En Italie, des élections dans un brouillard d'incertitudes
Re: En Italie, des élections dans un brouillard d'incertitudes
L'Italie se réveille. Le scrutin proportionnel démontre qu'il peut faire bouger un système à bout de souffle.
Re: En Italie, des élections dans un brouillard d'incertitudes
Analyse très intéressante, qui explique comment un pays autrefois très favorable à l'UE a pu basculer dans l'euroscepticisme. Le moment clé, selon Bouillaud, fut l'arrivée aux affaires en novembre 2011 de Mario Monti, imposé par l'UE en pleine crise de la zone euro.Législatives en Italie : la défaite de Bruxelles
mar. 06 mars 2018, 10:12:23
FIGAROVOX/ENTRETIEN - Christophe Bouillaud voit dans les élections italiennes de dimanche la confirmation d'un mouvement général de rejet, par les périphéries européennes, des mesures d'austérité budgétaire et de la politique migratoire de Bruxelles. Avec Matteo Renzi, c'est aussi toute la social-démocratie qui est mise en échec.
Ancien élève de l'École normale supérieure, Christophe Bouillaud est professeur agrégé de science politique à l'Institut d'études politiques de Grenoble depuis 1999 et agrégé de sciences sociales. Il est spécialiste de la politique italienne.
(...)
Quels sont les points majeurs de désaccord entre le peuple italien et la politique de Bruxelles?
J'en vois principalement deux, et un troisième plus anecdotique. Mais tout d'abord, c'est une fois de plus l'austérité qui a été massivement rejetée par les Italiens. Ils se sont prononcés contre une politique conduite en fonction des critères de Maastricht, c'est-à-dire le plafonnement à 3 % du déficit budgétaire annuel, qui ont conduit Matteo Renzi à mener une politique très stricte avec un faible nombre d'investissements publics. Les électeurs italiens, eux, souhaitent des investissements publics plus nombreux et de plus grande envergure, tout en augmentant la redistribution des revenus, et en limitant si possible la fiscalité. Il y a donc un vrai conflit entre la politique économique de rigueur budgétaire qu'exige Bruxelles, et qui a été conduite dans le pays depuis l'arrivée au pouvoir de Mario Monti en 2011, et leurs attentes. D'ailleurs, les grands journaux italiens, pourtant favorables à l'Union européenne, n'ont pas manqué de relever l'incompatibilité entre les promesses électorales de tous les partis importants et même du Parti démocrate de Matteo Renzi lui-même, et les normes dictées par l'UE.
Il y a ensuite la question migratoire, seconde raison du désaveu massif de l'Union européenne par les Italiens. Ceux-ci ont l'impression, et à juste titre, d'avoir été laissés seuls face à l'immigration. En effet, le maintien en vigueur du règlement de Dublin qui détermine les responsabilités des Etats-membres en matière de demandes d'asile permet aux pays limitrophes de l'Italie de fermer leurs frontières, et les clandestins qui arrivent sur les côtes italiennes doivent faire leur demande d'asile en Italie. En somme, le fonctionnement actuel de l'Union européenne est largement défavorable aux pays méditerranéens comme l'Italie ou la Grèce. Et les Italiens en veulent d'autant plus à la France, mais aussi au Royaume-Uni, qu'ils leur reprochent d'avoir déstabilisé la Lybie et ensuite la Syrie, précipitant ainsi une crise migratoire dont ils refusent aujourd'hui d'assumer les conséquences, pour des raisons de politique intérieure.
Enfin, bien des Italiens sont déçus pour ne pas dire plus de voir que la corruption des grands partis européistes est toujours d'actualité, et n'a jamais été condamnée par les autorités européennes. Bruxelles perd là une part de sa légitimité, car l'Europe devait améliorer la gouvernance italienne et moderniser la vie politique. Cette promesse-là aussi, l'Union européenne n'a pas su la tenir: la politique italienne est toujours aussi navrante qu'auparavant. Je ne crois pas par exemple que l'accueil fait par Jean-Claude Juncker en tant que Président de la Commission à un Silvio Berlusconi, pourtant définitivement condamné, ait été une bonne chose pour l'image de l'Europe en Italie.
