E1 - ICIL’Assemblée a adopté mardi la proposition de loi de la majorité contre la haine sur Internet. Un texte qui inquiète les défenseurs des libertés en ligne et fait douter les plateformes.
Vers un Internet plus sain. Les députés ont adopté mardi la proposition de loi de lutte contre la haine en ligne, portée par la députée LREM Laetitia Avia. Un texte nécessaire alors que le web est aujourd’hui encore un vaste espace d’impunité : moins de 300 condamnations pour injure raciale en ligne ont été prononcées en 2016. Mais la proposition de loi, qui doit encore passer au Sénat à la rentrée, ne fait pas l’unanimité. Des voix s’élèvent pour alerter sur un risque d’inefficacité, voire de censure a priori des contenus. Les plateformes, elles, réclament de l’aide pour traiter une masse de données gargantuesque.
Première cible des critiques : la définition jugée trop floue, par certains, des "contenus haineux". Les injures envers une personne ou un groupe de personnes "à raison de l'origine, d'une prétendue race, de la religion, de l'ethnie, de la nationalité, du sexe, de l'orientation sexuelle, de l'identité de genre ou du handicap, vrais ou supposés", seront ainsi bannis, selon la proposition de loi. Un champ d’application très large sur le fond donc, mais peu défini sur la forme.
Si les insultes directes sont très faciles à repérer, il y a sur Internet toute une variété de contenus et de messages situés dans une "zone grise", parce qu’ils contiennent des sous-entendus ou sont cachés dans un contenu plus vaste, par exemple une vidéo. "Il faut garder en tête le besoin d’équilibre entre ce qui relève de la liberté d’expression et ce qui outrepasse les limites de cette liberté", plaidait à ce titre Benoît Tabaka, directeur des relations institutionnelles de Google France, lors d’un récent échange filmé avec Laetitia Avia.
Floue pour certains, la proposition de loi contre la haine en ligne est aussi trop fourre-tout pour d’autres. En plus des insultes et des incitations à la haine, la proposition de loi mentionne aussi l’obligation de retirer les messages, vidéos ou images constituant des provocations à des actes de terrorisme, faisant l'apologie de tels actes ainsi que des crimes contre l'humanité, ou comportant une atteinte à la dignité de la personne humaine.
Cette "exhaustivité nuirait très probablement au traitement des infractions initialement visées", selon Syntec Numérique, le syndicat professionnel des entreprises de services du numérique. Concrètement, il craint que le vaste champ d’application réduise l’efficacité de la lutte contre les contenus purement haineux. C'est notamment le cas du harcèlement, "qui ne porte pas forcément sur la race ou la couleur de peau", rappelle Benoît Darde, administrateur du Syntec, interrogé par Europe 1. "Cette loi sera efficace car elle retira beaucoup de contenus qu'on ne veut plus voir sur Internet. Mais elle en retirera trop."
Risque de censure accrue
Autre motif d’inquiétude : l'obligation de retirer un contenu haineux en moins de 24 heures risque, selon les opposants à la loi, d’entraîner une censure exagérée de la part de Facebook, Youtube, etc. "Ce délai pousse à l’utilisation d’outils de censure automatisée, fondamentalement contraires à la liberté de communication", déplore la Quadrature du Net. Pour la France insoumise, la menace de sanctions va inciter les plateformes à "supprimer une publication sur laquelle un doute existe ou qui serait 'susceptible de' pour éviter toute amende et tout ennui judiciaire". "En Allemagne, où il y a une loi similaire, on observe que 80% des contenus 'gris' retirés le sont uniquement par précaution", illustre Benoît Darde, du Syntec.
Enfin, la mainmise des plateformes sur la régulation des contenus inquiète. Dans une lettre ouverte, la Ligue des droits de l'Homme, la présidente du Conseil national du numérique et encore la présidente du Conseil national des barreaux ont plaidé pour que "le juge doit être au cœur tant de la procédure de qualification des contenus que de la décision de leur retrait ou blocage". "On peut s'inquiéter car on ne connaîtra pas les algorithmes qui vont traiter les contenus dits 'haineux'", abonde Benoît Darde, du Syntec. "Surtout, c'est regrettable de laisser aux plateformes ce qui est en réalité une question de société."
Ces derniers jours, le gouvernement a donc cherché à rassurer tout le monde en ajoutant au texte la création d’un parquet et d’une juridiction spécialisées dans la lutte contre la haine en ligne. "Ce sera donc toujours à la justice de déterminer si un contenu est légal ou illégal", a ainsi fait savoir le secrétaire d’État au Numérique Cédric O. Dans les faits, les plateformes seront donc seulement obligées de mettre en place un dispositif fonctionnel de retrait rapide des contenus haineux, pas de retirer automatiquement lesdits contenus.
1/ je ne comprends pas : les FB et consorts doivent retirer les contenus sous 24h et on dit qu'en fait "Dans les faits, les plateformes seront donc seulement obligées de mettre en place un dispositif fonctionnel de retrait rapide des contenus haineux, pas de retirer automatiquement lesdits contenus"
2/ Ca me fait peur de confier à Facebook et Twitter...la censure !?!
Bref, encore un truc ni fait, ni à faire, pas fini...et qui servira, comme d’habitude à faire vivre les avocats et tous les intégristes de tous bords !