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par merlin » 14 oct. 2014, 21:15:54
Effectivement, cette réforme est dans les cartons depuis déjà un certain temps, ou un temps certain ... puisque le mandat des conseillers à été prorogé de 2 ans et que la perspective de nouvelles élections est maintenant clairement écartée au profit d'un prorata lié à la représentativité.
Cette éventuelle réforme irait surement au dela en réorganisant la justice sociale au sein d'un grand pôle civil, tout en gardant la spécificité paritaire du CPH.
Sur la lenteur :
De nombreux CPH, dont Rennes, ont passé des conventions avec le Barreau afin de tenter de réduire les délais. Cet accord, qui n'a aucun fondement procédural, car le code de procédure, lui, n'a pas bougé, instaure une audience de mise en état qui a pour but de ne donner une date de jugement que lorsque les parties ont échangées leur écritures.
Cette nouvelle étape de procédure est destinée à lutter contre les audiences blanches, à savoir : les audiences de jugement ou tous les acteurs sollicitent un renvoi, ce qui a pour effet de mobiliser 4 conseillers et une greffière / greffier, pour rien ...
C'est logique puisque ne sont renvoyées devant le bureau de jugement que les affaires "en état".
Cela existait auparavant dans les affaires civiles, via les avoués, (profession qui a disparue), puis a été supprimé.
Le Pb, c'est que techniquement, les parties doivent se faire représenter ou comparaitre lors de cette audience de mise en état, ce qui entraine un surcout pour le justiciable, et surtout il s'avère que nombre de ces audiences ne sont pas probantes dans la mesure ou il est extrèmement fréquent de constater que toutes les affaires évoquées sont de nouveau renvoyées devant une nouvelle formation d'évocation (mise en état) faute de conclusions et écritures de part et d'autre ou d'un seul coté.
Ainsi il n'est pas rare, hélas, de voir la procédure comporter, outre l'audience de conciliation, 2 ou 3 renvois en évocation avant l'audience de jugement. Quand on sait que les nouveaux calendriers de procédure comportent à minima 2 mois de part et d'autre pour conclure ou prendre des conclusions en réponse, voire récapitulatives, il est patent de constater que l'adoption de ce mode de fonctionnement allonge les délais, ce qui va à l'encontre du but recherché, mais ménage les conseillers qui de fait, siègent moins en bureau de jugement.
Les délais de Rennes sont de 17 mois, environ, contre un an ... avant l'adoption de ce système.
Cela étant, les présidents de CPH sont conscients de cette dérive et envisagent des sanctions, ce qui est le cas à rennes.
Celles ci sont :
- la radiation administrative pour le demandeur qui n'a pas fait diligence lors de la seconde audience d'évocation, ce qui a pour conséquence d'ouvrir un délai de deux ans dans lequel le salarié est fondé à représenter son dossier avec ses pièces et conclusions remises au greffe en même temps que le ré-enrolement.
- l'écart des pièces et conclusions des défendeurs qui n’auraient toujours pas fait diligence lors de la seconde évocation.
Toutes ces sanctions sont contestables, dans la mesure ou officiellement, l'audience de mise en état (évocation) n'est pas prévue par le CPC. (Code de procédure civil)
Sur les décisions rendues :
Le taux de "réussite" des salariés devant le CPH est de 72%, mais il englobe toutes les décisions dont un très grand nombre ne sont que très partielles. Ainsi, si votre employeur ne vous paye pas les heures sup, (c'est un exemple, hein ...), vous pouvez demander le paiement de celles ci, mais aussi en tirer les conséquences , à savoir : la résiliation judiciaire du contrat de travail au nom du code civil qui oblige les contractants à respecter les écrits qu'ils ont choisi de signer librement, sous peine de voir la partie défaillante supporter les conséquences de la rupture du contrat à ses entiers torts et griefs.
dans ce cas, la résiliation a pour conséquence les mêmes effets qu'un licenciement abusif puisque le contrat est rompu sur une faute de l'employeur et le motif de la rupture de facto illicite ...
Dans ce cas, les juges employeurs font de la résistance et le taux de réussite au CPH est très faible. 15% maximum de réussite ... ce qui tempère un peu les chiffres officiels car les juges vont accorder le paiement des HS et condamner l'employeur, mais ne vont pas donner raison au salarié qui entre temps a pratiquement toujours été licencié ...
bref, c'est beaucoup moins simple que ça en a l'air ...
