Brezinski au Chatham House

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worldpeace
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Message non lu par worldpeace » 18 nov. 2009, 22:10:00

Discours de Zbigniew Brezinski au Chatham House, novembre 2008.

Mesdames et messieurs, Robin,

Merci beaucoup pour votre introduction comme toujours élégante et éloquante. Je l'ai entendu de nombreuses fois alors qu'il dirigeait le Centre d'Etudes Stratégiques et Internationales à Washington et s'il n'y a qu'une chose, c'est que son éloquence et son élégance n'ont fait qu'augmenter depuis qu'il a été réhabilité dans la présente société.

(L'audience rit)

Je suis aussi enchanté de parler sous le parrainage de la série de lectures Whitehead (ndt: le Whitehead est un institut de recherche biomédicale). John Whitehead que j'ai le privilège de connaitre depuis de nombreuses années. Je ne m'étendrai pas sur le sujet mais il est avisé de dire qu'il a été selon moi le meilleur adjoint au secrétaire d'Etat que les Etats-Unis aient jamais eu, et aurait dû être secrétaire d'Etat lui-même. Et finalement le troisième commentaire qui pourrait précipiter des départs rapide de cette pièce, mais je veux mettre l'accent sur le fait que je parle en mon nom, je ne parle pas pour quelqu'un d'autre, les vues que j'exprime sont seulement les miennes. Je tiens à mettre l'accent là-dessus.

Bon, nous nous rencontrons au moment où bien sûr le nouveau président entre en fonction aux Etats-Unis. Et il le fait, au milieu d'une crise de confiance dans la capacité de l'Amérique à exercer un leadership dans les affaires mondiales. C'est une idée rude mais c'est un fait. Cependant, le leadership américain a été durant les dernières décennies essentiel à la stabilité mondiale et au développement mondial, après que les Etats-Unis aient remplacé la Grande Bretagne comme la puissance clé dans le monde. Il n'en est pas moins un fait, un triste fait, que les effets cumulés d'une complaisance envers nous-même sur les finances nationales, d'une guerre non nécessaire que nous avons entreprise, et de transgressions éthiques ont cumulativement discrédité ce leadership. Et ce qui rend les choses pire aujourd'hui, nous avons la crise financière. Et tout cela se produit dans un contexte d'interaction simultanée entre deux transformations basiques sur la scène mondiale. Alors, l'image est effectivement complexe.

Le premier changement concerne l'apparition d'enjeux mondiaux, concernant le bien-être humain, en tant qu'enjeux internationaux critiques. Eh bien c'est nouveau dans l'histoire de l'humanité. Des sujets comme le climat, l'environnement, la famine, la santé, les inégalités sociales. Tous composent la complexité du contexte mondial. Et ces sujets sont de plus rendu encore plus aigu avec un phénomène coïncidant, que j'ai appelé dans mes écrits "l'éveil politique mondial." Il s'agit vraiment d'un événement qui transforme les choses sur la scène mondiale. Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, pour la première fois dans toute l'histoire de l'humanité, presque tous les humains sont éveillés politiquement, actifs, conscient politiquement, et en interaction. Il n'y a que peu d'endroits ici ou là dans les coins les plus reculés du globe, où les humains ne sont pas alertes d'un point de vue politique et en interaction avec le tumulte et les aspirations dans le monde. Et tout cela crée une recherche dans le monde entier pour la dignité des individus et le respect culturel dans un monde diversifié, malheureusement habitué, pendant des siècles, à la domination d'une portion du monde sur une autre. C'est un changement énorme !

En plus de cela, il y a encore un autre changement, dans la distribution du pouvoir à l'échelle mondiale. Cela concerne des éléments tout à fait évidents dont nous sommes conscients mais qu'il est important de noter, à savoir que nous vivons une époque d'un déclin de base de 500 années de domination mondiale par les puissances atlantiques. Ce sont les pays qui sont situés sur les rives de l'océan atlantique : le Portugal, l'Espagne, la France, les Pays-Bas, la Grande Bretagne, et plus récemment les Etats-Unis. Ils ont dominés les affaires mondiales et il y a un déplacement à présent vers l'Asie. Ce n'est pas la fin de la prééminence du monde atlantique mais les régions pacifiques font maintenant surface. Le plus notable est le Japon, la puissance économique numéro deux. Et la supposée puissance mondiale qu'est la Chine. Ils occupent à présent une place prééminente dans la hiérarchie mondiale. Et bien sûr derrière cela il y a la question du futur développement de l'Inde qui se construit bien qu'elle en soit encore en train d'attendre en coulisse. Et c'est encore compliqué par la réapparition de la Russie qui est une bonne chose mais une Russie qui est toujours agitée, assez floue sur sa propre définition, très ambivalente dans son passé récent, et dont la place dans le monde est instable.