(...)
Pour le reste, l'issue politique en terme gouvernemental de ces élections est aujourd'hui très incertaine et nul ne peut se risquer à des pronostics. Ce qui est certain, c'est que le M5S va revendiquer son droit à former un gouvernement, et, s'il n'y parvient pas, il en rejettera la faute sur les autres partis, ce qui peut lui valoir des scores encore meilleurs aux prochaines élections éventuellement organisées dans quelques mois. S'il arrive au gouvernement, il voudra prendre des mesures dont certaines sont peut-être moins radicales que ce que les commentateurs politiques laissent parfois entendre: dans des domaines comme l'écologie par exemple, le M5S est somme toute assez consensuel. Par contre, il faut bien se rendre compte que ni la Ligue de Matteo Salvini, ni le M5S n'iront gouverner l'Italie sans imposer une forme de rupture nette avec toute la période commencée avec l'arrivée en novembre 2011 aux affaires de Mario Monti. Celle-ci apparaît d'ailleurs avec le recul comme le moment clé de l'Italie contemporaine, avec l'échec économique qu'elle a induit aux yeux d'une majorité d'Italiens, et aussi avec la perte de légitimité de l'idée même de «gouvernement technique». C'est d'ailleurs ce qui rend la situation politique compliquée: personne ne veut du retour d'un «technicien» à la tête du gouvernement italien, alors que, depuis les années 1990, ce fut la solution classique de décantation en cas de blocage parlementaire.
À présent, je crois que rien ne presse vraiment, car le gouvernement Gentiloni peut très bien se maintenir encore un moment pour expédier les affaires courantes: à vrai dire, le seul moment où il faudra vraiment qu'une majorité claire se constitue dans les deux chambres du Parlement, ce sera en novembre au moment du vote du budget. C'est donc la date butoir, et d'ici là, il y a tout le temps pour mener les négociations… et même pour revoter une nouvelle fois ce printemps ou au début de l'été, ce qui serait un autre coup de tonnerre dans le contexte italien.
Article complet sur http://www.lefigaro.fr/vox/monde/2018/0 ... xelles.php
« le capitalisme est cette croyance stupéfiante que les pires des hommes feront les pires choses pour le plus grand bien de tout le monde » (Keynes)
Re: En Italie, des élections dans un brouillard d'incertitudes
Cette analyse confirme ce que j'ai indiqué plus haut. Partout en Europe, les électeurs commencent à douter de plus en plus sérieusement des "bienfaits" supposés de la construction européenne. Quant aux partis sociaux-démocrates, puisqu'ils mènent une politique de droite et que ça se voit de plus en plus, il n'y a plus guère de raison de voter pour eux.
- Cheshire cat
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Re: En Italie, des élections dans un brouillard d'incertitudes
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Oscar Wilde
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Re: En Italie, des élections dans un brouillard d'incertitudes
Ils ont dorénavant le choix entre des extrémistes tous plus démagogiques les uns que les autres.
La seule solution c'est la solution politique grec, mettre au pouvoir un de ces extrémistes et lui faire bouffer son chapeau.
Il aura le pouvoir... de changer d'avis. Après s'être ridiculisé aux yeux de tous en changeant de message soit il sera battu et on élira l'autre, soit il aura réussi à convaincre ses fidèles de le suivre encore un peu...
Puis déçu malgré tout le peuple élira l'autre.
En gros se remettra en place une alternance entre des hommes politiques qui furent extrémistes et qui seront assagis par l'exercice du pouvoir.
C'est le sort des pays où la démocratie est solidement installée (ou contrainte par l'appartenance à l'UE comme en Grèce). Dans des pays plus instables comme le Venezuela actuellement ou l'Allemagne en 1933 ou la Russie en 1917 les choses peuvent mal se passer... Le danger c'est lorsque l’extrémiste ne change pas d'avis...
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La Maire de Rome est de 5 étoiles depuis mi 2016
Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait.
