La dette espagnole : diagnostic

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pierre30
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La dette espagnole : diagnostic

Message non lu par pierre30 » 22 mai 2016, 11:10:52

http://www.latribune.fr/economie/union- ... 73020.html
Selon la Banque d'Espagne, la dette publique espagnole a dépassé pour la première fois depuis 1909 le niveau de la richesse du pays. Explication d'un mouvement qui ramène l'Espagne à un passé qu'elle voulait oublier.
L'Espagne est entrée en mars 2016 dans le club des pays dont la dette publique dépasse le PIB. Selon les chiffres publiés jeudi 19 mai par la Banque d'Espagne, les administrations publiques espagnoles sont endettées à hauteur de 1.095 milliards d'euros, soit 101,3 % du PIB du pays. Le chiffre doit certes être pris avec précaution dans la mesure où les chiffres du PIB peuvent être révisés à la hausse, comme à la baisse. La meilleure croissance du premier trimestre 2015 a ainsi permis à l'Espagne de demeurer, à cette date, sous la barre des 100 % du PIB (à 99,8 % exactement), contrairement à ce qu'avait initialement annoncé la Banque d'Espagne.

Une position parmi les pays les plus endettés
Si ce chiffre symbolique est confirmé, l'Espagne rejoindra cinq autres pays de la zone euro parmi ceux qui ont une dette supérieure à la richesse nationale : la Grèce (dont la dette s'élève à 176,9 % du PIB), l'Italie (132,7 % du PIB), le Portugal (129 % du PIB), Chypre (108,9 % du PIB) et la Belgique (106 % du PIB). Grâce à sa forte croissance, l'Irlande est repassée sous cette barre symbolique, mais avec l'arrivée de l'Espagne, ce sont désormais quatre des cinq pays ayant connu la visite de la troïka qui sont au-dessus de ce niveau de 100 % du PIB.

En termes d'évolution, l'Espagne figure parmi les plus fortes hausses de l'endettement public dans la zone euro et l'Union européenne. A fin 2007, la dette publique espagnole se situait à 35,5 % du PIB. Le ratio a donc, depuis, été multiplié par 2,8. L'Irlande, endettée fin 2007 à hauteur de 23,9 % du PIB a fait pire, même avec la baisse récente, puisque ce ratio a été multiplié en huit ans par 3,8. En revanche, les ratios grec (mais la Grèce a restructuré sa dette à hauteur de 100 milliards d'euros en 2012), italien ou portugais ont progressé de moins de 100 %.

(...)

Les raisons de l'explosion de la dette
La dynamique de la dette est un sujet complexe qui relève de plusieurs facteurs. Le Trésor espagnol a tenté d'identifier entre 2007 et 2015 les raisons de la hausse de la dette. Cette analyse relève que, jusqu'en 2011, le déficit primaire de l'Espagne a été le premier contributeur à la hausse de la dette, à hauteur de 25 points de pourcentage. Entre 2011 et 2015, ce même déficit a rajouté 10 points. Viennent ensuite les « éléments exceptionnels », lié entre autres au sauvetage bancaire, qui sont assez faibles entre 2007 et 2011 (2 points) et plus fort entre 2011 et 2015 (plus de 10 points). Enfin, les intérêts payés ont contribué à augmenter le stock de dettes de 7 points entre 2007 et 2011 et de 13 points entre 2011 et 2015.

La dynamique de l'endettement
Ce détail est intéressant, mais il ne rend pas compte des mécanismes en œuvre et donne l'impression de causes « indépendantes », ce qui n'est pas le cas. Le point de départ, on l'a vu, est l'explosion de la bulle immobilière. Cette explosion est le fruit des déséquilibres internes à la zone euro où certains pays dégagent de forts excédents qu'il faut rentabiliser. Parallèlement, l'unification de la zone euro a conduit à des taux bas en Espagne, ce qui a fait grimper le rendement immobilier et attirer les fonds en quête de forte rémunération. Lorsque les prix se sont effondrés, le secteur de la construction a massivement débauché et le nombre de cas de surendettement a explosé, conduisant à un recul de la demande intérieure. Ceci a doublement joué sur le déficit espagnol en réduisant les recettes et en augmentant les dépenses liées au chômage.

