Comprenons bien quelles sont les implications pratiques de ce livret de la laïcité.L’enseignement de la laïcité doit maintenir la supériorité de la science sur la croyance
Le « livret laïcité », que le ministère de l’éducation nationale vient d’élaborer à l’usage des chefs d’établissement et des équipes éducatives de l’enseignement public, repose sur une confusion entre une vision simplifiée de la laïcité et le cadre dans lequel elle s’inscrit.
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Plus compliquée encore est la tâche assignée à des professeurs quand il s’agit d’enseigner l’histoire des religions sans en discuter les implications. Imagine-t-on un enseignement du catholicisme au Moyen Age qui ne parlerait pas de l’Inquisition, ou une histoire de l’URSS qui n’évoquerait pas le goulag ? Une laïcité qui ne s’inscrit pas explicitement dans une société ouverte et ne va pas de pair avec l’accent mis sur la démarche scientifique peut-elle être autre chose qu’illusoire ?
C’est là que le chapitre 4 du livret pose problème et conduit à s’interroger sur les motivations véritables de ses auteurs et donc des autorités qui le distribuent. Malgré son titre, « Laïcité et enseignements », ce chapitre porte moins sur la laïcité que sur la démarche qui doit prévaloir en matière de transmission des connaissances : « Il revient aux chefs d’établissement et directeurs d’école de montrer que les savoirs enseignés sont le fruit de la démarche scientifique de l’historien et montrer aux élèves la distinction entre savoir, opinion ou croyance. Distinction entre croire et savoir : ce qui peut être cru ne relève pas de l’enseignement scolaire de l’école laïque mais appartient à la liberté de conscience, de croyance de chacun. » (p. 16). Excellent prélude pour préparer à « la formation de l’esprit critique » que la ministre annonce dans son édito comme l’une des ambitions d’une « refondation de l’école ».
La religion doit principalement se consacrer aux questions métaphysiques, sans déborder sur la sphère de connaissances qui sont du domaine scientifique et qui sont les seules à devoir être enseignées dans les écoles
Malheureusement, il suffit d’une phrase pour qu’on en vienne à se demander si les auteurs de ce « livret laïcité » se sont sérieusement interrogés sur les conditions d’exercice de la laïcité dans le système scolaire. Le livret affirme ainsi qu’« il faut pouvoir éviter la confrontation ou la comparaison du discours religieux et du savoir scientifique. Dans les disciplines scientifiques (SVT, physique-chimie, etc.), il est essentiel de refuser d’établir une supériorité de l’un sur l’autre comme de les mettre à égalité. » Affirmation qui ne l’empêche pas de déclarer que « les enseignants doivent être en mesure de répondre à des objections, même lorsque celles-ci sont de nature religieuse… Sans se risquer à la comparaison des discours scientifiques et religieux, il est tout à fait possible de déconstruire l’argument d’un élève comme on le ferait de n’importe quelle objection. »
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Par exemple, un professeur de SVT explique à ses élèves les théories de Darwin sur l'évolution des espèces. Un professeur de physique explique à ses élèves la théorie du Big Bang. Des élèves leur rétorquent que c'est Dieu qui a créé l'Homme. Si ces prof respectent scrupuleusement les injonctions du ministère, ils devront renoncer à répondre à ces élèves que la science, fondée sur des observations de fait, doit primer sur la croyance. Il devra se taire.
Avec le livret de la laïcité, sous prétexte de ne pas entrer en conflit avec les élèves, de respecter leurs croyance, les profs devront désormais renoncer à combattre les obscurantismes religieux. C'est beau, le progrès...