Éducation nationale : la machine à exclure ?

Venez nous parler des problèmes de nos écoles ( service minimum, l'accueil des enfants, effectifs dans les classes ... )
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politicien
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Éducation nationale : la machine à exclure ?

Message non lu par politicien » 24 mars 2015, 07:46:19

Bonjour,
De toutes les polémiques qui jalonnent les débats publics, il en est une qui ne manque jamais un rendez-vous : la mise en cause du système éducatif français. Des phénomènes de radicalisation aux dérives électorales en passant par le chômage de masse, tout ce qui pose problème dans notre société trouverait sa source dans l'échec de l'Éducation nationale. Les réformes ne suffiront pas à résoudre des problèmes qui sont en fait générés par la société elle-même et qui sont plus profonds qu'il n'y paraît.

L'égalité des chances n'existe pas en France
Dans notre imaginaire collectif, l'école de la République est une chance pour tous. Elle est censée permettre à ceux qui sont "méritants" d'accéder aux savoirs, quelle que soit leur origine sociale. Les élèves boursiers sont l'archétype de la méritocratie républicaine. Et les critères d'évaluation du niveau scolaire ont l'apparence de la neutralité, là où tout est fait pour éviter népotisme et favoritisme.

Mais dans la réalité, il s'avère que le niveau scolaire d'un individu est étroitement lié à ses origines sociales. Malgré le processus dit de démocratisation, les enfants issus de familles culturellement favorisées sont surreprésentés dans l'enseignement supérieur, et, inversement, les enfants issus de milieux populaires sont sous-représentés.

Comment cela se fait-il ? Les sociologues Bourdieu et Passeron ont, dès les années 60, montré que les élèves issus de familles dites cultivées intègrent des habitudes de comportement, de langage, de jugement, de relation au monde, qui sont propres à leur milieu social et qui correspondent aux critères requis dans le système éducatif. La distance culturelle entre l'école et leur milieu familial et social est faible.

En revanche, ceux qui n'ont pas hérité de ce capital culturel et social doivent faire preuve de qualités intellectuelles et psychologiques supérieures à celles de leurs camarades des milieux cultivés pour parvenir à un résultat équivalent.

C'est une sélection injuste dans la mesure où elle ne respecte pas le principe d'égalité des chances, c'est-à-dire qu'elle ne se fait pas en fonction des qualités personnelles et des capacités individuelles de l'élève, mais en fonction du capital culturel et social que ce dernier a reçu de son milieu d'origine. Lorsque ce capital est proche des exigences scolaires, alors les résultats de l'élève sont bons. C'est ainsi que les classes sociales favorisées perpétuent et légitiment leur position dans la hiérarchie sociale, d'une génération à l'autre.

Des efforts de démocratisation vains...
Les réformes de toutes sortes se suivent au rythme des gouvernements successifs : politique de quotas de ségrégation positive, intégration de classes spécifiques dans les grands lycées parisiens, le baccalauréat obtenu par 80 % d'une classe d'âge, etc. On a aussi privilégié les mathématiques comme critère de sélection en espérant contourner le problème de l'héritage culturel des parents et du milieu social d'origine. Mais la barrière est tellement élevée que seule une infime minorité peut la passer.

(...)

La France empêtrée dans son élitisme forcené
Dans l'esprit français, l'égalité des chances consiste à permettre à tous d'accéder à une seule voie sacrée, qui correspond à celle que les élites empruntent. D'autres voies seraient possibles, permettant à tout un chacun de trouver sa place. Mais dans l'opinion française, fortement influencée par les élites sorties des grands corps d'État, il n'existe qu'une seule voie d'excellence et aucune autre. Des voies très prisées en Allemagne, l'apprentissage par exemple, qui permettent de parvenir à un poste d'ingénieur au sein de l'entreprise, sont des choses inconcevables en France.

Parce qu'en France, la notion de valeur est indissociable de celle de prestige. C'est pourquoi chaque fois qu'on a voulu valoriser des filières techniques, la seule manière de susciter l'adhésion du public, c'est de leur donner du prestige lié au patrimoine français. On ne s'étonnera pas si la distinction de Meilleur Ouvrier de France est décernée à des artisans liés à des activités créatrices, parfaitement respectables, mais qui n'ont rien à voir avec l'industrie, toujours la mal-aimée.

