Nous avons eu tort de croire que nos démocraties étaient éternelles

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El Fredo
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Nous avons eu tort de croire que nos démocraties étaient éternelles

Message non lu par El Fredo » 04 oct. 2018, 11:11:39

Nous avons eu tort de croire que nos démocraties étaient éternelles

30 sept. 2018, 10:55

Dans son dernier ouvrage, Yascha Mounk évoque les dangers de la démocratie illibérale telle qu’elle se manifeste un peu partout dans le monde: des mécanismes de gouvernement qui s’appuient sur le…

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Les démocraties libérales ont depuis 1945 fait régner leur système de valeurs en Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest, avant de s’étendre, à partir de 1989 à l’est de l’Europe, libéré du joug soviétique. La chute du Mur de Berlin était alors apparue comme le signe de leur victoire définitive, un horizon indépassable comme le proclamait dans un article fameux Francis Fukuyama.


Ces dernières années, les perspectives ont changé et l’euphorie de la fin de la Guerre froide a cédé la place à de nouvelles interrogations. Les succès électoraux des partis populistes dans de nombreux pays européens, l’élection de Donald Trump aux États-Unis ont démontré la fragilité de régimes dont la pérennité semblait assurée. D’ailleurs, les sondages d’opinion montrent une désaffection préoccupante, surtout chez les jeunes, à l’égard des mécanismes de la démocratie représentative.


Comment expliquer ces changements? Quelles pistes peut-on explorer pour conserver un mode de gouvernement qui protège le pluralisme des opinions et la liberté d’expression? À ces questions, Yascha Mounk, un jeune politologue de Harvard d’origine allemande, apporte des réponses discutables mais stimulantes dans un livre qui a été largement débattu aux États-Unis et qui vient de sortir en français sous le titre Le Peuple contre la démocratie (éditions de l’Observatoire).


(...)


Dans la dernière partie de son ouvrage, Yascha Mounk insiste sur les dangers de la démocratie illibérale telle qu’elle se manifeste en Turquie, en Russie ou dans certains pays d’Europe centrale, des mécanismes de gouvernement qui continuent à s’appuyer sur le suffrage universel mais qui remettent en cause de nécessaires contre-pouvoirs. Il est donc indispensable de trouver des parades convaincantes à un processus qui menace les fondements des démocraties occidentales. Il montre que des individus élus grâce aux mécanismes habituels du suffrage universel et portés par l’enthousiasme populaire sont tentés, à mesure que les difficultés s’accumulent et qu’ils ne parviennent pas à réaliser leurs promesses, de rogner sur les libertés. Les médias, la justice, les partis d’opposition deviennent des cibles commodes comme c’est le cas aujourd’hui en Pologne ou en Hongrie. Si on ne parvient pas à arrêter ce processus qui supprime tous les obstacles à la volonté populaire incarnée par la ou le chef, on peut déboucher sur une forme de dictature qui, elle, sera irréversible.


(...)


Un des points forts et des plus troublants de cet ouvrage est qu’il insiste sur la fragilité de la démocratie traditionnelle qui ne représente peut-être pas forcément l’avenir de l’humanité, contrairement à ce qu’on avait cru dans l’euphorie de la chute du communisme. De ce point de vue, cet essai est une rude leçon de réalisme pour toutes celles et ceux qui croient encore au pluralisme et à la liberté d’expression. En refermant l’ouvrage, on s’interroge: est-ce que l’auteur se trompe? Est ce qu’il n’est pas trop influencé par la conjoncture américaine, par la présence d’un président populiste et démagogue mais dont le mandat expirera au plus tard en 2024? Ne fait-il pas preuve d’un pessimisme excessif alors que les leçons du passé montrent qu’il existe des forces citoyennes vigoureuses dans tous les pays occidentaux?


On doit cependant lui savoir gré de lancer cet avertissement qui repose sur une masse de données incontestables, et qui souligne que le déroulement du XXe siècle comporte autant de défis et de menaces que le siècle précédent.



Article complet sur http://www.slate.fr/story/167861/democr ... -populisme
Le danger est à nos portes mais nous ne le voyons pas, et pire encore, certains veulent le prendre pour modèle.
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johanono
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Re: Nous avons eu tort de croire que nos démocraties étaient éternelles

Message non lu par johanono » 04 oct. 2018, 11:51:09

Il faut en réalité distinguer plusieurs choses :
- la démocratie proprement dite, c'est-à-dire le règne de la volonté populaire, c'est-à-dire le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, soit directement (démocratie directe, rare en pratique) ou indirectement (démocratie représentative),
- la démocratie libérale, c'est-à-dire un ensemble de valeurs appelé généralement "droits de l'homme" ou "libéralisme politique", régnant sur les pays occidentaux depuis plusieurs décennies, mais qui correspond en réalité à un individualisme consumériste conduisant progressivement à l'anomie, au laxisme et aux communautarismes.

