Droit du travail : effet pervers de la primauté des accords

Venez discuter des problèmes du travail dans notre pays, mais aussi des problèmes sociaux ( retraites, chomage...)
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lancelot
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Message non lu par lancelot » 11 avr. 2011, 21:19:00

La maladie professionnelle ne date pas d'hier. Elle a toujours existé et sa reconnaissance, dans un premier temps, puis l'indemnisation accordée aux victimes, dans une seconde phase (plus récente), a lentement évoluée pour aboutir aux textes actuellement en vigueur.

Si le salarié victime peut engager une action pénale, (longue et couteuse) pour faute inexcusable de l'employeur, le civil n'est pas en reste puisque le code du travail a cherché lui aussi à "adoucir" les conséquences de la dégradation de la santé en s'enrichissant de dispositifs permettant en théorie d'obliger l'employeur à faire des efforts de reclassement du ou des salariés concernés, sous réserve de leur aptitude a occuper un emploi dont les caractéristiques sont déterminées par la médecine du travail tout en offrant au salarié licencié dans ce cadre une meilleure indemnisation directe comme le doublement de l'indemnité légale.

En matière sociale, les dispositions du code du travail peuvent être amendés par les conventions collectives nationales (CCN) qui résultent des négociations de branche entre les syndicats patronaux et les centrales de salariés représentatives au niveau national. Avant 2007, ces textes ne pouvaient en aucun cas déroger aux minimas du code du travail, les textes issus des négociations de branche ne pouvant être que "supérieures" au code.

Aujourd'hui, depuis la loi de modernisation sociale, les CCN peuvent déroger au code du travail. Le Gvt a ainsi préféré laisser le soin aux partenaires sociaux d'établir leur propres lois dont la primauté sur le code du travail (sauf en matière de taux horaire, le smic étant toujours le salaire minimum) est maintenant légale.

Les premiers effets sont la ....

Avant l'adoption de ce texte, une disposition de la CCN du nettoyage stipulait que lors du rachat d'un marché (1) par une nouvelle entreprise, le nouvel employeur ne saurait être tenu pour responsable de la maladie contractée auprès d'un autre employeur. Cette mesure n'était pas applicable, car elle privait le salarié de ses droits nés de l'application du code du travail.

Aujourd'hui la Cour de Cassation valide le principe de la non responsabilité du repreneur (en invoquant le dispositif de la CCN) et le salarié licencié pour inaptitude due à une maladie professionnelle est ainsi privé des indemnités qui lui étaient dues lors de la rupture de son contrat.

Il ne peut même pas se retourner contre son ancien employeur puisque ces indemnités sont dues à l'occasion de la rupture et celui ci, dès lors qu'il transfère les contrats de travail en cours au repreneur n'est plus à l'origine de la rupture prononcée par le nouvel employeur .... qui lui n'est pas responsable des conséquences de la rupture.

Bref ... plus personne n'est responsable. C'est vraiment de la modernisation sociale ....


(1) - Le rachat d'un marché est le fait reprendre tout ou partie des salariés affectés à un site dans le cadre d'un appel d'offre ou d'un changement de prestataire de gré à gré. Ces marchés sont habituellement renégociés tous les ans et peuvent changer de main à cette occasion. Cela peut aussi provenir d'une décision unilatérale du client qui casse un contrat, ou d'un dépot de bilan du prestataire.

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racaille
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Message non lu par racaille » 11 avr. 2011, 21:59:00

C'est de la modernisation dans le sens où l'air du temps est au moins-disant social. Lecture intéressante en tout cas !
Ce qui distingue principalement l'ère nouvelle de l'ère ancienne, c'est que le fouet commence à se croire génial. K M

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El Fredo
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Message non lu par El Fredo » 11 avr. 2011, 22:21:00

A une lettre près, "modernisation sociale" est l'anagramme de "sodomie actionnaires" icon_mrgreen
If the radiance of a thousand suns were to burst into the sky, that would be like the splendor of the Mighty One— I am become Death, the shatterer of Worlds.

lancelot
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Message non lu par lancelot » 11 avr. 2011, 22:26:00

Excellent ...  icon_biggrin
racaille a écrit : C'est de la modernisation dans le sens où l'air du temps est au moins-disant social. Lecture intéressante en tout cas !
Oui. Chacun devrait peser le poids de chaque mot avant de se pâmer devant le discours progressiste de l'ump... icon_biggrin

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Nombrilist
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Message non lu par Nombrilist » 11 avr. 2011, 23:10:00

T'as qu'à l'écrire soldomie, ça fait plus musicien.

lancelot
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Message non lu par lancelot » 11 avr. 2011, 23:13:00

icon_biggrin

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mps
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Message non lu par mps » 12 avr. 2011, 09:22:00

La responsabilité de l'employeur devient extrème, et l'est depuis longtemps.

- il y a la maladie abusivement qualifiée de professionnelle : si 20 types font le même boulot, mais qu'un seul tombe malade, peut-on jurer qu'il y ait rapport de cause à effet ?

