"Les droits politiques doivent primer", écris-tu... Mais de quoi parle-t-on ? Et puis que reproche-t-on à Orban exactement ?
A-t-il pris le pouvoir par un coup d’État ? Pas que je sache. La Hongrie est-elle devenue un pays où les opposants politiques sont enlevés et exécutés ? Pas que je sache. Je suis allé voir sur Wikipédia ce qu'il a fait de si grave. J'ai trouvé notamment ceci :
Wikipédia a écrit :Loi sur les médias
À la fin de l'année 2010, il fait adopter une loi sur le contrôle des médias, très critiquée au sein de plusieurs pays de l'Union européenne et par l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), juste avant que son pays ne prenne, pour six mois, la présidence du Conseil de l'Union européenne. Finalement, il accepte, au début du mois de février, d'amender la loi afin d'en modifier ou supprimer les éléments les plus controversés, un accord jugé insuffisant par le quotidien de centre-gauche Népszabadság, qui avait saisi la Cour constitutionnelle le 10 janvier pour faire annuler la loi.
Il faudrait voir exactement en quoi consiste ce projet de loi si controversé. Je constate simplement qu'Orban a accepté de retirer les points les plus critiqués. Et puis ça date de 2010. S'il y a des sanctions aujourd'hui, c'est à cause de problèmes plus récents, je suppose.
Wikipédia a écrit :Réformes constitutionnelles
Le 25 avril 2011, à la suite d'une consultation d'un an auprès des citoyens, l'Assemblée nationale adopte une nouvelle Constitution (« Loi fondamentale de la Hongrie »), avec les seules voix du Fidesz, qui détient la majorité requise des deux tiers des sièges. La nouvelle Constitution crée la controverse dans les pays occidentaux, notamment en raison de références aux racines chrétiennes et à « l'histoire millénaire » du pays, de l'affirmation du mariage entre un homme et une femme et de la protection de la vie dès son commencement. Les voisins slovaques et roumains s'inquiètent quant à eux de l'octroi de la nationalité aux Hongrois citoyens des pays voisins. L'article qui prévoyait « un salaire égal pour un travail égal » est supprimé et le droit de grève restreint. La nouvelle Constitution entre en vigueur le 1er janvier 2012.
Alors quoi ?
Il parle des racines chrétiennes de son pays, et ça fait scandale ? Mais les racines chrétiennes de l'Europe, et notamment de la Hongrie, sont une évidence historique, et il a bien raison d'y être attaché.
Quoi encore ?
L'affirmation du mariage entre un homme et une femme et de la protection de la vie dès son commencement ferait scandale ? On peut en débattre bien sûr, mais j'ose espérer que l'on puisse manifester son attachement au mariage hétérosexuel et au droit à la vie sans se voir accuser d'être anti-démocrate.
On débattre de la nécessité, ou non, de faire figurer tel ou tel principe dans la Constitution, mais là encore, le fait de faire figurer tel ou tel principe dans la Constitution ne me semble pas de nature à le faire qualifier d'anti-démocrate.
Wikipédia a écrit :La Constitution rend rétroactivement responsables les dirigeants du Parti socialiste hongrois, issu de l'ancien Parti communiste, des « crimes commis sous le régime communiste jusqu'en 1989 »
Bof. C'est leur tambouille interne. En toute hypothèse, ça ne me choque pas qu'on puisse poursuivre les anciens dirigeants communistes des crimes commis jusqu'en 1989. En France, on a bien jugé des anciens dignitaires du Régime de Vichy plusieurs décennies après leurs méfaits, alors pourquoi les Hongrois n'auraient-ils pas le droit de juger leurs anciens dirigeants communistes ?
Wikipédia a écrit :Le 11 mars 2013, Viktor Orbán fait adopter une quatrième modification de la Loi fondamentale par 265 voix pour, 11 contre et 33 abstentions. Les socialistes boycottent le vote alors que le parti vert LMP demande aux députés du Fidesz de voter contre. L'amendement modifie le rôle de la Cour constitutionnelle, qui s'était déclarée compétente pour juger de la compatibilité de futurs amendements avec la Loi fondamentale, en la faisant uniquement juge du droit et en lui interdisant la possibilité de se référer à sa jurisprudence d'avant l'entrée en vigueur de la Constitution de 2012. Cet amendement réintroduit par ailleurs plusieurs dispositions annulées par cette Cour, comme la possibilité d'expulser les sans-abris des lieux publics. L'Union européenne et les États-Unis s'opposent à cette modification. En novembre 2013, le gouvernement Orbán fait passer plusieurs lois au Parlement, instaurant notamment la détention provisoire illimitée.
Cela me fait penser aux critiques que j'ai moi-même formulées sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui a tendance à censurer des lois au motif qu'elles seraient contraires à des principes à valeur constitutionnelle qu'il a lui-même sortis de son chapeau, à partir d'une interprétation très très libre des textes constitutionnels. On dirait qu'ils avaient le même problème en Hongrie. Et bien je crois que c'est une bonne chose de remettre les juges constitutionnels à leur place.
Wikipédia a écrit :Mesures économiques
Le gouvernement Orbán entreprend une politique de nationalisme financier, incarnée par le ministre de l'Économie, György Matolcsy. Les caisses de retraites privées, mises en place en 1997 par les socialistes sur le conseil de la Banque mondiale, sont nationalisées pour un montant de 10 milliards d'euros. La dernière tranche de prêt du FMI est rejetée et la Hongrie s'acquitte de la dette contractée.
