Trombinoscope et terrorisme

[Jean de Meung]

Déplacé ! C'est la première chose qui me vient à l'esprit quand, au lendemain ou au surlendemain d'un attentat la presse et les médias vont faire du porte à porte afin de trouver à qui tendre un micro afin de recueille le témoignage d'un proche sur qui était telle victime, ce qu'elle faisait dans la vie et comment elle était appréciée... Pas encore enterrées que déjà les curriculum vitae des victimes nous sont infligés.

Indécent ! C'est encore ce qui me vient à l'esprit quand je vois tous ces portraits de victimes souriantes que l'on nous impose. que l'on nous offre en pâture histoire de bien nous montrer que ces gens étaient nos proches à nous aussi. Ils étaient nos parents, nos enfants, nos amis, nos collègues, nos voisins. Ils sont morts car un "fou de Dieu" a décidé qu'ils devaient expier au nom d'une idéologie qui relève plus de la psychiatrie que de la religion. Ils sont morts mais ils nous sont tellement proches qu'ils auraient pu être nous !

Vulgaire ! C'est cette compassion médiatique qu'il l'est ! 3 jours de deuil ont été décrétés. Des minutes de silence ont été partout respectées et demandées. Tous nous sommes touchés par ce qui est arrivé, tous ! Tous nous sommes révoltés et abasourdis par cette violence. Mais que diable, arrêtez de sur vendre cette émotion, ce drame, ces larmes et ces sanglots. Arrêtez de nous culpabiliser ! Cessez votre mélodrame vulgaire gens de médias, cessez et respectez les douleurs ! Faites votre travail avec retenue comme la retenue est dans les cœurs de chaque Français.

Complices ! Oui complices ! Car en nous offrant ces visages souriants, en nous décrivant ce que furent de leur vivant ces victimes d'attentat, en donnant la parole à tous ces proches qui nous les rendent si familiers, sans vous en rendre compte, inconsciemment, ce qui est pire encore de la part gens dont le métier est l'information et non la pitié ni la compassion, vous faites le jeu du terrorisme. Ils ont gagné ! Non seulement ils ont tué nos proches de la plus vile des manières, mais en plus leur terreur est relayée ad nauseam. Elle a un nom, des visages, des amis... Oui, ils ont gagné !

Voilà, vous l'aurez compris, je suis atterré de la manière dont la presse dans son ensemble traite l’information, au nom du droit à l'information nous dira-t-elle. Avons-nous besoin chaque fois de cet étalage insupportable des noms et visages de ces victimes afin d'éprouver nous aussi toutes sortes de sentiments ? Ne sommes-nous pas capables d'éprouver de la tristesse, de la colère, de la compassion sans qu'il faille nous l'imposer, jusqu’à écœurement ?

Vous faites un bien sale boulot les médias !

[Jean de Meung]

D'un article du Monde du 19 juillet, un entretien avec Fethi Benslama, académicien Tunisien.

"Les médias ne devraient pas publier les photos du tueur", en référence à l’attentat de Nice. "Ceux qui commettent des attentats [...] espèrent trouver avec leur crime une renommée sanglante. La presse doit limiter la publicité qu'elle leur fait en ne donnant que leurs initiales. On évitera ainsi une sinistre émulation". Effectivement, il faudrait que les médias freinent un peu des deux fers, mais pas seulement sur qui est le terroriste.

"Ceux qui commettent ces actes veulent être connus et reconnus, ils espèrent une gloire planétaire d'autant plus grande qu'elle est sanglante. [...] Ils veulent que l'on entende parler d'eux [et] signent leur dévastation en laissant les moyens de les identifier rapidement pour être en phase avec la vitesse médiatique."

"Il est temps pour la médiasphère de tirer les conséquences éthiques et politiques face à cette stratégie de la terreur, en refusant leur utilisation comme amplificateurs du crime, en ne leur offrant pas la renommée par l'abjection;"

Il y a du mieux, un média a enfin compris qu'il ne fallait pas trop donner de publicité aux terroristes, mais seulement en évitant de diffuser leurs noms et photos. L'article parle même d'éthique. Par contre, tourner en boucle pendant 15 jours sur un attentat et donner le nom et montrer le visage des victimes, ça, on peut. Ces infos, cruciales, ne sont pas des amplificateurs des crimes et attentats.

On vit quand même une drôle d'époque où presque tout semble normal et où plus personne n'est plus choqué par ce qu'on lui donne à voir, lire et entendre, même quand la déontologie et l'éthique sont reléguées au rang d'option.

Bien sûr, je ne vous demande pas ce que vous en pensez.

140/0

[Jean de Meung]

Aujourd'hui, on commémore la victoire des assassins sur le peuple de Nice !

http://www.rtl.fr/actu/societe-faits-di ... 7785300713

La victoire elle est morale bien sûr, elle n'est pas militaire. Ce n'est pas une poignée de débiles fanatisés qui a décidé de mettre nos rues à feu et à sang qui va nous faire fléchir, nous faire changer nos habitudes, pas du jour au lendemain. Pas tous. Ce ne sont pas ces malades décérébrés qui vont nous enfermer à double tour dans le peur et la crainte, non ! Mais ils ont réussi une chose, ce qui pourra à coup sûr leur donner envie de recommencer, dans 3 mois, 6 mois, un an, deux... c'est de montrer combien leurs crimes nous ont touchés dans nos têtes, dans nos cœurs, jusque dans nos chairs pour certains. On commémore à n'en plus finir, officiels en tête et chanteur au piano mélancolique, aux paroles de circonstance.

Une fois de plus on a listé les victimes, donné leur âge, du plus jeune au plus vieux ! Pleurez et commémorez braves gens, et fêtez votre victoire, assassins. Vous avez touché la France au plus profond d'elle-même, encore plus profondément qu'en tuant ses enfants ou ses amis ! Vous nous avez meurtris à jamais et on nous demande de nous en rappeler en pleurant nos morts et en vous démontrant par là que votre combat est utile puisqu'il ne terrorise plus seulement, non ! Il est en nous et il le sera maintenant tous les ans comme le sont la Bastille, le 11-Novembre et le 8-Mai.

Soyez satisfaits, criminels ! Notre sang, nos larmes et nos pleurs sont vos hourras et vos cris de joie ! Et l'on est prié de pleurer à l'unisson, en plus.

Dans un mois, c'est le 13-Novembre, date anniversaire du Bataclan. Vous êtes priés de fourbir vos mouchoirs quand d'autres se préparent peut-être, quelque part en banlieue, en Belgique, en Syrie ou en Irak, à nous donner encore le spectacle de la désolation, de la terreur et du meurtre gratuit, froid, mécanique.

Et pendant ce temps-là, un tribunal, quelque part en France, instruit une plaire contre un pamphlétaire provocateur qui glose sur le courage des uns et la lâcheté des autres.

[Cheshire cat]

Les victimes sont les héros de notre temps.
Triste époque !

[Jean de Meung]

Ah tiens, quelqu'un qui réagit à ce sujet.

Je les sens très très frileux ici avec ce genre de fil, certainement à cause de quelques relents de politiquement correct et où il n'est pas bon d'avoir une pensée quelque peu différente, surtout quand on s'affiche de gauche.

[Cheshire cat]

La droite n'est pas non plus exempte de victimolâtrie.

[Jean de Meung]