L'esprit français a d'énormes difficultés à concevoir qu'on puisse atteindre l'excellence sans faire partie d'une minorité ayant fait l'objet d'une sélection draconienne. C'est ainsi que l'élitisme sévit. C'est comme s'il était impossible que l'excellence puisse s'inscrire dans la diversité des parcours. L'opinion française n'a d'yeux que pour un modèle, celui prisé par les élites. Le reste est tout simplement négligé, voire méprisé. Ce qui est dommage, c'est que l'ensemble de la société française, influencée par son élite, a intégré ce système de valeurs et subit de ce fait une violence symbolique très forte, ayant pour elle-même un mépris prononcé.

(...)

L'intégralité de cet article à lire sur Le Point.fr


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Re: Éducation nationale : la machine à exclure ?

Message non lu par El Fredo » 24 mars 2015, 08:24:50

La France est l'un des pays où le taux de reproduction sociale est le plus élevé, et cette ségrégation sociale se poursuit tout au long de la carrière dans la plupart des cas. Comme la société n'est que le produit de son système éducatif, je crois qu'on a tout dit.
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johanono
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Re: Éducation nationale : la machine à exclure ?

Message non lu par johanono » 24 mars 2015, 08:26:59

Il est un peu exagéré de rendre l'école responsable du chômage de masse ou de la violence dans notre société. On parle là de problèmes qui trouvent leurs causes dans les tréfonds de notre société, et dont l'école n'est qu'un réceptacle. Je suis donc d'accord avec le premier paragraphe de l'article.

Alors en effet, les enfants issus de milieux sociaux favorisés sont sur-représentés dans l'enseignement supérieur. Ce phénomène de reproduction sociales semble même s'aggraver depuis quelques années (certaines études vont dans ce sens). Il y a clairement un problème.

L'article évoque la théorie de Bourdieu, selon laquelle, schématiquement, les élèves issus des milieux favorisés auraient des habitudes de comportement, de langage, correspondant aux exigences de l'école. Cette théorie a fait beaucoup de mal. Car elle prend le problème à l'envers.

La culture, le savoir, sont ce qu'ils sont. C'est précisément parce que des gens détiennent cette culture, ce savoir, qu'ils appartiennent à des catégories sociales favorisées. La culture des catégories populaires, si tant est qu'elle existe, se résume à Paris Match, le foot, les séries américaines, la téléréalité...

La politique mise en œuvre depuis quelques décennies désormais consiste surtout à abaisser les exigences dans les programmes scolaires, sous prétexte de s'adapter à un nouveau public. En abaissant ces exigences, sous prétexte de s'adapter à son public, l'école pénalise d'abord et avant tout les jeunes issus de milieux défavorisés : ceux-là n'ont que l'école pour s'en sortir, quant aux autres, même si l'école ne leur apprend rien, ils pourront toujours compter sur leurs parents pour pallier les défaillances de l'école.

Pour aider les jeunes issus de milieux défavorisés, il faudrait au contraire renforcer les exigences, pas les réduire.

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Re: Éducation nationale : la machine à exclure ?

Message non lu par Nombrilist » 24 mars 2015, 08:27:45

En effet El Fredo. Perso, j'ai pris un petit ascenseur social, mais en effet, je n'ai pas grand chose à voir avec ceux qui occupent l'étage auquel je suis arrivé. La plupart ont grandi dans de bonnes familles, dans des maisons et aucun en HLM.

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Re: Éducation nationale : la machine à exclure ?

Message non lu par Narbonne » 24 mars 2015, 08:43:48

Depuis une quinzaine d'années, l'ascenseur social est en panne. On a assisté à la création de multiple écoles commerciales/ingénieurs où l'ascenseur social c'est le carnet de chèques.
Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait.

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Re: Éducation nationale : la machine à exclure ?

