http://www.challenges.fr/sommet-de-l-ec ... a-eux.html
Pour Antoine Frérot, PDG de Veolia, s'il est normal qu’ils touchent une bonne part des bénéfices, rien ne justifie qu'ils transforment "les autres parties prenantes en laquais".
Où en sont les relations entre les politiques et les entreprises ?
Elles se caractérisent d’abord par une méconnaissance mutuelle et qui s’accroit. Comme les politiques méconnaissent les logiques et contraintes du business, les patrons se plaignent souvent des politiques qui ne prennent pas de bonnes décisions. Les rares élus qui osent se rapprocher de nous sont vite cornerisés et taxés de défendre des intérêts particuliers. Et les patrons sensibles aux politiques se retrouvent vite au banc des accusés.
Avec cette particularité que l’on ne retrouve nulle part ailleurs : les Français jugent l’entreprise incompatible avec l’intérêt général. C’est une erreur : quand une entreprise se porte bien, c’est un bienfait pour un pays. On le voit bien, d’ailleurs, en creux, lorsqu’une société meurt avec les drames que cela génère.
Comment sortir de cette incompréhension réciproque ?
Il faut que les deux mondes fassent évoluer leurs rôles. Que la sphère politique convienne et affirme que l’entreprise est un bienfait ! Et qu’elle fasse de la politique avant de faire de l’économie, en proposant le cadre qui incitera les sociétés à maximiser ce bienfait collectif.
En face, le monde des affaires doit donc reconnaître à son tour que l’entreprise n’est pas "l’agent" d’une seule partie prenante, à savoir ses actionnaires, comme le pensait Milton Friedmann. L’entreprise sert aussi des salariés, clients, fournisseurs, et même la France ! Aujourd’hui, je considère que la crise que nous traversons est une crise des parties prenantes, chacune d’entre elles s’arrachant les oripeaux des bienfaits à son profit.
On part de loin car à la question: "A qui appartient l’entreprise?", beaucoup répondent: "A ses actionnaires!" Or, c’est faux ! Même juridiquement. Il n’y a qu’à se pencher sur la définition de l’abus de bien social : un patron, même actionnaire, qui part avec les machines, est hors la loi. Dans la mesure où l’actionnaire est le premier à perdre de l’argent et le dernier à en gagner, il est normal qu’il touche une bonne part des bénéfices, mais pas au point de transformer les autres parties prenantes en laquais.
Quelle mesure immédiate prendriez-vous pour sortir le pays de la crise ?
Je relancerais l’apprentissage, d’initiative publique et privée. Chaque année, et depuis des décennies, 150 000 élèves sortent de l’école sans qualification, 20% de chaque classe d’âge ! Une véritable bombe à retardement. Autrefois, ces décrocheurs, pour qui l’école n’est pas faite, frappaient à la porte des usines et trouvaient du travail. Aujourd’hui, cela ne fonctionne plus alors que toutes les expériences montrent l’efficacité de l’apprentissage.