Au cours de cette année, émaillée par d’autres attaques terroristes, les stigmates des attentats de Paris et Saint-Denis restent vifs. Le sentiment de l’habitude n’efface pas celui de l’insécurité.
« Comment retrouver la légèreté ? », « Pourquoi eux sont morts et pas moi ? », « Comment surmonter ma peur ? », « Et si je changeais de vie ? », « Qu’est-ce que je peux faire ? » Un an après les attentats de Paris et de Saint-Denis, les mois passent, mais le souvenir de ce vendredi 13 novembre reste vif. Et les stigmates nombreux. Si le sentiment de sidération est passé, laissant place à celui de l’habitude, la vie n’a pour autant pas repris son cours « normal ».
LeMonde.fr a lancé en octobre un appel à témoignages : « Qu’est-ce que les attentats ont changé dans votre vie ? » A cette question aussi simple que large, nous avons reçu près de 250 récits – un chiffre bien au-dessus de la moyenne. Au-delà de ce constat quantitatif, nous avons été frappés par la qualité des témoignages, souvent denses, teintés de ressentis généraux et empreints de détails concrets. Progressivement, dans cette multitude d’histoires singulières, s’est dessiné un diagnostic général post-attentats : tous évoquent « un avant/après 13 novembre », une injonction à « vivre avec » le terrorisme, avec ces attaques venues chambouler toute la sphère de l’intime et les habitudes qui la composent.
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Identification
Un premier constat s’impose, le 13 novembre a été un traumatisme national, qui a donné lieu à un processus d’identification puissant. L’onde de choc ressentie a été d’autant plus forte que les liens géographiques, temporels, affectifs ou sociétaux établis avec les victimes étaient ténus. Assez logiquement, la majorité des témoignages que nous avons recueillis sont ceux d’une population qui s’est identifiée avec le plus d’acuité aux victimes des attentats de Paris et de Saint-Denis. Ceux qu’on a appelés la « génération Bataclan » : des jeunes, âgés de 16 à 35 ans, issus de classes moyennes, venus à Paris pour y étudier ou pour travailler, ou vivant dans de grandes villes comme Nantes, Lyon, Lille ou encore Toulouse. Chacun dresse un inventaire des points communs avec les victimes des attentats, comme autant de « j’aurais pu y être ».
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D’autres évoquent l’ambivalence du sentiment « d’habituation », à la fois salutaire et culpabilisant. « La vie, le quotidien, reprennent le dessus avec une banalité déconcertante », témoigne une jeune femme de 23 ans. « L’être humain a cette caractéristique aussi utile qu’effrayante : il s’habitue à tout. Je me suis habituée aux menaces sur nos rassemblements, aux militaires dans les centres commerciaux et aux fouilles lors des événements », constate Margaux Voglet, 22 ans, étudiante en management du tourisme à Namur, en Belgique.
Face à ce sentiment d’insécurité, les spécialistes conseillent « la rationalisation » de l’événement. Une posture adoptée par certains témoins, comme Véronique, étudiante de 23 ans, vivant à l’étranger : « Quand un avion s’écrase, un bateau coule, un train déraille, on n’arrête pas pour autant les transports en commun. »
Le risque étant que certaines personnes, pour s’épargner de trop grandes angoisses, adoptent une posture de déni, comme ne plus du tout écouter les informations. « Depuis le 13 novembre, je refuse de regarder les médias, quels qu’ils soient », rapporte Joëlle, 47 ans, responsable commerciale dans une compagnie d’assistance à Paris.
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http://www.lemonde.fr/attaques-a-paris/ ... 09495.html
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