source ...Une note confidentielle des services de renseignements, portée à la connaissance du Figaro, révèle que, de manière insidieuse, une forme de repli identitaire se fait jour dans certains établissements scolaires.
Port du voile dans les cours de récréation, revendications de repas halal à la cantine, absentéisme chronique au moment des fêtes religieuses, prières clandestines dans les gymnases ou les couloirs… De manière insidieuse, le communautarisme musulman cherche à gagner du terrain dans le système éducatif français. Une note confidentielle des services de renseignements portée à la connaissance du Figaro dresse un état des lieux édifiant. Ce document, épais d'une quinzaine de pages et daté du 28 novembre dernier, est émaillé d'environ 70 exemples précis à travers toute la France. Tous sont révélateurs et, parfois, surréalistes. Disséquant au scalpel un phénomène relevant d'«initiatives isolées» susceptibles de «déstabiliser les équipes enseignantes», les policiers révèlent comment les adeptes de la «tradition islamique rigoriste» tentent de contourner la loi de mars 2004 prohibant les signes religieux à l'école. Lancés dans une guerre «d'usure» face à la laquelle le corps enseignant est démuni, d'autoproclamés «jeunes gardiens de l'orthodoxie» exercent au sein même de certains établissements des pressions sur les jeunes musulmanes. «Lors des fêtes musulmanes, et plus particulièrement lors de l'Aïd-el-Kebir, des classes sont désertées par les élèves», souligne le rapport qui révèle des taux d'absentéisme frisant les 90% dans des quartiers sensibles de Nîmes ou Toulouse. À Marseille, un proviseur de lycée des quartiers nord témoigne que certains de ses élèves prient avec une telle ferveur qu'ils en ont le «front bleu». Interrogée par Le Figaro, la philosophe et spécialiste de la laïcité Catherine Kintzler considère que «ce n'est pas en se taisant sur les revendications communautaristes que la République finira par gagner.» Plongée dans les coulisses d'un repli identitaire qui inquiète la police.
INTERVIEW - La philosophe Catherine Kintzler revient sur la laïcité et les signes ostensibles à l'école.
LE FIGARO. - Dix ans après la loi de 2004, quel est votre constat?
Catherine KINTZLER. -Que cette loi était nécessaire! Il y avait à l'époque une absence de fermeté. Je rappelle qu'il n'était pas question uniquement du voile, mais aussi de kippa. Avec ces signes ostensibles, l'école était en passe de devenir un lieu où il n'était plus possible d'avoir une double vie. Précisément, elle doit permettre cette double vie. La laïcité distingue les espaces, là où l'intégrisme considère qu'il en existe un seul. L'école est ce moment critique où chacun est invité à suspendre ses croyances, pour éventuellement y revenir, avec une pointe d'autonomie. C'est ce qu'explique Condorcet. L'école n'est pas faite pour la société, ni même pour la République, mais pour la liberté.
Mais il y a deux manières de concevoir l'éducation. Tout un mouvement «pédagogiste», à l'œuvre depuis les années 1970, estime que l'école doit s'ouvrir à tout ce qui lui est extérieur, la rue, la maison, le centre de loisir. Mais l'école n'est pas tout cela! Elle accueille les enfants pour les élever au rang d'élève. C'est ce qu'on appelle «l'instruction».
Que dire de la situation actuelle? Les enseignants ont-ils les moyens d'agir face au communautarisme?
Dans un contexte où la République fait l'objet de tests venus de groupes qui veulent imposer un communautarisme social et politique, l'école est une cible.
Avec la loi de 2004, les enseignants ont davantage d'armes. La charte de la laïcité, mise en place par Vincent Peillon, est aussi une bonne chose car elle a le mérite de rappeler ce qui allait de soi il y a cinquante ans. Il est temps de se rendre compte que l'école doit être exigeante vis-à-vis d'elle-même. De plus en plus d'enseignants agissent en ce sens. Plus globalement, il me semble que nous vivons une période de prise de conscience où l'on réalise que ce n'est pas en se taisant sur les revendications communautaristes que la République finira par gagner. L'opinion accueille favorablement ces thèmes qui ont été vilipendés pendant des années. L'extrême droite n'avait qu'à se baisser pour les ramasser.
On parle de «laïcité libérale» et de «laïcité néorépublicaine». Que dire de ces nuances?
Ces nuances cachent en réalité des dérives. La laïcité, c'est l'idée selon laquelle la puissance publique est tenue à l'abstention et au respect de toutes les consciences. Partout ailleurs, dans la société civile, la règle est la libre expression. À partir de là, on observe deux dérives. L'une, qui cautionne le communautarisme, consiste à vouloir étendre au domaine de l'autorité publique le régime de la société civile. Elle emprunte les noms de laïcité «plurielle», «apaisée», «positive»… La seconde consiste à vouloir soumettre la société civile au principe de laïcité, à «nettoyer» cet espace civil de tout signe religieux, mais plus particulièrement musulman. Ces deux dérives symétriques et complices créent l'islamophobie et font le jeu de l'extrême droite.
Et vous, que pensez vous de l'action de nos politiques, par rapport à cette situation ? Pensez vous que le dialogue soit préférable à la fermeté ?