Faut-il supprimer la PAC ?

Avatar du membre
Narbonne
Messages : 15348
Enregistré le : 04 sept. 2011, 16:12:50
Localisation : Région parisienne
Contact :

Re: Faut-il supprimer la PAC ?

Message non lu par Narbonne » 04 avr. 2017, 18:27:13

Dans l'immobilier, c'est le promoteur qui encaisse 100%. Dans l'agriculture c'est la centrale d'achat qui en profite, ni le producteur, ni le consommateur. Avec le prix qu'achète la centrale, sans la PAC, le producteur ferait immédiatement faillite
Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait.

Incognito
Messages : 2606
Enregistré le : 13 oct. 2010, 00:00:00

Re: Faut-il supprimer la PAC ?

Message non lu par Incognito » 04 avr. 2017, 19:08:45

Les chaînes de la grande distribution sont en concurrences entre elles. Leurs marges nettes sont extrêmement faibles (suffit de lire les rapports annuels). Et si les marges sont faibles, c'est parce que, de par le jeu de la concurrence, la grande distribution est elle-même forcée de transférer aux consommateurs les efforts des centrales d'achat pour obtenir de bons prix.

Règle générale: quand on taxe un produit, une partie du coût est supportée par le consommateur et une partie par le producteur. Quand on subsidie un produit, une partie du bénéfice va dans la poche du producteur et une partie dans celle du consommateur.
Dieu est mort. Marx est mort. Et moi-même je ne me sens pas très bien ... (Woody Allen)

Avatar du membre
johanono
Messages : 37487
Enregistré le : 14 août 2010, 00:00:00

Re: Faut-il supprimer la PAC ?

Message non lu par johanono » 04 avr. 2017, 19:42:33

Narbonne a écrit :
04 avr. 2017, 17:24:11
Si il n'y avait pas la PAC, les grandes surfaces achèteraient plus chers. Ils se disent, on achète à 2€ le kilo, mais en réalité l'agriculteur a touché en plus 1€ de Pac.
C'est comme les aides pour les chaudières, les appartements pour la location ...c'est le promoteur qui encaisse l'aide car il augmente le prix de vente
C'est un peu plus compliqué que ça.

Tout d'abord, il faut distinguer deux schémas : il y a certains secteurs de production dans lesquels les agriculteurs vendent directement à la grande distribution (fruits et légumes), mais il y a d'autres secteurs (viande, lait) dans lesquels les agriculteurs vendent à des sociétés agro-alimentaires (Lactalis, Charal, Bel, etc.) qui transforment la production, et ce sont ces sociétés agro-alimentaires qui vendent ensuite leurs produits transformés à la grande distribution.

Dans les secteurs où les agriculteurs vendent directement à la grande distribution, celle-ci fait jouer la concurrence, et elle se sert notamment de la concurrence étrangère pour faire baisser les prix. En gros, le représentant de la centrale d'achat va dire au représentant du groupement agricole français avec qui il est en négociation "j'ai la possibilité d'acheter un produit similaire au vôtre en Pologne ou en Espagne pour 1 € le kilo, alors alignez-vous sur ce prix, sinon, j'achète là-bas". Et le représentant du groupement agricole français est obligé de s'aligner...

Dans les secteurs où les agriculteurs vendent à des sociétés agro-alimentaires, ce sont ces sociétés qui fixent les prix de vente. Mais le problème, c'est qu'elles sont elles-mêmes victimes d'une pression de la grande distribution qui leur impose des prix leur laissant peu de marge, avec toujours l'argument de la concurrence internationale.
signora a écrit :
04 avr. 2017, 17:27:28
Ah d'accord, je comprends ton raisonnement - c'est exact- mais du coup c'est pas la pac qui est en cause mais les vautours !
Non, c'est bien la PAC qui est en cause, parce qu'elle empêche toute réglementation des marchés, elle laisse les "partenaires" commerciaux négocier librement, et dans ces conditions, le rapport de forces n'est pas favorables aux agriculteurs, qui se retrouvent obligés de vendre à perte.

Pour protéger les agriculteurs, on pourrait imaginer des accords commerciaux tripartites (agriculteurs, sociétés agroalimentaires, grande distribution) pour fixer des prix garantis aux agriculteurs. Sauf que de tels accords sont contraires au droit européen au motif qu'ils constituent une atteinte à la libre concurrence.