Ce sont deux choses différentes.

Il peut très bien y avoir une "démocratie libérale" (au sens de "libéralisme politique") qui ne soit pas une vraie démocratie car non respectueuse de la volonté populaire. C'est le cas, par exemple, quand on impose aux peuples occidentaux, sans vraiment leur demander leur avis, au nom de beaux principes tels que les "droits de l'homme" ou le "refus des nationalismes", d'accepter des arrivages massifs de migrants, d'accepter le mariage gay ou la PMA, ou bien encore de se soumettre à l'Union européenne supra-nationale et libre-échangiste.

Inversement, il peut tout à fait y avoir une vraie démocratie (c'est-à-dire le règne de la volonté populaire) qui ne soit pas forcément une "démocratie libérale". C'est le cas, par exemple, en Hongrie : la politique menée par Orban ne correspond pas tout à fait aux canons des "droits de l'homme" ou de la "démocratie libérale", mais elle semble correspondre parfaitement à la volonté populaire du peuple hongrois.

Les partisans de la "démocratie libérale" (c'est-à-dire en réalité de la philosophie droit de l'hommiste individualiste et consumériste) présentent leur philosophie comme étant l'essence même de la démocratie. Ainsi, si vous n'êtes pas d'accord avec leur philosophie, vous êtes forcément hostile à la démocratie, et vous représentez donc ce danger qui serait à nos portes.

Il convient de ne pas se laisser avoir par cette escroquerie intellectuelle.

En revanche, il est bien évident que la démocratie, qu'il s'agisse de la démocratie proprement dite au sens de "règne de la volonté populaire" ou de la "démocratie libérale" au sens de "droits de l'homme" ou "libéralisme politique", n'est pas éternelle, pour des raisons diverses et variées. L'autre demeuré de Fukuyama raconte n'importe quoi quand il parle d'horizon indépassable.
Modifié en dernier par johanono le 04 oct. 2018, 12:14:53, modifié 1 fois.

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albert
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Re: Nous avons eu tort de croire que nos démocraties étaient éternelles

Message non lu par albert » 04 oct. 2018, 12:03:26

On mélange pas mal de choses, des régimes dits « illibéraux » comme la Turquie, la Pologne et la Hongrie et les USA de Trump. Trump, que je sache, n'a pas aboli les contre-pouvoirs et la démocratie libérale n'est pas menacée aux USA. Pas plus d'ailleurs qu'elle ne l'est au RU avec le Brexit ou en Italie avec la coalition M5S/Ligue.
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Spartiate
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Re: Nous avons eu tort de croire que nos démocraties étaient éternelles

Message non lu par Spartiate » 04 oct. 2018, 12:20:43

Bon, si on essaie d'avoir un peu de hauteur de vue, le constat de cet auteur est pertinent mais la critique m'apparaît superficielle.

La démocratie libérale et la "démocratie illibérale" sont les deux faces de la même pièce, le capitalisme. Dès l'instant où on dépossède le politique de son pouvoir, comme c'est le cas depuis plusieurs décennies, il fallait s'attendre à ce que des gens réagissent en plébiscitant de nouveau des régimes autoritaires, qui seraient les seuls à pouvoir réhabiliter l'autorité.
Mais ne soyons pas dupes : Trump, Orban, Erdogan, Poutine, Merkel, Macron ont des idées communes sur ce que doit être l'économie. Bref, c'est une querelle de chapelles entre capitalistes, entre ceux qui s'assument et ceux qui ne s'assument pas. Ils s'écharpent sur des sujets sociétaux pour entretenir leur différence mais sinon, ils sont tous du même moule.

Quand on écoute les motivations des abstentionnistes, on se rend compte que ce sont les mêmes réponses qui reviennent : "ils ne tiennent pas leurs promesses", "ils ne servent à rien". On ne peut pas simplement balayer du revers de la main ces réponses en disant que ce sont des cas sociaux qui vivent au biberon de l'Etat (c'est grosso modo le discours dominant), mais ça traduit une réalité bien moins heureuse qui me paraît difficile à nier : l'influence des lobbies, de plus en plus mise en lumière, sur les décisions politiques.

