La dette grecque et les dettes de guerre allemandes

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El Fredo
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Message non lu par El Fredo » 16 juil. 2011, 23:54:00

http://www.news-26.com/politique/808-la ... es-de-guer…
Il existe bien une incommensurable dette grecque mais qui ose parler des dettes non honorées de l'allemagne en guerre à l'endroit des grecs? Il ne s'agit pas de dettes morales issues de la tragédie nazie mais bien d'indemnités de guerre jamais perçues. Faut-il avoir 80 ans pour s'en souvenir? La fameuse "indignation" risque de paraître dérisoire face au vent de révolution qui gronde dans les rues grecques. Tragédie grecque contre tragédie nazie, l'Europe en sortira-t-elle vivante?



par Aldous

Peu de gens le savent, l'Allemagne n'a jamais versé à la Grèce les indemnités de guerre après l'occupation de 1941 à 1945. De même elle n'a pas fini de payer les indemnités de la 1ère guerre mondiale. Cette dette est exposée dans un article écrit par Emmanuel (dit Manolis) Glezos en 1995.

Manolis Glézos est une grande figure de la résistance grecque au nazisme. Le 30 mai 1941, il avait osé, avec Apostolos Santas, monter sur le Parthénon pour y arracher le drapeau à croix gammée qui flottait sur l'Acropole d'Athènes pendant l'occupation nazie.

Son geste inspira l'ensemble des peuples soumis, De Gaule le qualifiant de "premier resistant d'Europe" alors que l'URSS dédia un timbre à son effigie.

Son acte de défiance, un des tous premiers actes de résistance dans les pays occupés lui vaudra d'étre condamné à mort par contumace par les Nazis, arrêté à plusieurs reprises et torturé.

Manolis Glezos a gardé jusqu'à aujourd'hui sa capacité à s'indigner sans redouter les gaz lacrymogènes ou la violence policière.

Cet article garde toute son actualité quand on sait que le gouvernement Papandréou vient de verser 10 millions de dollars à la communauté juive de Thessalonique en dédomagement de la destruction du cimetière juif de la ville pendant l'occupation nazie et qu'il s'apprête à saigner le pays à blanc pour satisfaire les banquiers internationaux.

Posons nous la question : pourquoi faut-il que ce soit Manolis Glezos qui se révolte en premier ?

La jeunesse d'aujourd'hui aurait-elle 80 ans ?

Voici la traduction de cet article édifiant, traduit par Michèle Mialane et paru dans Die Zeit.

NAXOS - Depuis la fin du mois dernier, des milliers de Grecs ont porté plainte devant des tribunaux grecs de leur pays contre la République fédérale d’Allemagne. Ils exigent des dédommagements réparations pour la perte de leurs proches et d’autres dommages qu’ils ont subis durant les trois ans et demi où l’Allemagne a occupé la Grèce au cours de la Deuxième guerre mondiale. Les plaintes émanent de personnes privées qui ont été incitées à agir par les préfets de deux des provinces qui ont le plus souffert de l’occupation.

Il y des dizaines d’années que je demande moi aussi à l’Allemagne d’honorer envers la Grèce ses obligations au titre des deux guerres mondiales, si elle est vraiment décidée à tirer un trait sur ce triste chapitre de l’histoire germano-grecque.

Du côté allemand, on a jusqu’ici refusé de payer des réparations au motif que lors la Conférence de Londres en 1953, cette question avait été renvoyée à la conclusion d’un traité de paix encore à venir entre l’Allemagne et les Alliés. Or, ce traité ne pouvait être signé qu’après la réunification de l’Allemagne. Selon le droit en vigueur, ce traité correspond à l’accord signé le 12 septembre 1990 à Moscou entre les deux États allemands et les quatre puissances victorieuses de la Deuxième guerre mondiale (il est connu sous le non de Traité Deux plus Quatre). L’Allemagne réunifiée est donc tenue depuis 1990 d’honorer les obligations de réparations qui lui incombent au titre de la Deuxième guerre mondiale.

Les réparations dues à la Grèce sont les suivantes :
1. Solde des réparations dues au titre de la Première guerre mondiale, soit 80 millions de marks, au taux de change de 1938.
2. Dettes allemandes accumulées entre les deux guerres au titre du domaine du commerce bilatéral entre les deux guerres, soit 523 873 000 dollars, au taux de change de 1938
3. Réparations établies lors de la Conférence de Paris en 1946, soit 7,1 milliards de dollars US, au taux de change de 1938 (dédommagements pour la réquisition de biens publics et privés, pillage et destructions)
4. Droits relatifs à un emprunt forcé de 3,5 milliards de dollars que la Banque de Grèce avait dû contracter pour couvrir les frais liés au stationnement des troupes d’occupation en Grèce et à l’approvisionnement en nourriture de l’Afrika-Korps du général Rommel.

En appliquant un intérêt minimal de 3%, les experts chiffrent aujourd’hui les exigences légitimes de la Grèce à 13 milliards de dollars US.

