A La Courneuve, les barres tombent, les dealers restent

Venez parler de notre sécurité ( la police, la violence... ) mais aussi venez parler de la sécurité sur le web ( piratage, compte bancaire... )
Répondre
Avatar du membre
johanono
Messages : 37511
Enregistré le : 14 août 2010, 00:00:00

Message non lu par johanono » 01 août 2011, 00:20:00

A La Courneuve, les barres tombent, les dealers restent

"La maison ne fait pas crédit." Avertissement ou trait d'humour, l'inscription qui ornait, il y a encore un an, l'un des halls d'entrée de la barre Balzac, montrait combien les dealers y étaient installés sans crainte. La destruction de cette HLM de quinze étages et de 185 mètres de long, emblématique de la cité des 4 000 à La Courneuve (Seine-Saint-Denis) a commencé mercredi 20 juillet.

Grignotée par les mâchoires d'une grue géante, elle aura disparu en septembre. Une étape majeure du vaste projet de renouvellement urbain financé par l'Agence nationale de rénovation urbaine dans le quartier. Jusqu'à 2010, "Balzac", comme on l'appelle là-bas, était un haut lieu du deal en région parisienne, principalement de cannabis. Une économie tout sauf souterraine : de grandes flèches noires guidaient les acheteurs depuis la gare RER toute proche.

"On a eu de bons moments ici. Mais l'immeuble s'est dégradé au fil des années, raconte Nadine Lucas qui, après avoir elle-même passé son enfance dans la barre, y a élevé ses quatre enfants. A la fin, il y avait les bons et les mauvais porches ! Du 2 au 8, c'était calme et les ascenseurs fonctionnaient. Après, ça déclinait. Mais le 14-16, c'était le pire !" Le trafic y était tenu par quelques garçons d'une vingtaine d'années, épaulés de "guetteurs" plus jeunes, prompts à signaler l'arrivée de la police.

Au printemps 2010, quand les premiers porches de "Balzac" ont été murés, la tension est montée d'un cran dans la cité. Le 23 mai, une fusillade a éclaté devant une barre jumelle, le Mail Maurice-de-Fontenay : une balle perdue a blessé gravement une mère de famille. Le lendemain, réplique côté Balzac : un homme de 28 ans est tué d'une balle en plein coeur. "Il y a clairement des luttes de territoire, reconnaît le maire (PC) de la ville, Gilles Poux. Quand nous avons démoli le "petit Balzac" en 2008 (un immeuble de quatre étages), les trafics qui s'y déroulaient se sont reportés sur un immeuble voisin. On a réussi à l'endiguer en 2010 grâce à une action combinée du bailleur - qui a équipé les portes de digicodes - et de la police qui a mené une grosse opération permettant des arrestations et la saisie de 80 kg de résine de cannabis."

Cet hiver, les dealers ont envahi le "petit Debussy", à vingt mètres d'une école maternelle. Les policiers ont renforcé les contrôles, le bailleur a muré une des entrées. Les dealers ont migré. Le commerce s'est renforcé dans une barre voisine. Des fauteuils confortables sont désormais installés devant le porche occupé. Fin juin, le maire passait dans la rue. Les jeunes dealers, goguenards, l'ont apostrophé, moquant le slogan affiché sur les barres à démolir : "La Courneuve s'invente un nouvel avenir ? Ah, ah, regardez le bel avenir !" L'élu a passé son chemin.

