Qu'en pensez vous ?En 2001, le fleuron français de l'électroménager a licencié 3.300 salariés en Basse-Normandie. Onze ans après, beaucoup sont restés sur le bord de la route
Il en rêve encore. La nuit, Jean-Marie rêve des modèles qu'il dessinait, des mixeurs, des presse-agrumes, des fours à micro-ondes. Il rêve de ses collègues, de cette vie au travail évanouie brutalement. Jean-Marie Picot était technicien prototypiste à l'usine Moulinex de Cormelles-le-Royal (Calvados), dans la banlieue de Caen. Le 7 septembre 2001, à 46 ans, il a appris le dépôt de bilan de l'entreprise et son licenciement, comme 3.300 autres collègues dans la région. "Je travaillais sur les nouveaux modèles qu'on venait de nous commander. J'ai vu naître tous les appareils, je n'y croyais pas."
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Une déchirure, un parcours amputé, suivis d'un long chemin vers le retour à l'emploi : comme les Moulinex, des centaines de salariés de PSA, d'ArcelorMittal, d'Electrolux et d'autres encore, plongeront bientôt dans la "vie d'après", loin du lieu où ils se sont construits. Un "choc" que les anciens de Cormelles-le-Royal ont souhaité adoucir en montant une association, l'Apic-mx. Cette année, au terme d'une longue bataille juridique aux prud'hommes, elle a permis à 800 salariés de se partager 20 millions d'euros. Tous les jeudis, ses membres se retrouvent dans un local en lisière de l'ancienne usine, entre verdure et pavillons. Michel Pouchin, ancien convoyeur, arrive le premier, sur les coups de 8 heures. "J'ouvre les volets, j'allume l'ordinateur, je fais le café, raconte le sexagénaire. Et j'attends." Dehors, sur l'ancien site, un champ en friche côtoie de nouveaux bâtiments appartenant à une entreprise de menuiserie, un restaurant, une société de gardiennage. Cinq cents emplois y ont été créés, grâce à 110 millions d'euros d'aide à la revitalisation pour les trois sites touchés en Basse-Normandie.
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"L'association nous permet de maintenir un lien social vital. Au moment du licenciement, on se dit qu'on va pouvoir rebondir, que si on n'y arrive pas, c'est qu'on ne veut pas. Puis la dure réalité vous rattrape. Vous devenez un matricule chez Pôle emploi, vous êtes dépersonnalisé. Quand on promet que personne ne restera au bord de la route, c'est faux!"
Onze ans après, selon l'association, un tiers des salariés de Moulinex ont retrouvé un emploi – notamment dans l'industrie, chez le repreneur Seb – un tiers vivent de l'allocation amiante ou de la retraite, un tiers alternent petits boulots et chômage, dont le taux atteint 9,2 % dans la région. Certaines ouvrières se sont reconverties en aides-soignantes, d'autres en aides à la personne. "Dans les têtes et les familles, on souffre encore des dégâts de cette désindustrialisation, reconnaît Laurent Beauvais, président PS de la région Basse-Normandie. Des emplois ont été créés dans le domaine des services, mais cela ne correspond pas aux attentes des salariés, dépositaires d'un savoir-faire industriel. Nous devons miser sur des secteurs innovants, comme l'énergie maritime renouvelable ou l'éolien offshore."
Tous l'affirment, comme un conseil aux bataillons de licenciés à venir : la formation est "primordiale". "Les syndicats qui négocient doivent mettre le paquet là-dessus, assure Maguy Lalizel. Il ne faut plus de formation bidon, surtout si on veut rebondir à 50 ans. Sinon le doute s'installe, on n'a l'impression de ne servir à rien." Franz Lahaye en a fait l'amère expérience. En 2001, le technicien a fait le tour des offres proposées dans la cellule de reclassement, prospecté en Bretagne et en Vendée. Il a effectué une formation d'ambulancier, avant de travailler huit mois et de se blesser à l'épaule.
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