Ces estimations n’incluent pas les énormes pertes humaines subies par notre pays. Sur une population de 7 millions d’habitants, la Grèce a perdu, du fait d’opérations militaires, 70 000 personnes directement et 12 000 civils indirectement ; en outre, 38 960 personnes ont été exécutées, 100 000 (essentiellement des Grecs juifs) assassinées dans des camps de concentration et 600 000 sont mortes de faim.





La question des réparations n’est pas une simple affaire d’argent. Elle revêt aussi une dimension politique et morale. L’Italie, par exemple, s’est acquittée de toutes ses obligations de réparations envers la Grèce. Il en va de même pour la Bulgarie, qui a occupé la Grèce conjointement avec l’Allemagne et l’Italie de 1941 à 1944, et qui a tenu à réparer le tort causé par ses troupes au peuple grec. Pourquoi l’Allemagne serait-elle exonérée de ses obligations ? Au cours de la Deuxième guerre mondiale, les occupants nazis ont infligé à la nation grecque l‘esclavage le plus sanglant et le plus étouffant qu’elle ait jamais connu en trois mille ans d’une histoire agitée. Tout en étant convaincu que le peuple allemand n’a aujourd’hui plus rien de commun avec le national-socialisme, je crois cependant qu’il doit enfin affronter le problème de l’occupation allemande en Grèce et assumer les réparations qui en découlent. La Grèce ne fait qu’exiger ce qui lui est dû. Notre peuple ne cherche pas à se venger. Il ne demandera pas non plus à l’Allemagne de s’acquitter de ses obligations en une seule fois.

Il existe des moyens de payer les réparations sans porter préjudice à l’économie allemande : bourses accordées à des étudiants et à de jeunes chercheurs grecs (en priorité à des descendants de victimes du nazisme) pour des études en Allemagne ; transfert de savoir-faire allemands ; prise en charge financière par l’État allemand de projets d’infrastructures réalisées en Grèce par des firmes allemandes ; aide financière directe. Une commission économique commune pourrait élaborer les modalités exactes et un agenda concret.

La Grèce et l’Allemagne sont toutes-deux membres de l’UE et travaillent pour une Europe communautaire. Une Europe unifiée unie ne peut se construire que sur l’amitié et la confiance entre ces deux pays, et exige qu’on dépasse enfin les problèmes hérités de notre histoire commune.
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mps
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Message non lu par mps » 17 juil. 2011, 08:18:00

Intéressant ! J'ignorais tout à fait ce vieux contentieux !
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pierre30
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Message non lu par pierre30 » 17 juil. 2011, 10:07:00

Oui. C'est peut-être le moment de commencer à rembourser.

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Message non lu par pwalagratter » 17 juil. 2011, 11:17:00

 
Il existe des moyens de payer les réparations sans porter préjudice à l’économie allemande : bourses accordées à des étudiants et à de jeunes chercheurs grecs (en priorité à des descendants de victimes du nazisme) pour des études en Allemagne ; transfert de savoir-faire allemands ; prise en charge financière par l’État allemand de projets d’infrastructures réalisées en Grèce par des firmes allemandes ; aide financière directe. Une commission économique commune pourrait élaborer les modalités exactes et un agenda concret.
Voilà des modalités de remboursement intelligentes. La Grèce qui ne peut plus supporter certains coûts d'investissement du fait entre autre de la position de l'Allemagne depuis plus d'un an sur le déficit Grec, pourrait retrouver un peu d'air sans s'endetter plus.
Article très intéressant, les histoires d'arroseurs arrosés sont toujours excellentes icon_biggrin

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wesker
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Message non lu par wesker » 17 juil. 2011, 14:00:00

Il est peut être temps, pour les Allemands d'aller rembourser les dettes judiciaires de son passé. Quand on exige des sacrifices de la part de ses partenaires, il faut être impeccables sur ses propres dettes, qui doivent peut être, je n'en sais rien, être tranché par la justice.

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El Fredo
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Message non lu par El Fredo » 21 juil. 2011, 01:34:00

Voici un autre article qui traite du même sujet :

http://www.courrierinternational.com/ar ... ecle-berli…
“Au XXe siècle, Berlin a été le roi de la dette”

Au cours du siècle dernier, l’Allemagne s’est trouvée trois fois en faillite. Si elle a pu se relever, c’est entre autres au détriment de la Grèce, explique l’historien de l’économie Albrecht Ritschl. Elle ferait bien de s’en souvenir.

L’Allemagne joue les donneuses de leçons sur la question de savoir s’il convient d’accorder de nouvelles aides à la Grèce. Le gouvernement se montre inflexible sur le mode : “Vous n’aurez de l’argent que si vous faites ce que nous vous demandons.” Cette attitude est-elle justifiée ?
Albrecht Ritschl Non, absolument pas. Dans toute l’histoire récente, c’est l’Allemagne qui a connu les pires faillites d’Etat, au XXe siècle. Sa stabilité financière et son statut de bon élève de l’Europe, la République fédérale les doit uniquement aux Etats-Unis, qui, aussi bien après la Première Guerre mondiale qu’après la Seconde, ont renoncé à des sommes considérables. Malheureusement, on a un peu trop tendance à l’oublier.

