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par dou » 03 mai 2011, 23:31:00
...un peu trop à la volée, FrauElke ! Comment veux-tu que l'école transmette des valeurs qui ne sont pas représentées ailleurs dans le reste de la société ? Tu sembles attendre que l'école, à elle seule, remédie à tous ses problèmes.
Mais l'école fait déjà beaucoup, et beaucoup trop, peut-être. Dans les établissements où j'ai enseigné, les élèves suivaient des conférences avec des policiers qui les sensibilisaient à la délinquance, ce qui ne les empêchait pas de se battre en classe sous les yeux de ces policiers, ils avaient des cours d'éducation alimentaire, qui ne les empêchaient pas de se gaver de sucreries nuisibles à leur santé, des cours d'éducation sexuelle après lesquels, avant de faire cours, je leur faisais ramasser les préservatifs qui traînaient par terre, des heures de "vie de classe" qui sont des sortes de cours de discipline, sans oublier les stages en entreprise, les voyages, les spectacles de fin d'année ayant souvent une teinte humanitaire, etc...
Il serait bon de rappeler une chose : la mission première de l'école, c'est l'enseignement, la transmission de savoirs et de compétences.
L'école est impuissante à enseigner des valeurs, des morales, des catéchismes qui ne trouvent pas d'écho au sein de la famille, à laquelle elle ne saurait se substituer.
A propos de violences, il faut distinguer celles qui sont somme toute le lot commun de toutes les cours de récré de celles qui caractérisent les zones plus sensibles. J'étais en zep. As-tu une idée du type de problèmes auxquels les enseignants sont confrontés ? Des enfants de 13-14 ans qui ont une vie sexuelle à l'image des films pornos les plus débridés ? Des enfants laissés à l'abandon par leur famille, qui traînent dans la rue, ou devant la télé ou l'ordi jusqu'à des heures hallucinantes ? Les filles qui souhaitent rester vierges avant le mariage se font sodomiser sans aucune protection en attendant le bus du matin. Des enfants battus, ou orphelins, ou émigrés qui ont connu la guerre ou le terrorisme, voire qui ont été des enfants soldats ? des enfants victimes d'inceste ? Des filles mariées de force ? Des gamins renvoyés de tous les collèges et qui se battent encore après deux heures passée dans leur nouvel établissement ? Dès qu'on tente d'entrer en relation avec bon nombre de ces enfants, ils vous font sentir par leur mépris que vous n'appartenez pas au même monde qu'eux. Et, dans un sens, c'est vrai. Que dire, alors ?
Avez-vous une idée de la relation parents-professeurs ? D'abord les parents, il faut les trouver : dans certains cas, ceux qui nous préoccupent, ce n'est pas toujours facile. Beaucoup d'entre eux aussi sont très laxistes quant à l'éducation des enfants ("tu as des mauvaises notes à l'école, tu seras privé de scooter pendant un mois" - au collège, ou bien "je ne comprends pas pourquoi mon fils a de mauvaises notes, je lui ai toujours donné tout ce qu'il a voulu") : est-ce que l'enseignant doit donner des consignes aux parents pour qu'ils élèvent mieux leurs enfants ? Vous dites, Frau, "qu'on ne transige plus...", "relations avec les parents", vous parlez d'un "pacte" entre élèves enseignants et parents : allez-y donc ! Que croyez-vous que font les équipes pédagogiques dans les collèges et les lycées ? On leur fait signer des contrats à tours de bras aux enfants et à leurs parents : ça tient ce que ça tient.
Résoudre les problèmes de violence à l'école, c'est remplir le tonneau des Danaïdes.
Nous ne sommes plus au siècle dernier, quand les hussards noirs de la République moralisaient une société beaucoup plus homogène que la nôtre. Notre société à nous est plus diverse dans ses origines et ses codes, plus consumériste et plus individualiste.
Je ne parle pas de la télévision, devant laquelle les enfants les plus défavorisés passent le plus clair de leur temps. "Fais-toi plaisir " est tout ce qu'ils entendent. Voilà qui doit nourrir un sentiment de frustration qui, au fil des échecs, ne peut déboucher que sur de la violence, ou un sentiment d'exclusion.
Pour sortir d'une telle prison, le savoir, les connaissances peuvent être d'un grand secours. C'était bien là la théorie de l'humanisme : connaître le monde et les hommes, pour se découvrir semblable à eux. Montaigne, déjà, se disait "citoyen du monde". Une tête bien pleine, donc bien faite, donc tolérante et modérée dans ses jugements. Le savoir, c'est l'école qui le transmet. Pour le reste, on panse les plaies, mais il faut chercher ailleurs.