- il y a l'accident sur le chemin du travail ... J'ai eu en main un dossier sidérant : un ouvrier qui ne s'était pas présenté à son travail sans justification depuis 3 jours, et dont l'enquête a démontré qu'il se saoulait copieusement de bistrot en bistrot. Au sortir de l'un d'eux, complètement bourré, il s'était fait renverser par une voiture et sérieusement amocher. Misère pour son employeur, le café d'où il sortait était sur le chemin entre son domicile et l'usine. Cela a suffit pour en faire un accident sur le chemin du travail !

- carrément désopilant : je suis un matin dans le lobby dans bel hôtel en Andalousie. De grands canapés et une grosse dizaine de clients qui attendent. Arrive le technicien de surface, avec une cireuse (visiblement on n'aime pas travailler trop tôt, il est 10 heures).
Stupéfaction générale : le type, avant de mettre sa cireuse en marche, revêt des gants et s'applique un masque sur le visage ! Une précaution qui n'est évidemment pas proposée aux clients ! (bien entendu, il n'y avait pas un grain de poussière).  Persécutés, les patrons doivent désormais jouer le principe de précaution jusqu'à l'absurde !

Alors, oui, il faut des comités de sécurité et d'hygiène. Il faut obliger les couvreurs à s'assurer quand ils grimpent sur des toits.
Il faut éviter de laisser trainer des lignes électriques au sol des ateliers. Et masquer les peintres au pistolet. Mais on pousse vraiment le bouchon !

 
C'est quand on a raison qu'il est difficile de prouver qu'on n'a pas tort. (Pierre Dac)

lancelot
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Message non lu par lancelot » 12 avr. 2011, 09:36:00

Chez nous, l'accident de trajet n'est plus un accident de travail et les salariés ne bénéficient donc pas de la même protection, mais outre cette notion d'accident du travail, la maladie professionnelle est bien réelle. On la trouve dans les secteurs classés à risque comme le nettoyage (manipulation / utilisation de produits toxiques), le désamiantage encore trop souvent pratiqué à la sauvette et dans l'industrie et le batiment ou la répétition de gestes et l'adoption de la même posture à longueur de temps génère nombre de troubles musculo-squelettiques.

Au dela de la caricature, pour reprendre ton exemple  du technicien de surface, il faut bien évidemment différencier l'exposition occasionnelle aux toxiques, quand ils sont employés (je doutes que ce soit le cas dans un salon d'accueil hôtelier) à l'exposition quotidienne.

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Message non lu par Nombrilist » 12 avr. 2011, 10:32:00

"si 20 types font le même boulot, mais qu'un seul tombe malade, peut-on jurer qu'il y ait rapport de cause à effet ?"

Si 20 000 types font le même boulot et que 100 attrapent la même pathologie, et que pour un boulot différent, seulement 5 personnes contractent cette pathologie parmi 20 000 types, alors on peut être quasiment certains que la pathologie est due au travail (sous réserve que les échantillons soient comparables sur un ensemble d'autres critères, bien entendu).

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Message non lu par mps » 13 avr. 2011, 09:41:00

Wouaip ...  Exemple : je suis énormément devant mon clavier, et avais une ankylose de la nuque et de l'épaule droite . Comme beaucoup de dactylos.

Cela n'avait rien d'une maladie professionnelle, mais venait simplement de la mauvaise position que j'adoptais.  Une bonne engueulade de mon ostéopathe, et me voila "guérie" !

Les vraies maladies professionnelles, on les connaît: la silicose des mineurs, les problèmes liés à l'amiante, les genoux des  carreleurs ...

Puis en viennent d'autres plus discutables : les pilotes de ligne sont souvent l'objet de problèmes liés au dérèglement permanent de leur horloge interne (sauf chez Air France,où les prestations sont ridiculement basses).  Comme ils adorent leur métier, ils ont chacun leur truc : un verre d'argile tous les jours, une bonne soupe de légumes quand ils rentrent à 6 heures du mat après 17 heures de prestations, du sport, peu importe, mais jamais ils ne se font porter pales...

Pourquoi les français sont-ilsles champions de la maladie "professionnelle" ?

J'ajoute encore un cas typique : un jeune concierge restait toute la ournée assis comme un gros tas dans son fauteuil. Je parle un jour avec lui, et  il m'explique qu'il est tombé en jouant, il y a des années, et qu'il a toujours mal au dos.  (qui ne l'aurait en restant vautré toute la journée ?). Bon,je lui parle d'une kiné spécialisée qui fait merveille, et pour l'inciter à se faire soigner, je lui propose de prendre RV et de lui payer ses 5 premières séances. Sympa non ?

Réponse: je n'airai certainement pas, parce qu'elle pourrait me guérir, et me ... faire "rater" mon invalidité !!! A 28 ans, quel magnifique plan de carrière !
C'est quand on a raison qu'il est difficile de prouver qu'on n'a pas tort. (Pierre Dac)

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Message non lu par Nombrilist » 13 avr. 2011, 09:44:00

Ce qui s'énonce sans preuve peut être réfuté sans preuve.

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