Sur la procédure :
L'instance comporte :
une audience de conciliation à huis clos, pouvant être transformée si vous avez introduit des demandes provisoires non exécutées au jour de l'audience (comme le paiement des arriérés de salaire) en Référé. Il suffit d'ouvrir les portes pour rendre l'audience publique.
Les décisions (ordonnances) du bureau de conciliation peuvent faire l'objet d'un appel (contredit)
Le plus souvent, les audiences de conciliation ont pour seul but de tenter de rapprocher les parties grace à l'éclairage des juges (un patron, un salarié).
A défaut, un renvoi en audience de mise en état est ordonné.
Après une ou deux mises en état (mini, 5 mois après la conciliation à chaque fois) les parties sont convoquées devant un Bureau de jugement composé de 4 conseillers, 2 patrons, deux salariés.
A l'issue de cette audience, l'affaire est mise en délibéré et la décision rendue intervient environ deux mois après l'audience.
Si les Conseillers se sont mis d'accord, le Pdt rédige un jugement qui sera signifié aux parties et ouvrira un délai d'appel de 1 mois.
Si les conseillers jugent qu'il manquent de renseignements, ils ont tout loisir de prononcer par jugement une enquête et donc ... une réouverture des débats. (nouveau jugement après enquête contradictoire menée par 2 conseillers rapporteurs)
Si les conseillers sont en opposition, 2 contre 2, automatiquement, l'affaire est renvoyée devant un bureau de jugement composé des 4 juges initiaux renforcés par un juge départiteur nommé par le TGI.
Ce type de péripéties prend 8 mois à rennes ...
A l'issue de ce nouveau jugement, une décision est rendue sous quelques mois et est bien entendu susceptible d'appel dans les mêmes conditions.
Si les parties ,ne sont pas satisfaites du jugement, chacune d'entre elle peut dans le délai imparti interjeter appel, total ou partiel, l'autre partie ayant alors la possibilité de faire un appel incident lui aussi total ou partie.
dans ce cas, les deux procédures sont jointes et font l'objet d'un enregistrement par la chambre sociale de la Cour d'Appel du ressort. pour Rennes, les 5 départements bretons sont concernés ... la loire atlantique étant toujours rattachée à Rennes.
Intervient ensuite, environ 8/9 mois après la fixation de l'audience d'appel en audience rapporteur.
A ce stade, les parties ont le droit de récuser l'audience rapporteur et de solliciter une audience collégiale, formée alors des deux magistrats rapporteurs et du président le la Cour.
Dans le premier cas, (audience rapporteur) la fixation établit un calendrier de procédure qui fixe une date programmée pour 6 mois plus tard. En cas de demande de collégiale, cela augmente les délais de 4/5 mois ...
Une fois l'audience passée, l'arrêt est notifié aux parties environ 2 mois après l'audience.
Les parties ont alors deux mois pour se pouvoir en cassation.
Si un pourvoi est formé, la Cour de Cassation a le pouvoir d'accepter ou de rejeter le pourvoi.
Si elle recoit le pourvoi, le délai moyen pour obtenir un arrêt est de 3 ans ...
Si l'arrêt susvisé casse partiellement ou totalement l'arrêt de la Cour attaqué, la Cour de Cassation nomme une nouvelle Cour d'appel appelée Cour d'appel de Renvoi.
Sous 2 ans, environ, la nouvelle cour convoque les parties pour rejuger intégralement l'affaire et rend sa décision.
Si les parties ne sont pas satisfaites, étant donné qu'elles ont épuisé les recours nationaux (bien qu'une nouvelle saisine de la cour de cass soit techniquement possible), elles peuvent saisir la Cour européenne ...
Voila ...
J'ai simplifié, car chaque étape, y compris l'exécution des décisions peut faire l'objet d'un recours, tout comme il est possible de saisir le procureur pour développer un volet pénal, mais chacun comprendra que cette procédure, à l'instar de nombre de procédures civiles peut s'avérer très complexe et bien éloignée de l'image que tout à chacun peut se faire des prud'hommes ...
Excusez moi de la longueur de ce billet, mais avant de parler de réforme, pour que chacun comprenne, il m'a paru essentiel de planter le décor, même si j'ai simplifié.