Nombrilist » Lun 25 Mai 2015, 08:23:29 a écrit :"Mais pour cela, il faudrait qu’il existe un peuple européen, c’est-à-dire non pas des Allemands et des Grecs qui s’opposent, mais un seul peuple solidaire. Et cela ne se décrète pas."
A la rigueur, si, ça pourrait se décréter d'être solidaire. Mais nos dirigeants ne veulent pas l'être. Ceux qui financent leurs campagnes et leurs partis n'ont absolument aucun intérêt à ce que ce soit le cas.
C’est un point capital. Les partisans de la zone euro tablent, depuis plus de 20 ans (Maastricht), sur l’existence d’un peuple européen ou, tout au moins, d’un fort sentiment européen qui permet d’unifier les pays de la zone euro. C’est ainsi que beaucoup pensaient qu’après l’Europe monétaire, il y aurait tout naturellement l’Europe sociale et fiscale. Or cela n’est jamais arrivé. Il faut se demander pourquoi, et surtout pourquoi ce qui ne s’est pas produit depuis 20 ans aurait des chances d’advenir aujourd’hui.
Cette erreur, les partisans de l’euro continuent de la faire encore aujourd’hui. C’est symptomatique de l’analyse que fait Xavier Ragot dans son débat avec Sapir. D’abord il nous explique que l’Allemagne a dépensé 1000 milliards d’euros pour sa réunification, et qu’elle a déjà payé 3 fois la dette grecque pour construire l’Europe. Sapir le reprend avec justesse en lui faisant remarquer que ce n’est pas l’Europe mais l’Allemagne de l’Est qu’elle a reconstruit.
Ensuite, Xavier Ragot présente deux solutions alternatives pour décrire l’avenir de la zone euro. Le premier scénario, qu’il appelle « reconvergence churchilienne avec du sang et des larmes » pendant 10 ans, c’est la réplique de la réunification allemande. Concrètement, ce que l’Allemagne de l’Ouest a fait pour l’Est, il faudrait à présent que l’Allemagne le refasse pour l’Europe du Sud. Ce qui impliquerait de sa part d’avoir une inflation supérieure de 1 % pendant 10 ans par rapport à l’inflation des autres pays. En réalité, ce chiffre de 1 % ne tient pas compte de la productivité, c’est donc beaucoup plus qu’il faudrait. Deuxièmement, ce scénario implique une monétisation partielle et une mutualisation des dettes (ce que l’Allemagne refuse catégoriquement), et troisièmement une répression financière avec des taux réels très bas. Ce scénario « optimiste » revient à avoir dans la zone euro, pendant 10 ans, une croissance molle ou nulle, l’équivalent de ce que l’on a connu avec l’étalon-or autrefois. Mais, dit Ragot,
l’Allemagne l’a déjà fait avec la réunification, donc c’est possible !
Le second scénario, celui de la convergence dégradée, c’est celui que nous connaissons aujourd’hui. Faute de faire converger les économies européennes, il se constitue une concentration industrielle en Allemagne et en Europe du Nord, et une désindustrialisation dans les pays d’Europe du Sud. L’équivalent de ce qui se passe entre l’Italie du Nord et l’Italie du Sud, les transferts en moins. Xavier Ragot dit que, dans ce cas,
le degré d’inégalité en Europe serait comparable à ce qui existe aux USA. Donc c’est tenable !
L’erreur de Xavier Ragot, c’est qu’il compare l’UE, tantôt aux USA, tantôt à l’Allemagne ou l’Italie. Or la zone euro est composée de 18 pays. Et c’est pourquoi ces deux scénarios ne sont pas tenables sur le long terme.