Même si l'auteur exagère sans doute, on remarque tout de même que de plus en plus, l'on prend pour exemples des régimes comme Singapour, c'est-à-dire des pays où l'on comprime les libertés civiles parce que c'est nécessaire pour faire régner l'ordre social et économique, la moindre perturbation du marché serait catastrophique pour tous car les intérêts individuels, les égoïsmes de chacun, qui forment le bonheur de tous, seraient contrariés. Et si on s'oppose à cette conception, on est des bobos déconnectés de la réalité.
Modifié en dernier par Spartiate le 04 oct. 2018, 16:21:16, modifié 1 fois.

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albert
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Re: Nous avons eu tort de croire que nos démocraties étaient éternelles

Message non lu par albert » 04 oct. 2018, 12:36:24

Emmanuel Todd disait la semaine dernière dans la nouvelle émission de Taddeï que la démocratie libérale était une invention anglo-saxonne, pas une tradition de l'Europe continentale (sauf en France, et encore pas dans toutes les régions). L'Allemagne n'a jamais eu de tradition libérale, pas plus que l'Italie (qui est le pays qui a inventé le fascisme avec Mussolini) ni l'Europe de l'Est. L'Europe étant en train de s'éloigner des USA et du RU, elle retournerait à ses vieux démons autoritaires sous la domination allemande. De fait, on peut se demander si la première des "démocratures" n'est pas tout simplement l'Union Européenne, avec son fonctionnement opaque et non démocratique, son non respect des référendums, son absence de contre-pouvoirs, son refus de la souveraineté populaire.
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Re: Nous avons eu tort de croire que nos démocraties étaient éternelles

Message non lu par Cheshire cat » 04 oct. 2018, 15:27:54

Les vieilles démocraties sont robustes : elles ne sont pas exemptes de maladies mais s'en remettent habituellement.
“On commence par se tromper soi-même ; et ensuite on trompe les autres. ”
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Re: Nous avons eu tort de croire que nos démocraties étaient éternelles

Message non lu par Jean » 04 oct. 2018, 15:45:44

1. Rien n'est éternel surtout en économie et en politique

2. Le mot démocratie est réducteur pour décrire nos sociétés occidentales et en particulier la nôtre.
Il donne le sentiment que le mode d'élection est suffisant pour décrire sotre société.

Le vote même au suffrage universel est loin de suffire pour décrire nos sociétés. Basé sur le postulat que le peuple a toujours raison il repose en fait surtout sur la capacité de manipulations des minorités.

Par le passé cette manipulation était faible et la loi des grands nombres voulait que chaque bord parvienne à convaincre à peu près le même nombre de... crédules.

Mais cette capacité de manipulation a évoluée, avant-hier c'était la presse et les tracts qui avait cette mission puis ce fut l'audio-visuel beaucoup plus efficace mais encore trop pluriel maintenant on dispose d'internet et des réseaux sociaux qui permettent d'influencer sans contradiction à moins de faire l'effort de trouver des informations contredisant nos croyances premières... (peu le font). La puissance manipulatoire s'est considérablement accrue.

Aujourd'hui le fait d'organiser des élections est perçu par certains pays comme suffisant pour devenir des états comparables aux nôtres. Comme si d'un simple décret on pouvait posséder une société comparable à celles des "démocraties occidentales" et en particulier de la nôtre.

Mais le vote ne représente pas grand chose, la preuve en est que la plupart des dictatures d'aujourd’hui organisent des votes "honnêtes".


Ce qui caractérise nos sociétés ce sont les trois piliers :

Liberté de dire ce que l'on veut et de faire nos choix de vie comme on le souhaite
L'égalité des droits face aux règles de vie de la société
La fraternité organisée par l'Etat (Prélèvements et redistribution)

Ce sont ces règles qui définissent vraiment nos sociétés et non simplement le fait que le peuple soit sollicité pour mettre son bulletin dans l'urne.

Alors tout dépend ce qu'on met derrière le mot démocratie.

On comprend mieux pourquoi il est difficile pour un état sortant de plusieurs décennies voire siècles de dictature de mettre en place ce qu'on appelle par abus de langage "démocratie". Il est tellement facile d'organiser des élections par contre la mise en place des trois piliers demandent du temps, une éducation, un système judiciaire, une administration, des contre-pouvoirs...

