"Où est la police ?" : enquête sur les carences d'un service

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"Où est la police ?" : enquête sur les carences d'un service

Message non lu par politicien » 29 août 2011, 22:12:52

Bonjour,
A La Courneuve (Seine-Saint-Denis), Pierre, 81 ans, rencontre, ce samedi-là, Michel, un voisin de la cité des 4 000, âgé de 75 ans. Il l'interpelle : –"Paraît que vous vous êtes fait agresser ? –Oui, au mois de décembre, à six heures du soir. Ils m'ont roué de coups et personne n'a bougé." La bande a également rossé et tué son chien. La victime s'emporte, brandit sa canne, hurle sa colère : "Les gardiens ont appelé la police, elle n'est pas venue ! La police ne fait rien ici. Mais, on a le droit à la sécurité ! Bon Dieu !"
(...)


Mais ce n'est pas cette police-là, sirène hurlante et pneus crissants, qui est demandée, pas plus que les Robocop casqués et armés pour la guérilla urbaine. S'exprime plutôt une envie de policiers qui marchent, discutent, morigènent à l'occasion, qui sont simplement là et préviennent les faits plutôt qu'ils ne les répriment. Comme une nostalgie très française des hirondelles, avec leur pèlerine, leur sifflet et leur bâton blanc qui tournoyait, par jeu autant que par menace. Une police au jour le jour, en quelque sorte, puisque l'expression "police de proximité" est aujourd'hui connotée politiquement.

SENTIMENT D'UN EFFACEMENT PROGRESSIF

Or, plane au contraire le sentiment, si ce n'est la réalité, d'un effacement progressif, avec des signes forts qui marquent les esprits. A Sceaux, le commissariat, ou plutôt le bureau de police, n'est désormais plus ouvert que du lundi au vendredi, de 9 heures à 12 heures et de 14 heures à 19 heures. Trois fonctionnaires venus de Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine) enregistrent les plaintes les plus simples, comme les effractions ou les vols de véhicules. Pour les faits plus graves, il faut se rendre dans la commune voisine.

(...)

Le quartier des 4 000 à La Courneuve (Seine-Saint-Denis), le 20 juin. En 2005, le bâtiment au premier plan a abrité un commissariat.ELODIE RATSIMBAZAFY
A La Courneuve, au contraire, un poste de police flambant neuf a été construit au milieu de la cité des 4 000, en 2005. Il a coûté 340 000 euros à la collectivité et a été inauguré quinze jours après une visite de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur. Mais le lieu a été déserté au bout de quelques mois, sans explication. "C'est un vrai bunker et encore, on n'a pas suivi tout ce qu'ils voulaient faire, assure Gilles Poux, le maire (PC) de La Courneuve. Les policiers n'aimaient pas prendre leur service là. Il fallait au moins deux personnes à l'intérieur en permanence. Ils ont fini par considérer qu'ils n'avaient pas assez d'effectifs pour tenir ce poste. On a même payé des vélos pour qu'ils patrouillent mais ils ne s'en sont presque jamais servis." Des toiles d'araignées ont très vite colonisé gonds et poignées de portes. Pendant plusieurs années, une affichette indiquait : "Les policiers sont en îlotage dans le quartier." Elle a été enlevée car ce gros mensonge ne faisait plus rire. En 2010, le local a servi brièvement de poste, puis les araignées ont repris possession des lieux.

LA POLICE MUNICIPALE CHARGÉE DE LA SURVEILLANCE QUOTIDIENNE
Alors, pour pallier ce qui est vécu comme une désertion, les mairies confient de plus en plus souvent la surveillance quotidienne à une police municipale. A La Courneuve, un récent référendum a conforté la municipalité dans son opposition à cette solution, notamment parce qu'elle était trop chère. Mais, c'est presque une exception. Ailleurs, les citoyens acceptent par défaut cette lourde dépense.

A Saint-Pol-sur-Mer, chaque jour, au moins trois policiers municipaux (sur un total de sept agents) patrouillent de 8 heures à 20 heures. "Bonjour Madame, tout va bien aujourd'hui ?" Cette question banale mais qui met du baume au cœur, Thierry Codevelle, le chef de la police municipale, la pose depuis quinze ans qu'il mène des rondes dans cette commune.

