Face à la toute puissance présidentielle, quelle réforme institutionnelle ?

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johanono
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Face à la toute puissance présidentielle, quelle réforme institutionnelle ?

Message non lu par johanono » 23 mars 2022, 17:39:24

Beaucoup d'observateurs reprochent à nos institutions d'accorder trop de pouvoirs au président de la République. La France serait un pays où le président, seul dans son palais, déciderait de tout, sans guère de contre-pouvoirs (le parlement n'étant qu'une chambre d'enregistrement).

Et faute de contre-pouvoirs, faute de légitimité politique suffisante également, les grandes décisions présidentielles suscitent généralement des grèves, des manifestations, des mouvements sociaux en tous genres. La rue exerce désormais le pouvoir qui n'est plus exercé par les institutions qui devraient faire office de contre-pouvoirs (parlement, Justice, corps intermédiaires, etc.).

Ces critiques sont assez anciennes : du temps du général de Gaulle, on parlait déjà des "députés godillots". Mais elles se font plus fortes depuis l'instauration du quinquennat.

J'ai toujours été assez réservé sur ces critiques, car je pense que le principal apport des institutions de la Ve République est d'avoir apporté une stabilité politique qui n'existait pas sous les IIIe et IVe Républiques. Mais je prends note du fait qu'elles sont de plus en plus fortes. Et je dois constater que, globalement, le fonctionnement actuel des institutions ne donne plus vraiment satisfaction. Alors que faire ? :gratte:

Il y a la question du mode de scrutin. Un passage à la proportionnelle intégrale obligerait le président et/ou le gouvernement à faire l'effort de trouver une majorité parlementaire pour faire passer les projets de loi. Un projet de loi approuvé par une majorité de députés (donc pas des forces politiques représentant au moins à peu près 50% des électeurs) aurait certainement une plus forte légitimité qu'un projet de loi approuvé par un seul groupe politique qui a gagné les législatives sur le nom d'un président ayant lui-même obtenu 20 ou 25% des voix au premier tour de la présidentielle. Mais le processus d'adoption serait plus long, les blocages parlementaires inévitables... Et puis quelle est la légitimité d'une coalition qui se décide lors d'obscures tractations de couloirs sur lesquelles les électeurs n'ont aucune prise ?

Il y a aussi le débat entre régime parlementaire et régime présidentiel. Nous avons aujourd'hui un système bâtard (fondamentalement parlementaire, mais de facto présidentiel). Deux alternatives :

1°/ Un régime typiquement parlementaire à l'européenne, où le chef du gouvernement est le chef du parti arrivé en tête aux législatives, et sans élection présidentielle au suffrage universel. Mais les Français accepteront-ils de renoncer à l'élection du président de la République au suffrage universel ?

2°/ Un régime présidentiel à l'américaine, avec un président élu au suffrage universel, qui compose son gouvernement quelle que soit la majorité parlementaire, mais qui doit composer avec un parlement sur lequel il n'a aucun moyen de pression. Mais là encore, les risques de blocage sont importants, il suffit de voir ce qui se passe aux États-Unis.

Alors qu'en pensez-vous ? Suffit-il selon vous de jouer sur le mode de scrutin ? Et dans ce cas, n'y a-t-il pas un risque d'instabilité politique ?

Ou bien faut-il aller plus loin et réformer notre système institutionnel ? Et si oui, dans quel sens ? Vers un système parlementaire à l'européenne ? Ou bien vers un système présidentiel à l'américaine ?

Perso, je veux bien admettre les reproches adressés à notre système actuel, mais je ne suis pas convaincu que les alternatives énoncées puissent vraiment améliorer le fonctionnement de notre pays.

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merlin
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Re: Face à la toute puissance présidentielle, quelle réforme institutionnelle ?

Message non lu par merlin » 23 mars 2022, 18:08:44

Deplacer l'affrontement des idées de la rue au parlement me semble un choix pertinent. La monarchie présidentielle ne marche pas.
La proportionnelle est le système le plus juste. Assister à des débats puis a des accords entre partis pour voter telle ou telle loi ne me choque pas, même si les députés concernés n'ont pas prévu ce texte éventuel, ce n'est pas pire que les promesses non tenues ou lois "surprises" qui ne figuraient pas dans le programme du président.
Accord veut dire : discussions, amendements,, et dégagement d'une majorité.
Je suis sur que les électeurs préfèreront ce système, d'autant qu'en cas de blocage, le président peut dissoudre et les électeurs en tirer les leçons.
Cela aurait le mérite de rendre les politiques responsables de leurs choix tout en offrant aux électeurs le choix de se souvenir de leurs engagements et d'en tenir compte dans leur futur vote.
Cela améliorerait le fonctionnement de notre démocratie à terme, si les français peuvent devenir adultes, ce qui n'est pas gagné.
Je pense toutefois que le premier mandat nécessitera un rodage sans doute cahotique et laborieux mais c'est de mon point de vue le prix a payer pour une société mieux équilibrée et débarrassée du vote sanction au profit d'un vote d'adhésion.

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Kadavre
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Re: Face à la toute puissance présidentielle, quelle réforme institutionnelle ?

Message non lu par Kadavre » 23 mars 2022, 18:09:02

Je suis favorable à un scrutin proportionnel mais avec un bonus accordé au parti arrivé en tête pour lui permettre d'avoir une majorité.