Effet boule de neige des intérêts
Cette situation a provoqué le doute sur les marchés et a augmenté les taux demandés, ce qui a conduit à une nouvelle augmentation du déficit et, partant, du besoin d'endettement. Or, cet effet d'intérêt est redoutable, car il provoque un « effet boule de neige » en renchérissant la dette. Il conduit alors à une aggravation des mesures austéritaires qui réduisent davantage les recettes fiscales et creusent le déficit. Dans le cas de l'Espagne, le sauvetage bancaire et l'appel aux Fonds européens de Stabilité financière (FESF) qui a imposé des politiques « d'ajustement » ont encore amplifié le phénomène. La hausse de la dette s'auto-alimente alors et le retour à la croissance ne suffit pas à le freiner. Selon le Trésor espagnol, la croissance a ainsi ôté 2 points de PIB à la croissance de la dette entre 2011 et 2015, alors que les intérêts ont pesé pour 12 points de plus...

Des taux bas, mais...
Quel avenir pour la dette espagnole ? Il existe quelques éléments positifs. D'abord, les taux sont désormais très faibles. Grâce à la politique de rachat de la BCE, ils sont historiquement bas. Le taux espagnol à 10 ans est proche de 1,5 % et est désormais inférieur à celui des Etats-Unis. Le problème, c'est que l'inflation espagnole ne décolle pas. Depuis juin 2014, l'inflation espagnole est nulle ou négative, ce qui renchérit les taux et empêche la dévalorisation du capital de la dette. Or, la « taxe inflationniste » est le moyen le plus efficace de réduction de la dette. Avec une inflation négative de -1,2 % en avril 2016, le taux réel espagnol à 10 ans est de 2,7 %. C'est moins qu'en juillet 2012, lorsque le taux de 7,2 % était compensé par une inflation de 1,8 %, mais c'est plus que voici dix ans, en avril 2006 où le taux réel espagnol était nul...

Croissance forte, mais...

(...)

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Narbonne
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Re: La dette espagnole : diagnostic

Message non lu par Narbonne » 22 mai 2016, 11:17:51

Donc malgré la précarité qui explose en Espagne, la dette elle aussi explose.
Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait.

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Jeff Van Planet
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Re: La dette espagnole : diagnostic

Message non lu par Jeff Van Planet » 22 mai 2016, 11:58:07

Oui narbonne mais il ne faut pas oublier que les Espagnols comme les irlandais ont été obligés de reprendre les dettes bancaires à leurs compte

Je cite un passage du texte posté par Pierre:
<<Les raisons de l'explosion de la dette
La dynamique de la dette est un sujet complexe qui relève de plusieurs facteurs. Le Trésor espagnol a tenté d'identifier entre 2007 et 2015 les raisons de la hausse de la dette. Cette analyse relève que, jusqu'en 2011, le déficit primaire de l'Espagne a été le premier contributeur à la hausse de la dette, à hauteur de 25 points de pourcentage. Entre 2011 et 2015, ce même déficit a rajouté 10 points. Viennent ensuite les « éléments exceptionnels », lié entre autres au sauvetage bancaire, qui sont assez faibles entre 2007 et 2011 (2 points) et plus fort entre 2011 et 2015 (plus de 10 points). Enfin, les intérêts payés ont contribué à augmenter le stock de dettes de 7 points entre 2007 et 2011 et de 13 points entre 2011 et 2015.
>>
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Baltorupec
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Re: La dette espagnole : diagnostic

Message non lu par Baltorupec » 22 mai 2016, 12:10:28

Il me semble que les Islandais ont eu ce problème, et ont décidé d'indemniser directement leurs compatriotes et laisser les banques couler.

