Comment abandonner une entreprise en trois leçons

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artragis
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Message non lu par artragis » 13 févr. 2011, 10:15:00

L'article est assez long, j'en suis désolé, je vais surligner les passages importants pour ceux qui ne veulent pas s'encombrer de ça.
L’apathie des autorités françaises face à l’agression que subit le groupe français de spiritueux Belvédère de la part de fonds spéculatifs situés dans des paradis fiscaux suscite la sidération jusqu’en Pologne où les salariés du groupe ont manifesté devant l’ambassade de France. Ils ne comprennent pas que les autorités françaises puisse laisser des spéculateurs démanteler une entreprise qui gagne de l’argent et crée de l’emploi. D’ailleurs, trois ans après le déclenchement d’une crise financière sans précédent, les Français ne le comprendraient pas non plus.

« Notre bien aimé citoyen connaît tous les clubs de football de la Coupe d’Europe, mais il ne connaît pas le nom des champions qui paieront sa retraite. Il connaît le Dinamo et le Spartak. Il s’aventure même en Ukraine. Mais Vinci ou Vivendi céquoitèce ? Non seulement le Français moyen ne connaît pas ses champions, mais, pire, il s’en méfie. » Pour Serge Blanchard, ancien vice-président du Boston Consulting Group, l’indifférence française à l’égard des entreprises qui portent nos couleurs sur les marchés mondiaux est un éternel sujet d’étonnement auquel il a d’ailleurs récemment consacré un ouvrage. Comment ne pas lui donner raison lorsque l’on constate l’incroyable apathie des institutions à l’égard du combat que mènent Jacques Rouvroy et Krzysztof Trylinski, les dirigeants du groupe français de spiritueux Belvédère, contre les fonds spéculatifs qui entendent bien démanteler son entreprise ?

Et les autorités françaises, si profondément marquées par la culture administrative, connaissent-elles la valeur entrepreneuriale et humaine de Belvédère ? L’aventure commence dans les années 1990 lorsque Jacques Rouvroy, ancien champion international de saut à la perche reconverti dans le commerce de vin a l’intuition que la chute des régimes communistes européens va rebattre les cartes du marché mondial de la vodka. Son idée : se rapprocher des distilleries polonaises afin de donner naissance à une marque de vodka haut de gamme capable de s’imposer à l’international. L’ancien perchiste vise haut, mais surtout il vise juste. En quelques années seulement sa vodka polonaise rebaptisée Belvédère puis Sobieski se vend jusqu’aux Etats-Unis.

Certes Belvédère n’est pas comparable aux géants industriels que sont Vinci ou Areva et dont parle Serge Blanchard lorsqu’il évoque les champions nationaux qui doivent susciter notre fierté pour leurs réussites à l’international… Toutefois, dans le monde des spiritueux, moins de vingt ans après sa création, Belvédère est une entreprise qui compte. La Sobieski est aujourd’hui la septième vodka la plus vendue au monde. Fort du soutien de l’acteur Bruce Willis, elle cartonne aux Etats-Unis. De même, elle sera bientôt distribuée à New Delhi et dans cinq états indiens. Un marché pour le moins porteur : la consommation de vodka y croit d’environ 20 % par an ! Enfin, last but not least, Belvédère crée de l’emploi. Elle compte 4000 salariés dont 700 en France. Pour une entreprise partie de rien ou presque, c’est remarquable.

Mais l’entreprise est aujourd’hui menacée par d’obscures manœuvres ourdies par des fonds spéculatifs depuis des paradis fiscaux situés dans les Iles Caïman, les Bahamas ou Chypre. Autant de places financières exotiques dont l’essor tient à une fiscalité avantageuse et à un certain laxisme dans la vérification de l’origine des capitaux et des fortunes qui y élisent domicile. Ainsi, Chypre est notoirement connue pour être une destination appréciée des « hommes d’affaires » russes ayant accumulé des fortunes colossales lors des années chaotiques qui ont suivi la chute de l’URSS, et qui trouvent là une base de repli pour échapper aux services fiscaux russes redevenus opérationnels sous l’impulsion de Vladimir Poutine…


Depuis plus de trois ans, ces fonds harcèlent donc financièrement et juridiquement le groupe Belvédère. Sous divers prétextes juridiques, ils réclament ainsi le paiement immédiat d’une créance de 375 millions d’euros contractée en 2006 par Belvédère pour acquérir le groupe Marie Brizard et qui devait initialement être remboursée sur sept ans. Selon Jacques Rouvroy, l’objectif réel de certains de ces fonds est de prendre le contrôle du groupe pour le démanteler afin de réaliser un substantiel bénéfice immédiat, mais aussi de tuer l’entreprise au profit de ses concurrents. En effet, l’un des fonds en question serait actionnaire de l’un des principaux concurrents du groupe français, qui se verrait bien reprendre à son compte la vodka Sobieski… Comme l’écrit encore Serge Blanchard à propos de la concurrence internationale acharnée, née avec la mondialisation : « La réalité, c’est la guerre. C’est la loi du plus fort. Tout simplement. Et il y a au final, un gagnant et un perdant. Vae Victis ! »