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Re: En Italie, des élections dans un brouillard d'incertitudes
Et les poubelles romaines débordent depuis cette élection...
Le grand problème de notre système démocratique c'est qu'il permet de faire démocratiquement des choses non démocratiques.
J.Saramago
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Re: En Italie, des élections dans un brouillard d'incertitudes
Ceci étant dit, jamais l'ED de grillo ne s'alliera à l'autre ED, car ce qui les différencie c'est justement que 5étoile se dit anti système. Comment continuer à être anti système si on prend par au système en faisant alliance? c'est juste pas possible.
Ce genre de parti ne fait que dire tout haut ce que n'importe quel bof inculte pense et obtenir ainsi ses votes. Mais le but est de ne pas gouvener, sinon ils perdent l'image de parti anti système et deviennent un parti comme les autres.
Conclusion: voici ce qui va se passer: Beppe Grillo va utiliser les 235 députés et 114 sénateurs pour jouer la poupée qui dit "non non non" jusqu'à la prochaine dissolution.
Ce genre de parti ne fait que dire tout haut ce que n'importe quel bof inculte pense et obtenir ainsi ses votes. Mais le but est de ne pas gouvener, sinon ils perdent l'image de parti anti système et deviennent un parti comme les autres.
Conclusion: voici ce qui va se passer: Beppe Grillo va utiliser les 235 députés et 114 sénateurs pour jouer la poupée qui dit "non non non" jusqu'à la prochaine dissolution.
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Re: En Italie, des élections dans un brouillard d'incertitudes
On ne sait pas ce qui va en sortir, mais il ne peut y avoir de majorité sans les populistes xénophobes et anti-européens.
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Re: En Italie, des élections dans un brouillard d'incertitudes
Ce que tu dis relève du rêve. La seule fois où nous avons voté les législatives à la proportionnelle (inventée par Mitterrand pour embêter la droite), la droite RPR-UDI large vainqueur a eu une voix d'avance et nous avons eu droit à deux années pourries où Chirac, Balladur et Pasqua ont très bien gouverné mais toujours sur le fil du rasoir. Avoir 400 députés, dont 40 (10%) ou 100 (25%) seraient élu à la proportionnelle, sachant que les autres n'ont plus guère d'ancrage terrain depuis l'interdiction du cumul des mandats, c'est le retour assuré de la IVième République, des alliances obscures, de l'instabilité.Papibilou a écrit : ↑07 mars 2018, 15:26:23Il ne s'agit pas de passer à la proportionnelle intégrale mais d'introduire un pourcentage d'environ 10% qui , précisément, ne provoquerait pas les blocages de la proportionnelle intégrale mais permettrait à des minorités d'être (un peu) représentées alors qu'elles ne le sont jamais. En quelque sorte une forme de justice à l'égard de certains courants minoritaires sans risque de déstabilisation.Hector a écrit : ↑06 mars 2018, 21:46:37
En effet. Si Macron met son projet de réforme des institutions avec une dose de proportionnelle, je serai obligé de voter NON même si la limitation du nombre de députés et sénateurs, la limitation du nombre de mandats sucessifs , etc ... sont des propositions que j'approuve. Je ne veux pas de cette chienlit de proportionnelle qui établit le pouvoir des micro-partis et ne débouchent sur aucun régime stable.
Ce qui vient de se passer en Italie (pas de majorité), en Espagne (pas de majorité), en Allemagne (pas de majorité, et ce sont les adhérents d'un SPD pourtant en déroute qui viennent de valider l'accord avec Merkel) devrait pourtant vous inspirer réflexion.
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Re: En Italie, des élections dans un brouillard d'incertitudes
La proportionnelle a du sens dans un mode bipolaire comme au temps de la guerre froide où ce sont les blocs de droite et de gauche qui alternent en formant des coalitions avec un minimum de cohérence, mais la politique européenne est devenue tripolaire voire multipolaire (gauche et droite classiques, populistes, libéraux, eurosceptiques, nationalistes etc) et il est désormais impossible de former ces fameuses coalitions, les alliances sont de circonstance sans vision à long terme.