Message non lu par El Fredo » 24 mars 2015, 09:12:13

johanono » 24 Mar 2015, 08:26 a écrit :Pour aider les jeunes issus de milieux défavorisés, il faudrait au contraire renforcer les exigences, pas les réduire.
C'est justement ce qu'on fait dans l'immense majorité des cas (les jeunes défavorisés doivent atteindre un niveau d'excellence bien supérieur à celui des jeunes favorisés pour suivre le même parcours), c'est même le thème de l'article. La discrimination positive façon Sciences-Po est l'exception qui confirme la règle, et qui marche plutôt bien vu que les jeunes qui en bénéficient ont rattrapé leur retard initiale à la fin du cursus.
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Re: Éducation nationale : la machine à exclure ?

Message non lu par johanono » 24 mars 2015, 09:17:15

Sauf qu'actuellement, la mode est aux itinéraires de découverte, travaux encadrés, etc. Depuis 20 ou 30 ans, le nombre d'heures de cours consacrés aux matières fondamentales ne cesse de diminuer...

Il y a aussi l'idée communément admise que l'apprentissage devrait se faire dans le cadre du principe de plaisir, que l'école devrait être un lieu d'épanouissement, etc. Pourtant, il faut avoir à l'esprit l'Allégorie de la Caverne de Platon, pour comprendre que l'apprentissage n'est pas un plaisir.

Donc la théorie de Bourdieu et cette idée que l'apprentissage devrait se faire dans le cadre du principe de plaisir se combinent pour aboutir à une baisse des exigences scolaires, et cela pénalise d'abord les enfants issus des catégories populaires.

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Re: Éducation nationale : la machine à exclure ?

Message non lu par El Fredo » 24 mars 2015, 09:53:50

La pédagogie Montessori est le contre-exemple parfait de ces principes que tu avances. Ce n'est pas le principe de plaisir mais la joie de la découverte qui est essentiel dans l'apprentissage, surtout chez les enfants. Il n'y en a aucune dans l'apprentissage rigide à la mode jésuite.
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Re: Éducation nationale : la machine à exclure ?

Message non lu par Nombrilist » 24 mars 2015, 20:12:37

D'ailleurs, l'EN ne veut pas entendre parler de la pédagogie Montessori.

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Re: Éducation nationale : la machine à exclure ?

Message non lu par El Fredo » 24 mars 2015, 20:53:54

L'EN ne veut pas entendre parler de grand chose d'ailleurs : élèves précoces et à fort potentiel, autisme, harcèlement, etc. On a 30 ans de retard sur tous les autres pays développés.
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Re: Éducation nationale : la machine à exclure ?

Message non lu par Baltorupec » 24 mars 2015, 21:04:03

El Fredo » Mar 24 Mar 2015 - 21:53 a écrit :L'EN ne veut pas entendre parler de grand chose d'ailleurs : élèves précoces et à fort potentiel, autisme, harcèlement, etc. On a 30 ans de retard sur tous les autres pays développés.
:+1:

Il y a un manque clairement de moyen. Il y a enfin une organisation qui méprise complètement le retour que peut faire les instituteurs et professeurs sur leur moyen. L'EN est une organisation verticale qui impose par le haut sans connaissance du terrain. Il est vrai que le temps donné aux bases à diminuer.

En ce qui concerne le plaisir d'apprendre, il y a je pense à un juste titre, l'école n'est ni une cour de récréation, ni une prison. Je pense que l'on peut apprendre avec plaisir et avec rigueur. Même si au delà du plaisir, je mettrais en avant la bienveillance vis à vis de l'enfant, et je pense qu'il est important qu'un enfant se sente à l'aise à l'école et non menacé.
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Jean
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Re: Éducation nationale : la machine à exclure ?

Message non lu par Jean » 04 mai 2015, 18:09:15

Je ne vois pas comment empêcher des parents d'aider leurs enfants dans leurs études...

A moins d'imaginer une société dans laquelle on sépare les enfants des parents dès la naissance...

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Re: Éducation nationale : la machine à exclure ?

Message non lu par Baltorupec » 04 mai 2015, 19:01:31

Sans parler des inégalités de réussite en fonction des CSP et du rôle de parent que ne pourra jamais remplacer l'EN, la question est :
Est-ce que l'école se donne pleinement les moyens pour donner le maximum de chances aux enfants de réussir ?
Je dirais non par manque de volonté politique dans l'électorat comme dans les hautes sphères.
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