Dans ce combat planétaire acharné, il est fondamental que les entreprises bénéficient du soutien de leurs États respectifs. Ce lien est après tout naturel puisque l’emploi, la prospérité et donc le bien-être des citoyens dépendent des entreprises et tout particulièrement celles qui, comme Belvédère, parviennent à prendre pied sur les marchés émergents qui tirent la croissance mondiale. « Chaque pays, écrit Serge Blanchard, peut se décrire comme une gigantesque plaque tectonique, remorquée par un attelage de chevaux qui sont ses fameux champions. Un pays est tiré par ses entreprises. Plus celles-ci sont fortes et se déplacent rapidement, plus le potentiel de développement du pays est important. Si l’on veut s’arrimer à la croissance mondiale, il faut s’implanter directement sur les blocs de croissance. Il faut prendre appui sur la dynamique de développement et d’investissement en infrastructures de telle ou telle zone. »

C’est précisément ce qu’a réussi Belvédère dont la vodka est vendue, distribuée ou fabriquée sous licence aux États-Unis mais aussi en Russie et désormais en Inde. Disposer de telles sociétés n’est donc pas neutre. On l’a dit : Belvédère a crée quelques 700 emplois en France. Et en choisissant de localiser son siège à Beaune plutôt que dans un pays étranger pratiquant le dumping fiscal, elle a aussi choisi de payer ses impôts en France où la pression fiscale est pourtant notoirement plus élevée que sous d’autres latitudes… Bien qu’international, Belvédère est donc un groupe loyal à l’égard de son pays d’origine. Voilà pourquoi le bon sens voudrait qu’il bénéficie en retour de la protection des institutions françaises, surtout lorsqu’il est confronté à l’agression de fonds situés, eux, dans des paradis fiscaux.

Or, tel n’est pas le cas… Du côté des institutions, le silence et l’apathie sont jusqu’ici de mise malgré les nombreuses requêtes adressées par Jacques Rouvroy à l’Autorité des marchés financiers ou encore aux autorités gouvernementales pour qu’elles enquêtent sur les agissements néfastes de ces fonds spéculatif
s. Alors que le combat de Belvédère est emblématique de la financiarisation débridée, il est sidérant qu’il ne suscite, à ce jour, aucune mobilisation significative des autorités politiques qui depuis le déclenchement de la crise financière ne peuvent pourtant plus ignorer les effets mortifères de la spéculation financière à court terme…

Cette sorte d’indifférence des institutions françaises à l’égard du sort réservé à une entreprise telle que Belvédère suscite d’ailleurs la sidération en Pologne où « l’affaire Belvédère » a les honneurs de la presse, et où elle suscite une mobilisation populaire. Ainsi, mardi 8 février, quelque 600 salariés polonais du groupe et leurs familles ont manifesté devant l’ambassade de France à Varsovie pour alerter les autorités françaises contre les manœuvres des fonds vautours. Comme le relève le site d’information polonais Parkiet.com, ils ont aussi remis à l’ambassadeur de France une pétition évoquant spécifiquement le prochain jugement du tribunal de commerce de Dijon auprès duquel les spéculateurs vont demander la mise en redressement judiciaire du groupe Belvédère. Ces salariés ne comprennent pas qu’une entreprise gagnant de l’argent et faisant face sans faillir aux échéances de paiement de sa dette, puisse être mise à mort par des « pirates de la finance ».

Une part croissante de l’opinion publique française ne le comprendrait pas non plus. Si demain des sociétés françaises comme Belvédère sont abandonnées à la rapacité de fonds spéculatifs pratiquant une économie de rapines, alors, nos compatriotes ne manqueraient pas de demander, à leur tour, des comptes à des autorités qui prétendent depuis trois ans avoir tiré les leçons de la crise financière et affirment sans cesse leur détermination à moraliser le capitalisme et réguler le marché.
http://zestedesavoir.com une association pour la beauté du zeste.

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Nombrilist
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Message non lu par Nombrilist » 13 févr. 2011, 11:16:00

Exactement ce que je disais hier: une réalité est que les petits (ici, pas si petit que ça) sont rachetés et démantelés par les gros. C'est monnaie courante, malheureusement.

Cobalt

Message non lu par Cobalt » 13 févr. 2011, 11:29:00

Qu'on ressorte la guillotine pour tous ces fossoyeurs.

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