Enfin, il me semble que de vivre avec la monnaie allemande défavorise fortement les économies latines (France, Italie, Espagne).
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pierre30
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Re: La dette espagnole : diagnostic

Message non lu par pierre30 » 22 mai 2016, 12:55:03

Ce qui ressort, c'est qu'on ne peut réduire la dette qu'avec une économie dynamique. C'est dans ce moment qu'on peut limiter raisonnablement la dépense sans trop impacter la demande afin de faire de l'excédent et un peu d'inflation.

En attendant il faut remettre l'économie en ordre de fonctionner et tant pis si la dette dérape un peu. C'est ce que font les espagnols.

pierre30
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Re: La dette espagnole : diagnostic

Message non lu par pierre30 » 22 mai 2016, 12:57:08

La population de l'Islande, c'est à peu près celle de Montpellier. Un micro-pays n'est pas très comparable avec l'Espagne.

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Re: La dette espagnole : diagnostic

Message non lu par Baltorupec » 22 mai 2016, 13:42:53

Je sais. Mais néanmoins, je pense que certaines leçons peuvent être prises. Quand il y a une crise bancaire, il vaut mieux dire fuck off aux banques qu'aller à leurs chevets. Et je pense que quand un pays a trop de dette pour pouvoir les payer, il devrait savoir dire m.... à ses créanciers. Sans parler de ne pas rembourser la totalité de la dette, négocier de n'en rembourser qu'une partie.
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Re: La dette espagnole : diagnostic

Message non lu par Jeff Van Planet » 22 mai 2016, 16:27:42

Baltorupec » 22 Mai 2016, 12:10:28 a écrit :Il me semble que les Islandais ont eu ce problème, et ont décidé d'indemniser directement leurs compatriotes et laisser les banques couler.
Tout a fait. Bien que j'ai un doute en ce qui concerne l'indemnisation des citoyens.


En irlande et en Espagne il y avait une autre solution qui ne nécessitait pas l’intervention de l'état: la recapitalisation.
En claire: échanger l'argent dû par la banque Irlandaise (ou espagnole) en actions de la dite banque.


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pierre30 » 22 Mai 2016, 12:55:03 a écrit :Ce qui ressort, c'est qu'on ne peut réduire la dette qu'avec une économie dynamique. C'est dans ce moment qu'on peut limiter raisonnablement la dépense sans trop impacter la demande afin de faire de l'excédent et un peu d'inflation.

En attendant il faut remettre l'économie en ordre de fonctionner et tant pis si la dette dérape un peu. C'est ce que font les espagnols.
Oui mais, car il y a toujours un mais, en temps de reprises on nous rétorquera que si on réduit la dépense publique alors on tuera la croissance.

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Baltorupec » 22 Mai 2016, 13:42:53 a écrit :Je sais. Mais néanmoins, je pense que certaines leçons peuvent être prises. Quand il y a une crise bancaire, il vaut mieux dire fuck off aux banques qu'aller à leurs chevets. Et je pense que quand un pays a trop de dette pour pouvoir les payer, il devrait savoir dire m.... à ses créanciers. Sans parler de ne pas rembourser la totalité de la dette, négocier de n'en rembourser qu'une partie.
Je veux bien qu'un pays dise "m..."(sic) a ses créanciers, mais il faut garder à l'esprit que s'ils le font, alors plus personne ne leurs prêtera. S'ils le font alors il faut qu'ils soient prêts à se financer eux mêmes sans avoir besoin de s'endetter.
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Re: La dette espagnole : diagnostic

Message non lu par Baltorupec » 22 mai 2016, 16:35:49

Je veux bien qu'un pays dise "m..."(sic) a ses créanciers, mais il faut garder à l'esprit que s'ils le font, alors plus personne ne leurs prêtera. S'ils le font alors il faut qu'ils soient prêts à se financer eux mêmes sans avoir besoin de s'endetter.
Dans l'immédiat non, en effet.
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Re: La dette espagnole : diagnostic

Message non lu par Jeff Van Planet » 22 mai 2016, 16:43:18

Voilà pourquoi j'utilise souvent cette petite phrase humoristique qui dit "le défaut de payement? une très bonne stratégie pour la fin du monde".