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"On se considère comme une police de proximité, on prend tout en compte, explique Thierry Codevelle. Nous avons une boîte de vis et des tournevis dans le coffre. Nous sommes un peu les concierges de la ville. La police nationale a peut-être moins le temps de faire ça. Nous, nous n'avons pas trop d'objectifs et de quotas. On est un peu plus libre dans la façon de travailler." Le soir, c'est en principe la police nationale qui prend le relais. Mais les habitants regrettent que la relève nocturne ne soit pas vraiment assurée, principalement dans le quartier des résidences Jean-Bart et Guynemer. Là, des jeunes se regroupent à la nuit tombée dans les entrées d'immeubles. "Je n'irais pas tenter le diable en allant marcher le soir dans l'allée piétonne, même habillée en bonne sœur, assure Paulette Plancke, conseillère municipale. Si j'avais une fille, je ne la laisserais pas sortir le soir."
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"Moi, quand je vais là-bas prendre un café ou faire mon tiercé, je n'ai aucun problème ! dit-il. Cette ville, je la connais par cœur. Je connais les enfants, les petits-enfants, les deuils, les soucis, les joies. Je sais qui a eu son bac ou qui vient d'avoir un accident. C'est ça, la police de proximité. Du contact au quotidien, du service rendu, de la prévention. On a même un rôle social, des fois. Avec les autres services publics de l'Etat, c'est pareil. On a des rapports quotidiens avec la gendarmerie, les pompiers – j'étais au collège avec le chef de centre." Le maire (PS) Jean-Yves Caullet ne tarit pas d'éloges sur sa police municipale : "Ils sont parfaitement intégrés.

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EN PREMIÈRE LIGNE POUR PALLIER DES CARENCES DE LA SOCIÉTÉ
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Interrogés par Le Monde sur les critiques de la population, les responsables locaux de la police nationale se trouvent contraints au silence par leurs supérieurs. Les demandes d'entretien ou même simplement de chiffres s'enlisent dans la voie hiérarchique. Pourtant, ils auraient tant à dire, ces hommes de terrain, notamment sur la politique du chiffre – mieux vaut une affaire résolue qu'une affaire évitée – ou sur la réalité des effectifs.

A La Courneuve, par exemple, 183 policiers sont affectés à la commune et à ses voisines, Dugny et Le Bourget, soit au total 60 763 habitants dans une zone dite sensible. Mais, ils ne seraient en fait qu'entre 160 et 165. Les brigades spécialisées de terrain (BST) devaient passer de quinze en 2009 à dix-huit fin 2010. Dans les faits, entre les postes non pourvus et les policiers non remplacés, ils ne seraient que treize dont, selon Muriel Tendron-Fayt, l'adjointe au maire chargée de la tranquillité publique, neuf réellement en action. Récemment, un commissaire local avouait ne disposer que de cinq voitures.

"Les moyens sont-ils suffisants ? Vous parlez au responsable ou au citoyen ?, demande François Léger, directeur territorial adjoint de la sécurité de proximité des Hauts-de-Seine. Je n'ai jamais rencontré qui que ce soit qui me dise : “Vos policiers, on les voit assez.” Je souhaiterais pouvoir assurer une présence policière beaucoup plus importante." D'ailleurs, promet-il, elle devrait être "plus visible", "plus régulière" dans l'avenir. La police devrait répondre à "tous les appels liés aux incivilités (poubelles renversées, tags, regroupements de jeunes) qui alimentent le sentiment d'insécurité. Nous allons davantage montrer notre présence". Un changement de philosophie qui répond aux nouvelles directives du ministère de l'intérieur. Celui-ci souhaite mettre en place des "patrouilleurs" dans les rues. Une manière de réhabiliter sans le dire la "police de proximité".

En aparté, les policiers expliquent aussi qu'on leur demande beaucoup, peut-être beaucoup trop. Ils se retrouvent en première ligne pour pallier des carences de la société. A La Courneuve, Alexandre, 28 ans, au chômage depuis deux ans, résume le problème à sa manière : "Ici, ce n'est pas de policiers qu'on a besoin. Ce qu'il faut surtout, c'est plus de travail pour les jeunes." De responsables de l'ordre public, les "gardiens de la paix" deviennent dans certains quartiers uniques dépositaires de l'Etat.
(...)

DES CONFLITS DE VOISINAGE DÉGÉNÈRENT AUJOURD'HUI
La désaffection prêtée aux forces de l'ordre ne saurait non plus suffire à expliquer une société à la fois plus violente dans son comportement, plus encline aux incivilités et en même temps plus intolérante avec ces dernières. Des conflits de voisinage qui naguère se réglaient à l'amiable dégénèrent aujourd'hui. A La Courneuve, en novembre, un agent qui patrouillait à pied sur la voie publique a été grièvement blessé par un motard qui roulait sans casque et l'a percuté, "volontairement", selon la préfecture de police. Dans ces conditions, la police de proximité, paternaliste et bonhomme, peut montrer très vite ses limites physiques.
(...)

Pourtant, Mézères n'est pas totalement épargné par les soucis du temps. La commune n'organise plus de bals depuis une vingtaine d'années. Hervé Chalençon, le président du comité des fêtes, ne peut que constater une dangereuse escalade jusque dans sa campagne : "Avant, ça se réglait à coups de baffes. Aujourd'hui, on ne sait pas ce qui peut se passer, ça peut se faire à coups de fusil."
Retrouvez l'intégralité de l'article (assez long) sur Le Monde.fr
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