Il y a quelques mois, les producteurs de lait ont manifesté contre certaines sociétés agro-alimentaires à qui ils réclamaient des prix plus élevés. Lactalis, notamment, était visé. Et l'on a vu que le ministre, à part proposer des tables rondes, n'avait aucune solution à proposer. Parce que le droit européen interdit toute fixation administrative des prix.
Incognito a écrit :
04 avr. 2017, 17:55:57
johanono a écrit :
04 avr. 2017, 13:46:43
Élargir le débat, ça veut dire commencer par analyser la situation globale actuelle de l'agriculture française. Or la réalité d'aujourd'hui, c'est que le nombre d'agriculteurs en France diminue d'année en année,
Le nombre d'agriculteurs diminue d'année en année depuis des siècles. Littéralement. Et ceci non seulement en France, mais quasiment partout dans le monde. Il n'y a vraiment pas beaucoup de tendances économiques aussi bien établies. Pourquoi? Parce que même dans les pays agricoles les plus avancés, la productivité de l'agriculture continue de croître de 0.5% à 1% par an. Et parce que la demande de produits agricoles croît moins que la croissance de la productivité agricole. Mathématiquement, soit les agriculteurs doivent travailler moins, soit le nombre d'agriculteur doit diminuer.

En ce qui me concerne, critiquer la PAC parce qu'elle n'inverse pas cette tendance, c'est vraiment nous prendre pour des c...s. Aucune politique agricole alternative ne changera cette tendance. Strictement aucune.
L'argument de la productivité est un faux prétexte. Le nombre d'exploitations baisse davantage que n'augmente la productivité. Si les exploitations se regroupent, si les agriculteurs qui partent en retraite ne sont pas remplacés par des jeunes qui s'installent, ce n'est pas à cause de cette histoire de productivité. C'est un modèle économique qui est en cause. Ce système économique conduit à des prix toujours plus bas qui ne permettent pas aux agriculteurs de vivre de leur production. Dans ces conditions, les producteurs ne s'en sortent que s'ils réalisent des économies d'échelle. Et encore, c'est très souvent au prix d'un endettement très élevé.
Incognito a écrit :
que les scandales sanitaires sont récurrents, et que les pollutions agricoles sont une réalité dans beaucoup de régions françaises. [...]Il y a des Français qui disent qu'ils veulent préserver la PAC, et préserver notamment le montant des aides agricoles versées à la France. Mais ces gens-là ne proposent rien pour encadrer les marchés ou empêcher les scandales sanitaires et écologiques. Ces gens-là sont de faux défenseurs de l'agriculture française.
Encore un argument particulièrement bien étayé! C'est la PAC qui provoque des scandales sanitaires et/ou écologiques? En fait, il y a déjà un paquet de règles sanitaires et écologiques dans ce secteur, aussi bien européenne que françaises. Soit on estime qu'elles ne sont pas bien appliquées. Dans ce cas, c'est aux autorité françaises à prendre des mesures. Soit on estime que ces règles sont insuffisantes, et dans ce cas rien n'empêche de proposer de nouvelles règles. C'est d'ailleurs exactement ce que suggèrent certains des candidats à la présidentielle. Ce genre de choses peuvent parfaitement se faire dans le cadre de la PAC.
La PAC génère un modèle d'économie dans lequel ce sont les plus gros qui s'en sortent. Alors je sais bien ce que tu vas me dire : il y a des petites exploitations qui sont sales, des grosses exploitations qui sont propres. Peut-être. Mais l'intensif, ce sont les élevages hors-sols qui polluent, ce sont les grandes cultures bourrées de pesticides, etc.
Incognito a écrit :
Et quand, par exemple, la France accepte la suppression des quotas laitiers, elle sacrifie un grand nombre de ses producteurs. Le montant des subventions a peut-être été préservé, la belle affaire... :(
La suppression des quotas laitiers est probablement la dernière en date de toute une série de décisions prises au niveau européen dans un sens défavorable aux intérêts de l'agriculture française. L'affirmation selon laquelle la France défend correctement les intérêts de ses agriculteurs dans les négociations européennes est très discutable...
Les quotas sont le résultats de prix garantis trop élevés. On commence d'abord par fixer des prix garantis raisonnables. Après quelques années, les agriculteurs deviennent plus productifs. Les prix garantis qui étaient raisonnables quelques années auparavant deviennent progressivement extrêmement intéressants pour les agriculteurs. Ils se mettent donc à produire de plus en plus. Les autorités sont obligés de racheter cette production au prix garanti, même si elles ne savent pas quoi en faire. D'où les montagnes de beurres, les océans de lait, les frigos géants plein de viande bovine.

Vient le moment où les contribuables en ont complètement marre de cette production inutile qui coûte la peau des fesse. Pour la plupart des produits couverts par la PAC, c'est en 1993 que le couperet est tombé. Les politiques doivent alors décider: soit on baisse les prix, soit on impose des quotas pour ramener la production à un niveau raisonnable. Baisser les prix, c'est tout simplement suivre la logique de l'économie de marché. Ça incite les producteurs les moins productifs à faire autre chose. Les quotas, c'est suivre une logique communiste. Au début, on instaure des quotas selon l'historique de la production de chaque agriculteur. Après quasiment 30 ans de quotas laitiers, ces quotas établis dans les années 80 n'ont plus aucune légitimité. C'est juste une loterie. Je crois que les quotas laitiers sont les seuls quotas qui restaient. Bon débarras! C'était vraiment un système archaïque!
Tu dis qu'il faut suivre l'économie de marché. Mais justement, je ne souhaite pas que l'agriculture suive les règles de l'économie de marché ! C'est un secteur particulier, avec des enjeux particuliers (protection de l'environnement, sécurité alimentaire, etc.) qui nécessite d'échapper aux règles de l'économie de marché !

