Qu'en pensez vous ?A 22 ans, Nathan rêve de s'acheter une voiture, pour pouvoir parcourir plus souvent la centaine de kilomètres qui le séparent de sa fiancée. L'aide financière de ses parents – 400 euros mensuels en plus de son loyer – ne suffit pas à cet étudiant en licence professionnelle de management informatique, installé à Rennes. En mars 2009, trois mois après la création du régime de l'autoentrepreneur par le gouvernement Fillon, Nathan décide donc de monter son "petit business, sans prétention, pour arrondir les fins de mois".
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Mais, malgré un investissement humain et financier croissant pour faire connaître ses services, il ne voit pas décoller son activité. "Je gagnais en moyenne 150 euros par mois une fois les charges retirées, alors que je travaillais plus de dix heures par semaine". Une fois son diplôme acquis, il est embauché en CDI et laisse de côté son autoentreprise, après un an et demi d'efforts vains.
"TRÈS MAUVAISE SURPRISE"
Malgré le slogan accrocheur du régime de l'autoentrepreneur – "pas de chiffre d'affaire, pas de charge" – Nathan reçoit fin 2010 un courrier qui lui réclame plus de 600 euros, au titre de la cotisation foncière des entreprises (CFE). Cet impôt forfaitaire, qui remplace en partie la taxe professionnelle, vise à financer les collectivités territoriales et varie selon l'implantation géographique. Pour un autoentrepreneur, dont l'entreprise est généralement située à son domicile, elle constitue dans les faits une seconde taxe foncière. Une "très mauvaise surprise" pour le jeune homme, qui s'acquitte de la somme, mais résilie ensuite son statut d'auto-entrepreneur. "J'ai baissé les bras", conclut l'informaticien, partagé entre amertume et "honte" d'avoir renoncé.
En 2007, Nathan avait voté pour Nicolas Sarkozy. "Parce qu'il voulait nous mettre au travail et que moi, je ne demandais que ça", avoue-t-il aujourd'hui, une nuance de gêne dans la voix. Celui qui représentait "le cœur de cible du sarkozysme" ne sait toujours pas pour qui voter en mai prochain, mais à 25 ans, il n'a toujours pas de voiture.
INDICATEURS EN BAISSE
Comme Nathan, ils sont nombreux à avoir opté pour le régime de l'autoentrepreneur et à avoir déchanté depuis. Un système de charges "bien trop élevées proportionnellement au chiffre d'affaires" pour Raphaël, 22 ans, autoentrepreneur en Haute-Savoie. "Un manque d'encadrement juridique et économique", dénonce pour sa part Sylvain, 31 ans, qui propose en indépendant des formations et du coaching de dirigeants. "Une simplicité apparente, mais derrière, les ennuis s'accumulent", déplore Charlie, 25 ans, domicilié à Anglet.
En 2011, l'Insee a relevé une baisse de 18,9 % des créations de ce statut. Selon les prévisions économiques, le million d'autoentreprises devrait être atteint le 15 février. Un chiffre dont se félicite le gouvernement, mais qui doit tout de même être nuancé, selon Grégoire Leclercq, président de la fédération des autoentrepreneurs. "On recense depuis la création du régime 370 000 résiliations de statut et sur le reste, seuls 50 % des autoentrepreneurs sont considérés comme actifs et dégagent un chiffre d'affaires", affirme Grégoire Leclercq, lui-même autoentrepreneur.
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Au cœur de ces propositions, miser sur la "formation et l'accompagnement" des autoentrepreneurs. "Quand on va a la rencontre des autoentrepreneurs, ils nous disent souvent 'c'est terrible, on souffre de solitude'", explique Grégoire Leclercq. "En lançant le régime, on n'était pas préparé en France à former et accompagner toute une nouvelle population d'entrepreneurs", affirme l'ancien gendarme, qui a fait partie des mille premiers autoentrepreneurs français.
"D'UNE PRÉCARITÉ À UNE AUTRE"
Un accompagnement d'autant plus primordial que le régime a été pris d'assaut par de nombreuses personnes "en situation précaire", considérant l'autoentreprise comme une potentielle issue de secours au chômage.
Le régime de l'autoentreprenariat a été pris d'assaut par de nombreuses personnes "en situation précaire", qui l'ont considéré comme une potentielle issue de secours au chômage.
"Gagner quelques centaines d'euros, c'était toujours ça", explique ainsi Sophie, 42 ans, qui a créé l'an dernier en Mayenne une autoentreprise pour se lancer à temps plein dans la vente de bijoux. Grâce à un microcrédit, elle a pu se fournir auprès d'un grossiste et a commencé son activité sur les marchés.
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"L'ÉCHEC D'UNE POLITIQUE ÉCONOMIQUE"
Pour d'autres, le statut constitue également "une aubaine", car il est souvent "la dernière chance de se faire embaucher". A 57 ans, après un licenciement, retrouver un travail était "une mission quasiment impossible" pour Daniel, dessinateur-projeteur en Normandie. En 2009, il se renseigne sur le statut d'autoentrepreneur et bénéficie d'une aide à la création d'entreprise pour se lancer dans l'aventure. Grâce à son réseau, il parvient à réaliser 27 000 euros de chiffre d'affaires en 2010, puis 17 000 euris en 2011. Une baisse qu'il explique par le contexte économique difficile et la "condition précaire du régime", mais il maintient que "ce statut [lui] a évité la mort professionnelle".
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