la poésie en ce jardin

Ici on parle de tout, sauf de politique
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poésietoute
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Message non lu par poésietoute » 23 juil. 2011, 11:50:00

Que diriez-vous d'un petit poème
Cueilli dans la bouillonnante sève contemporaine
Signifiant aux parfois matins blêmes
Qu'il est urgent que l'aube se lève humaine

Si nous ne pouvions rien toucher avec
les yeux, nous ne pourrions rien nommer de ce que nous voyons. Rien ne
porterait de nom, il n'y aurait pas de mots, nous mangerions le monde comme les
animaux.
Les yeux touchent pour reconnaître ce qu'ils voient intouchable,
ils touchent ce qui n'est pas touchable, ils touchent ce qui est trop loin pour
être touché avec les mains. Ils touchent sans laisser d'empreintes, comme si
leur toucher sur le monde faisait apparaître ce qu'ils voient et que les images
dessinaient toujours les contours de nos yeux.
Nous voyons mais nous ne voyons que les empreintes
transparentes de nos yeux sur le monde, les empreintes intouchées de nos yeux
intouchables.
Les animaux qui n'ont pas de mains ( comme si avoir des
mains c'était déjà pouvoir avoir des yeux qui touchent l'intouchable, comme les
mains touchent le touchable ), ne touchent pas, c'est le monde qui les touche
et qui s'empreinte de leur passage en lui. Les animaux mangent le monde comme
l'homme le voit. Ils écrasent les noms de tout ce qu'ils mangent dans leur
bouche. Ils mâchent le monde qu'ils voient. Et suivant ce qu'ils mangent,
suivant comment ils mâchent les mots, leur cri les différencie les uns des
autres, d'une espèce à l'autre.

Leur cri est ce qu'il reste de ce qu'ils mangent du monde
qu'ils voient.
Les noms que les animaux ont donnés au monde qui les
entoure, au monde dont ils se nourrissent, se traduisent par des cris. Les
animaux crient pour dire ce que leurs yeux touchent et que leur bouche mange.
Les animaux touchent avec leurs yeux ce qu'ils peuvent
toucher avec leur corps, ils touchent là où ils peuvent aller avec lui. Ils
touchent avec les yeux ce qui leur est touchable avec les pattes. Mais l'homme
touche avec ses yeux ce qu'il ne peut pas toucher avec son corps, il touche là
où il ne peut pas aller avec lui. Il touche avec ses yeux ce qui ne lui est pas
touchable avec ses mains, comme si ses mains avaient fait naître des distances
immenses autour de lui, et qu'elles avaient lancé ses yeux si loin dans
l'espace que son corps avec ses pieds seulement n'avait pas pu suivre leur
projection infinie.
Entre les mains de l'homme et les pattes des animaux, il y
a le lointain et le proche, le jour et la nuit, le touchable et l'intouchable.

Jean-Luc Parant Revue l'Atelier Contemporain

poésietoute
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Message non lu par poésietoute » 27 juil. 2011, 07:36:00