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Jean
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Re: Nous avons eu tort de croire que nos démocraties étaient éternelles

Message non lu par Jean » 04 oct. 2018, 15:48:37

Cheshire cat a écrit :
04 oct. 2018, 15:27:54
Les vieilles démocraties sont robustes : elles ne sont pas exemptes de maladies mais s'en remettent habituellement.
Le fait nouveau c'est la vitesse et le volume des informations, possiblement fausses ou déformées ou montées artificiellement en épingle, qui peuvent mettre en péril sa stabilité.

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Re: Nous avons eu tort de croire que nos démocraties étaient éternelles

Message non lu par Spartiate » 04 oct. 2018, 16:40:27

Cela pose la question plus large de la définition de la démocratie. Quelle est-elle réellement ?
Pour la démocratie libérale, elle passe par la liberté de marché et l'élection de représentants.
Pour les démocraties populaires, elle passe par l'égalité et le travail.

La première a complètement supplanté la seconde depuis les années 1990. Cela aurait très bien pu être l'inverse, mais on présente ce phénomène comme la fin de l'histoire en quelque sorte. La démocratie libérale serait selon ses partisans l'aboutissement de plusieurs millénaires de civilisation humaine. Pourtant, on voit que naît une nouvelle forme de "démocratie", la démocratie illibérale.

Bref, pour revenir à des choses plus terre-à-terre, on remarque que l'adhésion à un parti politique ou à un syndicat sont aujourd'hui des formes dépassées d'engagements. Forcément, cela a une répercussion sur la participation électorale. Cela tient à l'impuissance actuelle des politiques face aux grands enjeux, que j'ai décrite dans le message précédent. Je ne parle même pas du transfert de souveraineté des gouvernements des pays européens vers les institutions européennes : l'UE est également impuissante face aux mastodontes économiques. Or, la démocratie n'existe pas en entreprise, surtout pas dans ces mastodontes, car ne siègent aux conseils d'administration que des représentants qui ont injecté du capital, au prorata de leur participation.

La réponse libérale à cette absence de démocratie dans l'entreprise est toute trouvée : créez votre propre entreprise si vous n'êtes pas contents (ce qui est absurde quand il s'agit de se confronter à des sociétés qui pèsent autant que des Etats).

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Re: Nous avons eu tort de croire que nos démocraties étaient éternelles

Message non lu par El Fredo » 04 oct. 2018, 18:33:23

Tu mélangerais pas un peut tout, le libéralisme au sens philosophique et politique d'une part et le libéralisme économique d'autre part ? Parce que :
Spartiate a écrit :
04 oct. 2018, 16:40:27
Pour la démocratie libérale, elle passe par la liberté de marché et l'élection de représentants.
Ca n'a pas beaucoup de sens. On peut avoir une démocratie libérale et une économie socialisée, administrée ou fortement régulée. Et inversement d'ailleurs.

Le terme "libéral" dans "démocratie libérale" désigne l'existence de contre-pouvoirs qui protègent le pluralisme et l'Etat de droit. A l'opposé de la "démocratie illibérale" chère à Orban et son fan-club.
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Re: Nous avons eu tort de croire que nos démocraties étaient éternelles

Message non lu par Spartiate » 04 oct. 2018, 19:17:13

J'élargis le propos car s'il s'agit simplement de dire qu'il y a, dans ces "démocraties illibérales" une concentration des médias dans les mains du dirigeant, et que la classe dirigeante emploie une rhétorique populiste et anti-immigration, on risque de tourner en rond.

Personnellement, je veux bien parler des causes profondes du recul de nos libertés et de la démocratie en Occident mais s'il s'agit de parler du mur de Trump avec le Mexique, ça ne m'intéresse guère.

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Re: Nous avons eu tort de croire que nos démocraties étaient éternelles

Message non lu par Jeff Van Planet » 06 oct. 2018, 10:10:36

Bonjour,


Il faut remettre les choses dans le contexte et savoir de quoi on parle. Le libéralisme puise ses origines dans les guerres de religions post réforme protestante, et le constat était de laisse à chacun le droit de choisir sa propre religion sans que le pouvoir n'ait son mot à dire dans la matière.
Plus tard sur le même principe s'est étendu à tous les domaines, la politique (Liberté de dire ce que l'on veut et de faire nos choix de vie comme on le souhaite -oui je cite jean au mot pour mot ^_^ ) et à l'économie. C'est à ce moment là que le concept démocratie libérale était né: au moment où l'on a pris la décision que le pouvoir ne peut pas choisir de façon arbitraire comment les citoyens mènent leurs vies, c'est là aussi que la maxime <<laissez dire, laissez faire, laissez passer>> est apparue.