Le principal problème, c'est la montée de l'abstention, surtout chez les jeunes, mais je ne suis pas favorable au vote obligatoire car je suis très attaché à la liberté individuelle.

Je pense que la solution, pour motiver les électeurs, c'est d'aller vers une plus grande décentralisation, et en même temps vers des institutions participatives pour que les citoyens soient plus impliqués au quotidien dans la gestion des affaires publiques.

L'élection présidentielle au suffrage universel direct étant celle qui connaît le meilleur taux de participation, je ne suis pas favorable à son abolition. Mais il faut peut-être redéfinir la fonction pour qu'elle soit moins ''jupitérienne''.

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Camille
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Re: Face à la toute puissance présidentielle, quelle réforme institutionnelle ?

Message non lu par Camille » 23 mars 2022, 18:17:26

J'ai déjà énormément débattu de ce sujet, je vais donc essayer de faire court : la proportionnelle n'est pas gage d'instabilité si un accord de coalition solide est trouvé. Je sais qu'on va me répondre "Belgique, Israël" mais la plupart des pays ont des gouvernements stables, certains Premiers ministres sont là depuis plus ou moins 10 ans comme Mark Rutte aux Pays-Bas ou Xavier Bettel au Luxembourg. Ils peuvent au mieux perdre quelques mois pour former une coalition, mais ce n'est pas bien grave. Mieux vaut prendre son temps quand il s'agit de définir qui gouvernera nos vies. On n'a pas non plus la main sur les tractations gouvernementales : en 1988, malgré le retour du scrutin majoritaire, le PS ne parvient pas à obtenir de majorité absolue et compose un gouvernement avec le soutien de l'UDF alors qu'il pouvait le faire avec le PCF (de toute façon, le PS s'était droitisé entre-temps).

Ma préférence va aussi vers un régime parlementaire car je ne comprends pas la valeur ajoutée du président par rapport à un Premier ministre. Et parce qu'un président ne représentera jamais plus que ses voix de premier tour (puisqu'il est admis que les voix de second tour ne sont pas majoritairement des voix d'adhésion), alors qu'un Premier ministre issu d'élections au scrutin proportionnel représentera au moins 50 % du Parlement et donc de l'électorat.
Si les Français sont attachés à la présidentielle, c'est parce qu'ils considèrent, à raison, que c'est la seule élection utile. Si on migre vers un régime parlementaire, alors leur intérêt se portera vers les législatives.

Ca ne réglera pas tout d'une baguette magique mais ce serait déjà un début. Parce qu'il me parait nécessaire de réhabiliter des contre-pouvoirs institutionnels et parce que la France est davantage connue pour ses manifestations que louée pour sa stabilité aux yeux du monde.

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Camille
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Re: Face à la toute puissance présidentielle, quelle réforme institutionnelle ?

Message non lu par Camille » 23 mars 2022, 18:24:29

Kadavre a écrit :
23 mars 2022, 18:09:02
Je suis favorable à un scrutin proportionnel mais avec un bonus accordé au parti arrivé en tête pour lui permettre d'avoir une majorité.
À moins que le bonus soit léger, on perdrait l'essence même de la proportionnelle avec une telle disposition... Le but n'est pas juste de donner une tribune aux oppositions (même si ce serait toujours préférable au système actuel), mais de changer de paradigme et privilégier la recherche de terrains d'entente.

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fan2machiavel
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Re: Face à la toute puissance présidentielle, quelle réforme institutionnelle ?

Message non lu par fan2machiavel » 23 mars 2022, 18:31:20

J'ai déjà proposé un système certes original mais qui me semble permet un consensus beaucoup plus pertinent que juste passer à proportionnelle et avec moins de risque de blocage totale
viewtopic.php?f=8&t=22392

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Camille
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Re: Face à la toute puissance présidentielle, quelle réforme institutionnelle ?

Message non lu par Camille » 19 juin 2023, 08:21:39

Richard Ferrand a une autre idée pour redynamiser la démocratie française : permettre à Macron d'exercer un 3e mandat consécutif et abolir le non-cumul des mandats.
Interrogé sur le fait que le chef de l’État ne peut pas se présenter pour un troisième mandat, le macroniste de la première heure dit « regretter tout ce qui bride la libre expression de la souveraineté populaire. » « La limitation du mandat présidentiel dans le temps, le non-cumul des mandats, etc… Tout cela corsète notre vie publique dans des règles qui limitent le libre choix des citoyens. Ça affaiblit notre vie politique en qualité et en densité, et la rend moins attractive », assure-t-il, à l’image de tout un pan de la classe politique, favorable à l’idée d’assouplir certaines contraintes.

https://www.huffingtonpost.fr/politique ... 19394.html
Oui, la France a besoin d'un Erdogan. Quant au cumul des mandats, j'imagine qu'il a été échaudé par le fait de ne pas avoir eu de mandat de repli après sa défaite méritée aux législatives.

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Kadavre
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Re: Face à la toute puissance présidentielle, quelle réforme institutionnelle ?

Message non lu par Kadavre » 02 sept. 2023, 11:26:54

Limitation des mandats présidentiels : Emmanuel Macron déplore une «funeste connerie»
https://www.europe1.fr/politique/limita ... ie-4201209
Je suis d'accord avec Macron : cette limitation des mandats est une aberration. Elle n'est pas démocratique puisqu'elle limite le choix des électeurs, et elle risque d'aboutir en 2027 à une catastrophe électorale, avec l'élection de MLP.

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