Et un p'tit pour la route

Il peignait sur l'eau. C'était son invention.
Il peignait sur l'eau c'est-à-dire: il ne laissait pas comme des peintre antérieurs de l'eau colorée courir sur le papier. Il ne peignait pas de tableaux à accrocher.Il ne peignait pas de tableaux du tout. Pas jusqu'à ce que son invention on qualifiait de tableau.
Il peignait sur l'eau. Sur toutes sortes d'eaux. Sur des flaques d'eau sur des surfaces de lacs sur les plans d'eau de pots emplis. Sur l'eau qui avait débordé autour d'un vase de fleurs. Sue de l'eau de mer. Sur de l'eau de bain. Il peignait sur de l'eau lisse. Il peignait sur de l'eau agitée. sur de l'eau claire et sur de l'eau trouble pleine d'algues et de particules en suspension. D'ombres et de reflets de soleil. même sur de l'eau colorée quand il en avait sous la main. Jamais ( ce que des gens non avertis auraient pu présumer ) sur une autre sorte de liquide. Il fallait que ce fût de l'eau.
Parfois il n'était pas satisfait par celle qu'il avait sous la main et il voyageait longtemps jusqu'à ce qu'il trouvât l'eau adéquate. Parfois il se contentait de la première venue. Il pouvait se faire que le plateau d'un bureau inondé de taches l'enchantât. Il pouvait se faire qu'il eût justement besoin de tel lac de montagne entre des pentes couvertes de forêts sombres. parfois il se limitait à peindre de la berge agenouillé dans les galets ou couché sur un embarcadère. Parfois il ramait pendant des heures jusqu'à ce qu'il trouvât l'éclairage adéquat l'isolement adéquat. Pendant un temps il utilisa un ponton dans le milieu duquel on avait découpé une ouverture rectangulaire . Il appliquait pour peindre diverses méthodes. Le plus souvent il avait plusieurs sortes de bâtons. En outre il lui fallait des planches des disques en caoutchouc des brosses des peignes des tue-mouches également des pinceaux. A l'occasion compas et règles. C'est justement celà qui pendant un temps eut pour lui un certain charme. On le voyait disposer dans des roulements de ressac ou sur des surfaces de lacs qui étaient soulevés par des grains orageux des droites proprement tracées et des arcs de cercles largement excentrés. Il peignait avec les doigts et les mains déployées. Avec les pieds voire avec le corps entier.
Rrement il peignait avecde la couleur. Alors il égouttait la couleur dans de l'eau courante où il l'y faisait glisser avec des pinceaux et des bâtons. Il versait de la couleur dans de l'eau par pots entiers. Une fois il utilisa un stylo à cartouches.
Ses tableaux. Comme on l'a dit ce n'étaient pas des tableaux. Des jeux de courbe vague ombre reflet vague de traces et de traces de traces. Une fois alors qu'il essayait de compléter la peinture à l'eau ( lui non plus ne voulait pas s'arrêter ) per un relief d'ombre il vécut une rechute. Après qu'il eut passé d'ombres simples à des ombres combinées et colorées il se surprit à commencer à photographier le relief d'ombre dans un un de ses stades transitoires. Ce fut la rechute. Conserver fixer transmettre exhiber ce fut la rechute. Ce fut l'en-vain.
Après cela il resta un temps inactif. Il voulut possiblement se punir par l'abstinence. Peut-être aussi que quelque chose en lui aspirait du sein de cette rechute à une imagination encore plsu pure. Il est vrai qu'alors ce progrès ne serait pas devenu visible. Mais parès une pause pleine d'apathie apaprente ou effective il se remit à peindre sur l'eau. Seul un observateur très minutieux ( qui n'existait pas ) aurait peut-être pu percevoir en lui de menues modifications. Une légère modification au milieu du trait. Un bondissement plus rapide d'eau en eau. Un suspens dans l'à peine commencé.

Helmut Heissenbüttel -
né en 1921, mort en 1996, est l'un des écrivains allemenands les plus représentatifs de ce qu'on appela " la littérature expérimentale ". Le peintre d'eau est extrait de " Textbücher 1-6, recueil de textes rédigés entre 1970 et 1973.

Revue " Rehauts "

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Adeline
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Message non lu par Adeline » 27 juil. 2011, 13:27:00

très joli  icon_biggrin

poésietoute
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Message non lu par poésietoute » 29 juil. 2011, 07:11:00

Adeline a écrit :très joli  icon_biggrin

heureux qu'il t'ait plu, Adeline.
Avant de partir ( provisoirement ) sous d'autres cieux, un petit salut à une poétesse singulière et attachante.