De nos jours la démocratie libérale est menacée par ces groupes populistes qui sont convaincus par le faite que la démocratie est le vote, et qu'on peut voter pour imposer un mode de vie à tous, juste par exemple comment on doit s'habiller pour se promener dans la rue, ce que l'on peut dire. Ils préfèrent une sorte de théocratie politique dans la quelle "la volonté populaire" décide de tout un peu comme si "le peuple" était un tout unique sans distinctions. Comme disait ce bon José Saramago: "la démocratie permet de faire démocratiquement des choses non démocratiques"
Le grand problème de notre système démocratique c'est qu'il permet de faire démocratiquement des choses non démocratiques.
J.Saramago

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Re: Nous avons eu tort de croire que nos démocraties étaient éternelles

Message non lu par Yakiv » 06 oct. 2018, 11:55:50

Il n'y a pas selon moi de différence entre "la démocratie proprement dite" et la "démocratie libérale" comme le dit @johanono.

Car ce ne sont pas les élections qui font la différence entre une dictature ou un régime autoritaire et une démocratie. C'est la sincérité du résultat électoral.

Dans les régimes autoritaires et les dictatures, il y a des élections, comme dans les démocraties. Sauf que c'est tout le processus électoral (organisation, campagne électorale, décompte des voix) et la liberté politique qui font la différence.

Ce qui se passe en Turquie actuellement, en Russie et de plus en plus en Hongrie, c'est que les régimes ne respectent plus l'opposition. Et lorsque les régimes ne respectent plus l'opposition, la sincérité des choix électoraux s'en trouvent altérée. Dans ces pays, lorsque le pouvoir en place récole 50% des voix par exemple, quelle est la part de ce résultat qui dépend de la propagande ? Quelle est la part de ce résultat qui dépend de la censure de l'opposition et des pressions exercées sur les médias indépendants ? Quelle est la part de ce résultat qui dépend de l'élimination (physique, médiatique ou électorale) des opposants les plus charismatiques ? Quelle est la part de ce résultat qui dépend de l'adhésion au parti au pouvoir pour promouvoir sa carrière professionnelle ? Quelle est la part de ce résultat qui dépend de la manipulation des circonscriptions électorales (pratiquée par le Fidesz en Hongrie) ?

Si aucune personne censée n'aurait l'idée d'associer l'adjectif "démocratique" au référendum irakien de 2002 (qui a vu la victoire du oui à la reconduction de Saddam Hussein par "11 445 638 contre 0") ou aux législatives nord-coréenne (qui ont vu la victoire du Front Démocratique pour la Réunification de la Patrie avec 100% des voix), il faut aussi savoir garder un certain esprit critique face à des résultats, certes plus contrastés, mais qui connaissent également leur part de manipulation, en amont ou en aval du vote.

En résumé, une démocratie ne peut fonctionner que si l'opposition minoritaire est respectée. Lorsqu'elle ne l'est plus, rien ne garantit la sincérité des voix en faveur du pouvoir en place et donc rien ne garantit que la majorité qui se dégage à travers le décompte des bulletins de vote corresponde aussi à une majorité reflétant le choix libre et objectif des électeurs.

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Re: Nous avons eu tort de croire que nos démocraties étaient éternelles

Message non lu par johanono » 06 oct. 2018, 12:49:35

Orban n'a pas fait de coup d'Etat, n'embastille pas les opposants, et ne muselle pas les média. Le processus électoral en Hongrie se déroule de façon parfaitement libre. Idem aux Etats-Unis : le processus électoral américain a des défauts, parmi lesquels la nécessité d'obtenir des financements importants auprès de généreux mécènes, mais les élections sont libres dans ce pays, et Trump y a été élu de façon tout à fait démocratique. Peut-être est-ce différent en Russie, où les opposants ont en effet beaucoup de mal à s'exprimer.

Orban comme Trump tiennent mènent des politiques et tiennent des discours peu politiquement corrects. Ce qui fait dire aux tenants du politiquement correct droit-de-l'hommiste dominant qu'ils ne sont pas démocrates. Mais c'est là une escroquerie intellectuelle que d'assimiler la démocratie proprement dite au contenu d'une politique. La démocratie proprement dite, c'est un processus électoral, peu importe la politique qui en résulte.

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Re: Nous avons eu tort de croire que nos démocraties étaient éternelles

Message non lu par Spartiate » 06 oct. 2018, 12:56:03

La démocratie, même proprement dite, ne se limite pas au processus électoral... C'est une vision très étriquée.

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