Et ces principaux pouvoirs nouveaux et anciens, font face à encore une autre nouvelle réalité, à certains égards sans précédent. Et c'est que la létalité, oui la létalité de leur pouvoir est plus grand que jamais. La capacité d'imposer un contrôle sur les masses éveillées politiquement du monde est à son point historiquement le plus bas. Je l'ai mentionné une fois et j'ai été flatté que le secrétaire à la défense britannique l'ai répété, comme suit; à savoir que dans les temps plus anciens il était plus facile de contrôler un million de gens, littéralement, il était plus facile de contrôler un million de gens que de physiquement tuer un million de personnes. Aujourd'hui, il est infiniment plus facile de tuer un million de personnes, que de contrôler un million de personnes. Il est plus facile de tuer que de contrôler. Et cela pèse directement sur l'utilisation de la force en particulier par des sociétés qui sont culturellement différente sur d'autre sociétés. Et c'est une chose que les décideurs américains récents n'ont peut-être pas complètement assimilé.

Il devrait s'ensuivre, pas que ce soit surprenant, que la crise de leadership américain qui se déroule pourrait devenir la crise de la stabilité mondiale. Parce qu'il y a une autre considération à garder à l'esprit, que bien que beaucoup se réjouissent des problèmes internes aux Etats-Unis et malgré la perte de respectabilité du leadership mondial américain, c'est un fait qu'aucun Etat, pas un seul, ni aucune combinaison d'Etats, ne peut dans un futur envisageable remplacer le rôle de pivot que les Etats-Unis continuent de jouer dans le monde. Et si quiconque a un doute à ce sujet, et il y a des pays qui ont exprimé durant les dernières semaines une réjouissance dans ces problèmes sans difficultés internes, alors regardez le pèlerinage collectif mondial à Washington au cours de la dernière semaine, parce que tout le monde sait que c'est là que les seules décisions possibles pour un redressement peuvent être prises. Et tout le monde sait que s'il n'y a pas de redressement ici, alors il n'y aura de redressement nulle part ailleurs. Alors, dans ce sens, le rôle central des Etats-Unis dans les affaires mondiales est toujours là. Malgré toutes les difficultés, malgré la perte de respect ou d'affectivité.

Cela veut aussi dire que la tâche monumentale pour le nouveau président des Etats-Unis en ce qui concerne la politique étrangère, au-delà de s'occuper de la crise financière immédiate, est de regagner une légitimité mondiale pour les Etats-Unis, en étant le fer de lance d'un effort collectif pour un système de gestion mondial moins exclusif. Un système de gestion mondial moins exclusif, voilà la tâche des Etats-Unis pendant cette ère historique.

Et selon mon point de vue, quatre mots petits mais stratégiquement pleins des sens définissent l'essence de la réponse nécessaire du nouveau président américain qui va bientôt entrer en fonction. Il s'agit d'unifier, d'agrandir, d'engager et de pacifier.

Unifier selon mon point de vue concernent particulièrement un effort soutenu nécessaire, un effort énergique, un effort sérieux, de géréner une prise de décision vraiment partagée entre les Etats-Unis et l'Union Européenne, et aussi dans l'OTAN. Et y parvenir est bien sûr un objectif à long terme mais qui doit être poursuivi avec une urgence intensifiée, étant donné les circonstances présentes. Se rencontrer signifie des consultations régularisées formelles et informelles en haut lieu, entre l'Europe et l'Amérique, quelque chose de nécessaire, particulièrement à la lumière de ce qui s'est passé sur les huit dernières années (ndt: la période Bush). Mais bien sûr, il est plus facile de le dire que de le faire. Et une des raisons majeures de cela est qu'il n'y a quelque chose dont nous là-bas et vous ici sommes très bien conscient, à savoir qu'il n'y a pas encore d'entité Europe politiquement unifiée. Et l'absence d'une telle Europe unifiée politiquement crée de réelles complications dans le processus pour établir et rendre central un dialogue transatlantique.

On peut se demander alors ce que peut être, dans ce contexte, une alternative viable en considérent bien sûr les arrangements institutionnels du traité de Lisbonne etc. Mais cela est éloigné de la réalité politique. La réalité politique est faite de division intra-européennes, des enjeux stratégiques à l'Est, et de grandes disparités de pouvoir parmis les nombreuses parties, les parties souveraines de l'Union Européenne (ndt: le locuteur utilise le mot 'component' en anglais). Mis en valeur dans ce contexte, ce qui réalisable dans un futur proche, est essentiellement un dialogue davantage volontaire entre les trois pays européens qui avaient une orientation mondiale, et dans diverses mesures un intérêt mondial, ce sont de manière évidente le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne. Mais un dialogue interne ne peut être efficace et significatif que si les trois ont à la base un consensus stratégique fondamental entre eux. Et un des problèmes des huit dernières années, mise à part nos propres insuffisances dans la politique étrangère est qu'il n'y avait pas de partenaire européen sérieux à la disposition des les Etats-Unis, qui nous donne des conseils honêtes et essaye de participer à des actions communes.

[...]

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mps
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Message non lu par mps » 19 nov. 2009, 08:54:00

L'UE semble le déranger.

C'est à mettre en relation avec son dépit de voir les USA perdre leur leadership, et aussi comique que si nous prétendions que l' Utah doit se désolidariser du Nevada icon_biggrin

Au nouveau jeu mondial, que vaudrait n'importe quel pays européen, face à la puissance colossale émergente de l'Inde, de la Chine ou du Brésil ?
C'est quand on a raison qu'il est difficile de prouver qu'on n'a pas tort. (Pierre Dac)

worldpeace
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Message non lu par worldpeace » 19 nov. 2009, 20:38:00

Barroso est au diapason :

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