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Re: En Italie, des élections dans un brouillard d'incertitudes
5 étoiles a dit qu'ils étaient prêts à faire des alliances.
Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait.
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Re: En Italie, des élections dans un brouillard d'incertitudes
je pense aussi que ce machin de proportionnelle partielle n'a aucuns sens.Hector a écrit : ↑10 mars 2018, 17:17:40Ce que tu dis relève du rêve. La seule fois où nous avons voté les législatives à la proportionnelle (inventée par Mitterrand pour embêter la droite), la droite RPR-UDI large vainqueur a eu une voix d'avance et nous avons eu droit à deux années pourries où Chirac, Balladur et Pasqua ont très bien gouverné mais toujours sur le fil du rasoir. Avoir 400 députés, dont 40 (10%) ou 100 (25%) seraient élu à la proportionnelle, sachant que les autres n'ont plus guère d'ancrage terrain depuis l'interdiction du cumul des mandats, c'est le retour assuré de la IVième République, des alliances obscures, de l'instabilité.Papibilou a écrit : ↑07 mars 2018, 15:26:23Il ne s'agit pas de passer à la proportionnelle intégrale mais d'introduire un pourcentage d'environ 10% qui , précisément, ne provoquerait pas les blocages de la proportionnelle intégrale mais permettrait à des minorités d'être (un peu) représentées alors qu'elles ne le sont jamais. En quelque sorte une forme de justice à l'égard de certains courants minoritaires sans risque de déstabilisation.Hector a écrit : ↑06 mars 2018, 21:46:37
En effet. Si Macron met son projet de réforme des institutions avec une dose de proportionnelle, je serai obligé de voter NON même si la limitation du nombre de députés et sénateurs, la limitation du nombre de mandats sucessifs , etc ... sont des propositions que j'approuve. Je ne veux pas de cette chienlit de proportionnelle qui établit le pouvoir des micro-partis et ne débouchent sur aucun régime stable.
Ce qui vient de se passer en Italie (pas de majorité), en Espagne (pas de majorité), en Allemagne (pas de majorité, et ce sont les adhérents d'un SPD pourtant en déroute qui viennent de valider l'accord avec Merkel) devrait pourtant vous inspirer réflexion.
Autant je peux comprendre ceux qui défendent le non changement (donc circonscriptions locales) autant je peux comprendre ceux qui souhaitent la proportionnelle intégrale, mais là, où est l'intérêt?
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Re: En Italie, des élections dans un brouillard d'incertitudes
La dose de proportionnelle pose, à mon sens une question, y aurait une distinction entre les élus majoritaires et à la proportionnelles et sur quels critères ?
Concernant le scrutin italien il n'a fait que mettre en exergue la défiance à l'égard de la social démocratie, sur les compromis qui se font, trop souvent au détriment d'une partie de population et des attentes en matière de gestion des mouvements migratoires qui auront tendance à s'amplifier ne serait ce que par les évènements qui se déroulent dans des pays pas si éloignés que cela. Par ailleurs, nous savons, aussi que les évolutions en matière environnementale accentueront les déplacements massifs de population, c'est donc une des questions qui doit, d'ores et déjà se poser et que les solutions simplistes, souvent électorales ne permettront pas de résoudre.
Concernant le scrutin italien il n'a fait que mettre en exergue la défiance à l'égard de la social démocratie, sur les compromis qui se font, trop souvent au détriment d'une partie de population et des attentes en matière de gestion des mouvements migratoires qui auront tendance à s'amplifier ne serait ce que par les évènements qui se déroulent dans des pays pas si éloignés que cela. Par ailleurs, nous savons, aussi que les évolutions en matière environnementale accentueront les déplacements massifs de population, c'est donc une des questions qui doit, d'ores et déjà se poser et que les solutions simplistes, souvent électorales ne permettront pas de résoudre.
- Jeff Van Planet
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Re: En Italie, des élections dans un brouillard d'incertitudes
pourquoi y aurait(il une distinction? Sur quoi se base une telle idée?
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