Ou là là... Il a nationalisé ! C'est un crime, en effet, pour les orthodoxes libéraux qui dirigent les principales instances internationales (UE, FMI, etc.).
Wikipédia a écrit :Rejetant la politique prônée par le FMI, Viktor Orbán cherche à respecter l'objectif de déficits publics en dessous de 3 % du PIB au moyen de taxes sur les grandes entreprises. Le gouvernement institue ainsi une « taxe de crise », d'abord sur les banques et les produits financiers, puis sur les entreprises de l'agroalimentaire, de la grande distribution, de l'énergie et des télécommunications. Un taux d'imposition unique sur les revenus, fixé à 16 %, est inscrit dans la nouvelle Constitution.
Encore des crimes, peut-être, pour les orthodoxes du libéralisme...
Je comprends qu'instaurer un taux d'imposition dans la Constitution puisse être contestable. Moi-même, je n'approuve pas. Mais de là à le qualifier d'anti-démocrate ?
Wikipédia a écrit :Viktor Orbán réduit également les dépenses de fonctionnement de l'État : diminution de 5 % du nombre de fonctionnaires, réduction à huit du nombre de ministères, division par deux du nombre de députés, interdiction faite aux ministres de verser des primes aux hauts fonctionnaires tant que le budget du pays est en déficit.
Il établit des droits d’entrée à l'université et relève les tarifs de santé, notamment pour les diabétiques légers ne suivant pas le régime alimentaire préconisé par leur médecin. Il se montre réservé sur les prestations sociales : d'après le journal de gauche allemand Die Tageszeitung, le gouvernement a proposé de faire appel à des policiers à la retraite pour surveiller les allocataires d'aides sociales ou de chômage effectuant des travaux d'intérêt général, qui sont exigés par la loi à partir de septembre 2011 en contrepartie du versement des aides ; plusieurs observateurs parlent de « camps de travail » visant notamment les Roms. Il est également procédé à des réductions budgétaires dans les domaines des arts et de la recherche.
Autant de choses que l'on peut discuter, en effet. Mais de là à le qualifier d'anti-démocrate ?
Wikipédia a écrit :La Banque centrale voit son indépendance se réduire – à rebours des principes de l'Union européenne – et se voit accorder un droit de veto sur le budget de l'État.
Encore un crime de lèse-majesté pour les orthodoxes libéraux...
Wikipédia a écrit :Crise migratoire
Lors de la crise migratoire en Europe, la Hongrie devient l'un des pays les plus affectés par l'immigration illégale : plus de 100 000 entrées illégales dans ce pays sont rapportées par Frontex de janvier à juillet 2015. Estimant que l'Union européenne ne prend pas les mesures nécessaires pour contenir les importants flux de population entrant illégalement dans l'espace européen par la frontière serbo-hongroise, le gouvernement hongrois décide la construction en juin 2015 d'une barrière entre la Hongrie et la Serbie.
Le 21 septembre 2015, à l'initiative du gouvernement Orbán, le parlement hongrois adopte une loi qui renforce les pouvoirs de l'armée et de la police à l'égard des migrants et qui autorise l'armée à utiliser tout moyen de contrainte, notamment balles en caoutchouc et engins pyrotechniques, mais pas en vue de tuer. L'ancien commissaire européen Louis Michel réagit en déclarant que l'Union européenne doit suspendre le droit de vote de la Hongrie au Conseil, estimant que Viktor Orbán « renie nos principes les plus fondamentaux ».
Il fait l'objet de critiques pour sa façon de traiter les migrants : interdiction d'accès pendant plusieurs jours à la gare de Budapest-Keleti, construction d'une barrière entre la Hongrie et la Serbie, introduction d'une peine d'emprisonnement pour franchissement illégal de la frontière et refus de quotas européens pour la répartition des réfugiés. Il est invité par le président de la CSU et ministre-président de Bavière, Horst Seehofer, pour « chercher une solution » à la crise migratoire alors que les critiques vis-à-vis de la politique d'accueil d'Angela Merkel augmentent.
Donc il veut contrôler les migrants, et l'assume. C'est grave ?
En résumé, Orban a simplement pris de nombreuses décisions politiques assez fortes, et en rupture avec le politiquement correct libéralo-droit-de-l'hommiste qui gouverne la plupart de nos démocraties occidentales. On peut en débattre, bien sûr. On peut ne pas approuver, bien sûr. Mais il n'y a rien qui ne fasse de lui le dictateur pour lequel certains aimeraient le faire passer.
Et puis l'article semble quand même indiquer que c'est effectivement en raison de ces mesures de fermeté sur les migrants que le processus de sanctions européennes a été déclenché.
Pendant ce temps, la directive "travailleurs détachés" existe toujours. Des pans entiers de notre industrie sont démantelés à cause des importations en provenance d'Asie, ou même d'Europe de l'Est. Le glyphosate est toujours utilisé. Nos agriculteurs sont en train de crever à cause de la déréglementation des marchés agricoles. Les marchés financiers ne sont pas toujours réglementés. Aucune solution européenne n'a encore été trouvée pour les migrants. La menace terroriste islamiste est toujours aussi forte.
Mais bien sûr, l'ennemi public n° 1, c'est Orban.
Et c'est même le gouvernement d'un paradis fiscal (le Luxembourg) qui est en pointe dans le combat contre Orban, sans doute pour faire oublier les turpitudes de son pays.
Non, vraiment, nous n'avons pas les mêmes valeurs.