Donc oui, les quotas n'obéissent pas vraiment à une logique libérale. Et c'est très bien comme ça. Les quotas ont été décidés dans les années 80 en réaction à des problèmes de surproduction. Depuis, ils fonctionnaient à peu près correctement. Pourquoi les avoir démantelés, si ce n'est pas idéologie ?

La suppression des quotas va aboutir à une baisse drastique du nombre de producteurs laitiers en France. Cette baisse drastique n'aura rien à voir avec une histoire de productivité. Elle sera la résultante de choix économiques. Par chez moi, je connais de nombreux producteurs laitiers qui arrêtent leur production. Et dans quelques décennies, nous serons obligé d'importer du lait, venant d'on ne sait, fabriqué on ne sait comment : il sera trop tard pour se plaindre.
Incognito a écrit :
Il convient aussi de tordre le cou à une affirmation souvent proférée par les européistes : ce serait grâce aux subventions agricoles européennes que nos agriculteurs survivent. Rien de plus faux ! La PAC organise la chute des cours, donc la ruine de nos agriculteurs, et les subventions européennes ne compensent que très partiellement cette chute des cours.
Encore une affirmation tordue! Les prix agricoles sont des prix de marché. Ils montent et descendent en fonction de l'offre et de la demande, tout simplement. Ce n'est pas (ou plutôt plus) la PAC qui fixe les prix, ni qui 'organise la chute des cours'. Par contre, les subsides que reçoivent les agriculteurs leur permettent bel et bien de rester compétitif.

À noter d'ailleurs que, dans l'article de Nombrilist sur les problèmes des producteurs laitiers, il y a une carte montrant la hausse de la production suite à la fin des quotas. Hausse de la production, donc baisse des prix. Ensuite sortie des producteurs les moins compétitifs. Ensuite restabilisation du marché, rehausse des prix. C'est là qu'on en est est, mais curieusement ça ne se trouve pas dans le journal ça.
En effet, la suppression des quotas laisse la place à des prix fixés selon le libre jeu du marché. Le problème, c'est que les producteurs français ont des coûts de production plus élevés qu'à l'étranger, pour diverses raisons (taille des exploitation trop faible, donc moindres économies d'échelle, normes sanitaires plus contraignantes, prix de la main d’œuvre plus élevé, etc.).

Ce n'est pas la PAC qui fixe les prix, nous sommes d'accord. La PAC laisse la loi du marché fixer les prix. C'est ça que je lui reproche. Car si c'est la loi du marché qui fixe les prix, alors dans un contexte de libre-échange, ces prix seront fixés au niveau le plus bas, au niveau offert par les producteurs étrangers ayant des coûts de production moindres, ce sera donc la ruine de nos agriculteurs.

Avatar du membre
politicien
Site Admin
Messages : 34347
Enregistré le : 30 août 2008, 00:00:00
Compte Twitter : @LActuPolitique

Re: Faut-il supprimer la PAC ?

Message non lu par politicien » 08 avr. 2017, 16:18:18

@johanono tu penses donc que sans la PAC l'agriculture Française se porterait mieux ?
« Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire » Le débat ne s'arrête jamais sur Actu-Politique

Incognito
Messages : 2606
Enregistré le : 13 oct. 2010, 00:00:00

Re: Faut-il supprimer la PAC ?

Message non lu par Incognito » 08 avr. 2017, 16:23:24

Non, politicien, johanono pense certainement qu'elle se porterait plus mal!

Je plaisante. À question bête, réponse idiote! :mrgreen:
Dieu est mort. Marx est mort. Et moi-même je ne me sens pas très bien ... (Woody Allen)

Avatar du membre
Nombrilist
Messages : 63371
Enregistré le : 08 févr. 2010, 00:00:00

Re: Faut-il supprimer la PAC ?

Message non lu par Nombrilist » 08 avr. 2017, 17:00:44

L'agriculture est un secteur stratégique garant de l'indépendance de la France dans ce secteur vis à vis des autres pays dans les négociations/affrontements. Comme le dit Johanono, on ne peut pas laisser l'atteinte d'un équilibre harmonieux très théorique simplement à la merci des marchés. Autant on pourrait se passer de tee-shirts, ce n'est pas bien grave que les marchés aient dégommé notre industrie dans ce secteur, mais on ne pourrait pas se passer de manger.

Répondre

Retourner vers « Qu'en pensez vous ? »

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur enregistré