusé, perdu, désespéré n’a plus qu’à adhérer à des indignations qui ne seraient pas les siennes si il avait une vie digne et épanouissante et ça peut donner le pire :
- Regardes on soigne gratuitement un sans papier ! Quelle horreur !
- Regardes on attribue un logement à « ces gens là » ! Les salauds !
- Regardes l'étranger travaille et pas toi ! Qu’on les dégage !
- Non, mais allo quoi !....Etc…..
Mettez nous par-dessus un peu de Jean Pierre Pernault, le baptême du futur prince d’Angleterre, un joueur de foot professionnel qui pense à voix haute, une bonne téléréalité avec des dindes bien gaulées qui s’insultent, une binouze, des chips et le tour est joué.
Encore un peu et l’on devra peut être dénoncer, le « sans papier » du 1er étage, puis la femme du 2ème étage déclarée seule à la CAF alors qu’elle a un petit ami à la maison, le chômeur du 3ème étage qui perçoit encore un peu d’indemnités mais qui travaille au black…, nous n’en sommes qu’au début d’une nouvelle forme de barbarie sociétale ou chacun devrait être l’ennemi potentiel de l’autre.
La vie devra ressembler aux parodies où notre semblable ne sert qu’à notre distraction : « Désolé Léonarda, mais vous devez quitter l’aventure de la France solidaire, les sondages ont décidé de vous éliminer, les politiciens ont donc suivi, leur décision est irrévocable ».
C’est l’heure de la surenchère et de la déshumanisation permanente.
Les valeurs anthropophagiques ont le vent en poupe chez tous ceux qui n’ont plus conscience d’eux-mêmes et qui n’imaginent même plus qu’il y ait une lumière du jour à l’extérieur de leur caverne obscure.
Mais au fait, qui a été le moins humain ? Valls qui lance l’assaut sur un car scolaire ou François Hollande qui dit « bon, je vais être généreux : « je » veux bien de la petite, mais pas de sa famille» ?
Valls n’est que le symptôme d’une étape nouvelle de la décomposition politique générale dans laquelle s’enfonce également, de manière ahurissante le PS.
Il n’avait pas encore, je crois, été jusque là.
Socialistes, révoltez-vous contre ce qu’ils ont fait de votre parti : une vulgaire machine à pas mieux et à pire.