Aux question sur ses origines, Anita ENDREZZE
répond brièvement : " Je suis moitié Yaqui, moitié Européenne :
Slovène, Italienne, Allemande, Roumaine ". Je la rencontre pour la 1°
fois dans sa maison à Spokane, à l'endroit où les montagnes boisées du
Montana rencontrent le haut pays désertique du Washington. Dans ses
bras, elle tient sa fille , âgée de quelques semaines et chez qui le
mélange s'est enrichi d'un apport danois. Devant ce petit être avec sa
chevelure et ses yeux noirs, on croit avoir - comme on le sent en
voyant, en entendant et surtout en lisant sa mère - quelle moitié a
pris l'ascendant sur l'autre.
Interrogée sur sa poésie, Anita
ENDREZZE hésite, se permet enfin ces cinq mots: "
lyrique...sensuelle...visuelle...spirituelle...passionnée..". Mais elle
est gênée d'avoir tant dit. Elle semble appartenir à cette famille de
poètes que gêne tout semblant de culte de la personnalité, et qui
préfèrent laisser parler pour eux leurs écrits. Il s'agit de ces poètes
qui ressemblent à certains typographes : ceux-là entourent leurs textes
de silences comme ceux-ci les entourent de blancheur.
Disons tout de
même qu'Anita ENDREZZE est connue aux Etats-Unis pour ses poèmes mais
aussi pour ses talents de peintre - c'est elle qui a fait la belle
couverture d'une des collections de poèmes amérindiens les mieux
connues, la Harper and Row's Anthology of 20th Century Native American
Poets - et comme conteuse d'histoires indiennes traditionnelles . Elle
a enseigné les traditions indiennes dans de nombreuses écoles et
centres culturels.
Les poèmes d'Anita ENDREZZE ont paru dans
plusieurs anthologies et dans une trentaine de revues aux USA, en
Belgique, en France, en Autriche et en Allemagne. Son dernier livre en
anglais, qui vient de paraître aux Etats-Unis, At the Helm of Twilight,
est disponible chez Broken Moon Press, P.O. Box 24585, Seattle,
Washington 98124-0585.
Louis Olivier - revue Poésie Présente 30 décembre 1992 -


Le retour des loups



A travers toute la vallée les gens parlent à voix basse
les loups reviennent, ils reviennent
à la limite étroite de nos champs, de nos rêves.
Ils nous ramènent le froid.
Ils portent des couronnes d'embuscades,
offrent les formes enneigées, belles et fétides,
de moutons morts, un vieillard perdu trop loin

dans les vignes du Seigneur


les mains rongées du trappeur, la langue du chasseur.
Ils nous ramènent les soupirs de nos amants,
dont les promesses durent moins longtemps

que celles des loups.



Leurs dents taillent dans le ciel des merrains fins
taillent de sombres totems remplis de rêves

d'élans : la prairie


où pousse la lumière avec l'herbe du marais et l'eau
est un loup foncé sous le sabot.
Leurs dents taillent le nom de leurs enfants
sur toutes les pistes, taillent la nuit pour en faire

un os particulier -


un os qui semble faire partie de la longue mémoire

de mon corps.


Leur peau ramasse les ombres, ramasse
de leur tribu le cri aux dents épaisses, aux os blanchis,
ramasse du vent l'odeur de cerfs brisés
jusqu'à leur maison commune faite de pin et de terre tassée
me ramasse, moi aussi, dans ma maison de ferme
avec sa lumière dorée et ses chambres vides jusqu'au cèdre
( qui, lui aussi, hurle son nom boisé dans la caverne des étoiles ),
où je me tais comme un arc aux cordes détendues
et mes cicatrices ne viennent pas d'avoir aimé

des loups.

revue " poésie présente "

poésietoute
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Re: la poésie en ce jardin

Message non lu par poésietoute » 24 mai 2012, 10:09:37

peux pas être soupçonné d'égo-quelque chose, car c'est une des rares fois que j'exhibe ces 2 poèmes sur le Net ( publiés en revue et recueil ). C'est vraiment pénible de positionner les décrochés, blancs,..sur la page.

Déposé
Au fond des pores
Le sel de rareté

L'oubli
Se cultive
Au centre de la pelle
En retranché
Du lien à tous
Qu'on
coupe

L'adieu aux signes
à la chair sensitive

Permet un détaché
De voix
Le chemin vers l'invisible





l'angoisse
ou comment prolonger
l'infini

que peau
se maintienne
à niveau
s'inscrive
dans le trait l'horizon

l'écho à transmettre
comme témoin de l'inconnu
en hyperbole des corps

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