Maintenant que j'ai dit ça, je dois ajouter que certains prêteurs cherchent un peu les embrouillent en prêtant à certains pays qui ont des niveaux de dette paranormaux.
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Re: La dette espagnole : diagnostic

Message non lu par Baltorupec » 22 mai 2016, 16:47:09

Je pense que tout dépend du niveau de dette du pays. Le défaut de paiement pour la France serait une catastrophe. Si les grecs auraient dit m.... à leurs créanciers, je pense qu'ils auraient pu mieux s'en tirer.

J'ai tendance à penser que personne ne devrait être tenu de payer une dette qu'il ne peut pas payer.
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Re: La dette espagnole : diagnostic

Message non lu par Jeff Van Planet » 22 mai 2016, 16:52:57

Oui déjà à l'époque où les grecs ont commencé à faire parler d'eux je disais qu'ils auraient dû quitter l'euro (ou on aurait dû les mettre à la porte) et ça aurait été mieux pour nous en tous cas, mais pour eux? ça je ne sais pas.
Par contre maintenant que nous (états Français Allemands et autres) avons contracté des dette pour leur prêter on ne peut plus les mettre à la porte (ou les laisser partir juste comme ça)
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Re: La dette espagnole : diagnostic

Message non lu par Baltorupec » 22 mai 2016, 17:04:57

Pour le coup, c'est la collusion entre nos états et les banques qui est à condamner. On leur a prêté de l'argent (avec intérêts) pour qu'ils puissent rembourser les dettes qu'ils ont contracté auprès de nos banques.

Enfin, le gouvernement Allemand a mis à feu et à sang la Grèce pour leur profit personnel et d'entreprises allemandes. Au delà d'un quelconque complotisme, mes propos sont corroborés par l'institut de leipzig :
http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2015 ... emagne.php

Je pense que les grecs auraient du "vendre leur âme au diable" et travailler avec la Russie. Les conflits entre les grandes puissances peut être utilisé par des petits pays à leur avantage, plus la demande d'allié augmente, plus le coût des alliances augmente.
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Re: La dette espagnole : diagnostic

Message non lu par Narbonne » 22 mai 2016, 17:15:34

De nombreuses banques espagnoles ont été recapitalisées, avec prise de participation, par des banques européennes.
Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait.

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Re: La dette espagnole : diagnostic

Message non lu par wesker » 23 mai 2016, 19:17:51

L'Espagne qui pratiqua, pourtant une austérité durable afin de réduire ses déficits se retrouve aujourd'hui exposée au risque de hausse des taux et de spéculation, ainsi que de mesures coercitives par l'application du pacte budgétaire.

Cependant, les citoyens en Espagne semblent s'interroger sur la pertinence, et, surtout l'efficacité de cette politique ce qui explique l'instabilité actuelle et les incertitudes sur l'avenir.
Le paiement d'intérêts, ayant, entres autres contribué à accroître le niveau d'endettement ne devrait il pas faire réfléchir sur ces mécanismes, et la politique monétaire menée jusqu'à récemment ne fut elle pas, aussi un des élements de ces difficultés, dans un pays où la croissance fut pourtant soutenue...sans qu'elle ne se traduise par des créations d'emplois. J

e m'interroge sur le fait de vouloir, en France pratiquer des politiques qui aboutirent à ces résultats, tant en Grèce sous Nouvelle Démocratie et Pasok, qu'en Italie avec Forza Italia et les sociaux démocrates. Partout, les mêmes, partout les mêmes politiques, et, à peu près partout les mêmes résultats, hormis l'Allemagne pour d'évidentes raisons structurelles qui ne pourront être reproduites aileurs.

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