En fait, c'est moi qui ai commencé à parler le premier de République, qui est le nouveau nom donné à la France. Quand on a l'arrogance de la France et que l'on prétend matin midi et soir que la République triomphera coûte que coûte, qu'elle assure la liberté, l'égalité, la fraternité des peuples et leur souveraineté populaire, je me permets de nier violemment ces affabulations.
Contrairement, les Pays-Bas n'ont cette prétention extrêmement arrogante d'avoir adopté le meilleur régime qui soit (on retrouve, sous une forme nettement moins prononcée, la même arrogance dans des pays comme le Royaume-Uni ou l'Allemagne). C'est un pays beaucoup plus harmonieux, où il fait mieux vivre, qui aurait toutes les raisons pour le crier sur les toits du monde. Il ne le fait pas, c'est ce que j'apprécie, il ne se donne pas des engagements impossibles à tenir.
Pour revenir au chapitre purement politique, les Pays-Bas ont adopté "l'horreur de la proportionnelle, des coalitions et des élections à un tour" (sic). Et ce, à une forme très poussée puisque, comme je l'ai dit dans d'autres topics, le système électoral néerlandais est extrêmement proportionnel : il n'y a pas de circonscription, ni de seuil. Pour obtenir un des 150 sièges, une liste doit obtenir un peu plus de 0.60 % des voix au niveau national. Mais avec près de 80 % de participation, sans que le vote ne soit obligatoire, soit près de 30 points de plus que nous, on ne peut pas dire que les Néerlandais envient notre modèle de stabilité "où l'on peut choisir la majorité, au détriment des insidieuses magouilles de couloir pour former une coalition".
Une petite présentation de la vie politique néerlandaise très active s'impose :
Le gouvernement sortant, conduit par Mark Rutte, est une coalition entre le VVD (libéraux) et le PvdA (sociaux-démocrates, travaillistes). Après un premier mandat marqué par ce que l'on appelle l'austérité entre 2010 et 2014 (qui a tout de même permis de ramener le déficit public à 1.5 % en 2016 ! le chômage à 6.7 %), Mark Rutte a opté pour une politique migratoire plus souple. Cela risque de précipiter la chute de son parti et celui des travaillistes (qui sont sur le point de devenir comme le PASOK grec). Les Néerlandais ont sûrement leurs raisons.
Il y a 11 partis politiques représentés à la Tweede Kamer (la chambre basse du Parlement néerlandais) :
- le VVD : parti libéral-conservateur, l'équivalent de l'UMP en beaucoup plus libéral et moins réactionnaire
- le PvdA : parti travailliste, l'équivalent du PS mais plus sérieux lui aussi, moins dogmatique ; c'est le parti du maire de Rotterdam, d'origine musulmane, qui a défendu la liberté de caricature sur l'islam, et qui veut couper les allocations chômage aux femmes qui portent la burqa (c'est un peu populiste mais on ne verrait pas un membre du PS s'exprimer ainsi).
- le PVV : nationalistes eurosceptiques, plus ou moins héritiers de Pim Fortuyn assassiné en 2002, l'équivalent du FN (les deux partis sont alliés au Parlement européen) en plus libéral au niveau économique et sociétal.
- le SP : parti socialiste, l'équivalent du Front de gauche, qui aspire l'électorat du PvdA, mais qui affiche une ligne beaucoup plus claire que le Front de gauche, davantage eurosceptique et ne se soumettant pas aux ordres du parti de gauche dominant.
- le CDA (chrétiens-démocrates) : c'est le parti qui a le plus gouverné depuis 1977. Difficile de lui trouver un équivalent français, je dirais le Modem ou l'UDI avec une ligne un peu plus conservatrice.
- D66 (centristes, sociaux-libéraux) : parti sans équivalent en France, ce sont des centristes purs assez proches sur de nombreux points avec EELV, les Bisounours en moins et une vision plus pragmatique de l'économie.
- CU (conservateurs chrétiens) : Union Chrétienne. les Pays-Bas ont beau avoir légiféré sur un certain nombre de sujets "progressistes" (homosexualité, cannabis, euthanasie, avortement...), les communautés chrétiennes restent influentes dans le débat public. Ils sont assez proches du parti de Christine Boutin mais sont nettement plus eurosceptiques.
- SGP (ultra-conservateurs protestants) : Parti politique réformé, ce parti avait fait les choux gras de la presse du fait qu'il interdisait aux femmes le droit de se présenter sous son étiquette ou même d'y adhérer. Depuis, la ligne s'est assouplie et il y a des femmes élues SGP. Le parti veut l'instauration d'une théocratie chrétienne aux Pays-Bas. Parti plutôt eurosceptique.
- GL (écologistes) : GroenLinks, écologistes de gauche. L'équivalent d'EELV ou plutôt de Die Grünen.
- PvdD (cause animale, écologistes) : Parti pour les animaux, un parti anti-spéciste. Comme GL mais axé autour de la cause animale et plus eurosceptique.
- 50+ (défense des intérêts des Seniors) : parti plutôt inclassable qui incarne le "single-issue party" à l'instar du PvdD, c'est-à-dire un parti qui axe sa ligne autour d'une seule grande idée, ici la défense des retraités et des vieux Néerlandais dans leur ensemble.
C'est un peu compliqué de s'y retrouver mais c'est ce qui rend la politique néerlandaise si dynamique. Aucun parti communiste n'a cependant réussi à s'implanter aux Pays-Bas.
Au vue des derniers sondages, la coalition libéraux-sociaux-démocrates va s'effondrer, perdant la moitié des sièges. Le premier parti des Pays-Bas sera le PVV (nationalistes) mais ce dernier manque, à l'instar du FN, d'alliés. Il ne pourra donc pas composer de coalition. Très probablement, on se dirige en mars 2017 - date des prochaines élections générales - vers une coalition de gauche ou de centre-gauche. Les pronostics sont assez difficiles à établir. D'autres partis peuvent également faire leur entrée au Parlement, comme le Parti Pirate. Mais au moins, dans ce pays, on recherche le consensus le plus large possible pour réussir. Et ça fonctionne.