"Le raisonnement a été le même pour toutes les barres démolies, depuis 1986, à La Courneuve, explique Stéphane Troussel, président de l'Office public de l'habitat de Seine-Saint-Denis, conseiller général (PS) et conseiller municipal de la ville. On était arrivé à un tel niveau de dégradation du bâti, à un tel niveau d'insécurité, qu'on ne pouvait pas faire du positif sans détruire." Construites dans les années 1960 pour accueillir les rapatriés d'Algérie et les Parisiens les plus pauvres, les grandes barres des 4 000 se sont détériorées en à peine dix ans : étanchéité, isolation, insalubrité... Puis les trafics ont commencé à polluer la vie des locataires dans les années 1980. La barre maudite fut d'abord Debussy. Elle disparut en 1986. Deal et délabrement, mêmes maux, même traitement : en 2000, Renoir implosait, et en 2004, Ravel et Presov. Le trafic de drogue, lui, se renforçait encore rue Balzac. La mort de Sid-Ahmed, 11 ans, tué par une balle perdue le 19 juin 2005 au pied de la barre, et la promesse, le lendemain, du ministre de l'intérieur Nicolas Sarkozy de "nettoyer la cité au Kärcher" érigeaient la barre en symbole du mal de vivre dans les grands ensembles français.

Six ans plus tard, les trafiquants sévissent toujours. Et les habitants, échaudés par l'effet des démolitions précédentes, n'osent plus rien espérer de la nouvelle. "Cela va embellir le quartier, mais ça ne va pas changer en profondeur. Les dealers vont s'installer ailleurs. C'est comme changer un toboggan de place, les enfants se déplacent, ils n'arrêtent pas de jouer", prédit, philosophe, une riveraine.

"Démolir une barre ne résout pas fondamentalement les problèmes de société et d'insécurité auxquels nous sommes confrontés, explique Gilles Poux. Pour démanteler ces trafics, il faut que la police ait des moyens : il ne suffit pas d'interpeller ceux qui sont là pour quelques grammes de shit ou de trouble à l'ordre public. Ils sont relâchés dans les vingt-quatre heures. L'opération réussie de 2010, c'est le résultat d'un an d'enquête ! Or, ici, nous n'avons même pas assez d'officiers de police pour collecter correctement les plaintes !" Sollicitée à plusieurs reprises, la police a refusé de s'exprimer.

Le maire croit à la démolition comme "point d'appui" d'une dynamique positive. "Par le passé, la destruction de "Renoir" et la reconstruction de petits immeubles à taille humaine ont fait baisser de façon importante le niveau du trafic, et permis aux habitants de se réapproprier l'espace public alors qu'ils ne passaient plus rue Renoir qu'en courant."

A l'automne, il ne restera plus qu'une seule de ces longues barres qui symbolisaient les 4 000 aux yeux des Français. A la place, des immeubles neufs de quatre à six étages habités majoritairement par des anciens de Balzac, Presov ou Renoir. "C'est beau ce qui a été fait. Vu de loin on peut se dire que tout a changé", confie Abdel Saadouni, 52 ans, qui a grandi dans l'ancien bidonville du parc de La Courneuve. Véritable mémoire du quartier, il habite aujourd'hui un pavillon au coeur de la cité. "Mais quand tu vis là depuis toujours, tu vois que les dealers sont toujours là, que le chômage est fort, que les éducateurs de rue manquent, que les associations luttent pour se maintenir. Nos vieux problèmes sont toujours là."
http://www.lemonde.fr/societe/article/2 ... L-32280184

Le mythe de la "rénovation urbaine" comme solution contre la délinquance prend du plomb dans l'aile... Voilà qui confirme que la délinquance n'est nullement conditionnée par l'architecture des bâtiments, mais par le type de population qui habite ces bâtiments.

Avatar du membre
El Fredo
Messages : 26459
Enregistré le : 17 févr. 2010, 00:00:00
Parti Politique : En Marche (EM)
Localisation : Roazhon
Contact :

Message non lu par El Fredo » 01 août 2011, 00:25:00

Si les dealers qui habitaient dans les barres détruites sont relogés dans les nouveaux programmes, c'est sûr que ça ne va pas résoudre le problème.
If the radiance of a thousand suns were to burst into the sky, that would be like the splendor of the Mighty One— I am become Death, the shatterer of Worlds.

Répondre

Retourner vers « Notre sécurité »

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur enregistré