Que s’est-il passé exactement ?
Entre 1924 et 1929, la république de Weimar a vécu à crédit et a même emprunté auprès des Etats-Unis l’argent dont elle avait besoin pour payer les réparations de la Première Guerre mondiale. Cette pyramide s’est effondrée pendant la crise de 1931. Il n’y avait plus d’argent. Les dégâts ont été considérables aux Etats-Unis et l’effet a été dévastateur sur l’économie mondiale.

Il s’est produit la même chose après la Seconde Guerre mondiale.
Sauf que les Etats-Unis ont veillé à ce que l’on n’exige plus de l’Allemagne des réparations aussi exorbitantes. A quelques exceptions près, toutes les demandes ont été renvoyées à une future réunification des deux Allemagnes. C’est véritablement ce qui a sauvé l’Allemagne, cela a été le fondement du miracle économique qui a commencé dans les années 1950. Mais les victimes de l’occupation allemande ont dû renoncer aux réparations, y compris les Grecs.

Quelle a été l’ampleur des défauts de paiement de l’Etat allemand ?
Si l’on prend la puissance économique des Etats-Unis comme point de référence, le défaut allemand des années 1930 a eu autant d’impact que la crise financière de 2008. En comparaison, le problème de la Grèce est minime. Seul le risque de contagion à d’autres pays de la zone euro pose problème.

La République fédérale passe pour être un modèle de stabilité. Combien de fois l’Allemagne a-t-elle fait faillite, au total ?
Cela dépend du mode de calcul. Rien qu’au cours du siècle dernier, au moins trois fois. Après les premiers défauts de paiement, dans les années 1930, les Etats-Unis ont consenti une remise de dette considérable à la République fédérale, en 1953. A partir de là, l’Allemagne s’est portée comme un charme pendant que le reste de l’Europe se saignait aux quatre veines pour panser les plaies laissées par la guerre et l’occupation allemande. Même en 1990, le pays s’est retrouvé en situation de non-paiement.

Pardon ? Un défaut ?
Oui, le chancelier d’alors, Helmut Kohl, a refusé d’appliquer l’Accord de Londres de 1953 sur les dettes extérieures de l’Allemagne, qui disposait que les réparations destinées à rembourser les dégâts causés pendant la Seconde Guerre mondiale devaient être versées en cas de réunification. Quelques acomptes ont été versés. Mais il s’agissait de sommes minimes. L’Allemagne n’a pas réglé ses réparations après 1990 – à l’exception des indemnités versées aux travailleurs forcés. Les crédits prélevés de force dans les pays occupés pendant la Seconde Guerre mondiale et les frais liés à l’occupation n’ont pas non plus été remboursés. A la Grèce non plus.

Contrairement à 1953, il s’agit moins aujourd’hui d’accorder une remise de dette à la Grèce que d’étirer l’échéancier du remboursement. Peut-on dire que le pays est menacé de faillite ?
Absolument. Un pays peut faire faillite même s’il n’est pas complètement fauché. Tout comme en Allemagne dans les années 1950, il serait illusoire de croire que les Grecs pourront s’acquitter seuls de leur dette. Aujourd’hui, il faut fixer le volume des pertes auxquelles doivent consentir les créanciers de la Grèce. Et, surtout, il s’agit de savoir qui va payer.

Et le premier des payeurs devrait être l’Allemagne…
En résumé, oui. Nous avons été très inconséquents – et nos industries exportatrices s’en sont bien trouvées. Personne en Grèce n’a oublié que la République fédérale devait sa bonne forme économique aux faveurs consenties par d’autres nations. Les Grecs sont parfaitement au courant des articles hostiles à leur égard parus dans les médias allemands. Si le vent tourne dans le pays, de vieilles revendications liées aux réparations de guerre pourraient refaire surface, y compris dans d’autres pays européens. Et si l’Allemagne se trouve contrainte de les honorer, nous y laisserons notre chemise. En comparaison, le renflouement de la Grèce est plutôt une bonne nouvelle. Si nous écoutons les boniments dont on nous abreuve et si nous continuons à jouer les grippe-sous, le cigare aux lèvres, nous sommes condamnés tôt ou tard à voir resurgir de vieilles ardoises.

Quelle solution serait actuellement préférable pour la Grèce – et l’Allemagne ?
Les faillites qu’a essuyées l’Allemagne au siècle dernier nous enseignent que le plus raisonnable serait de consentir une remise de dette généreuse. Ceux qui ont prêté de l’argent à la Grèce seraient alors contraints de renoncer à une bonne part de leurs créances. Certaines banques n’y survivraient pas, et il faudrait alors mettre sur pied de nouveaux programmes d’aide. Cela pourrait revenir cher à l’Allemagne, mais, d’une manière ou d’une autre, il nous faudra mettre la main à la poche. Et puis la Grèce se verrait ainsi donner une chance de prendre un nouveau départ.
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Message non lu par mps » 21 juil. 2011, 09:15:00

Ca craint !

Chaque fois que l'Allemagne a eu le porte-feuille humilié, sa réaction a été populiste de mortifère.

Celui qui ignore l'Histoire se condamne à la revivre ...
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Message non lu par El Fredo » 21 juil. 2011, 11:31:00

Et bien justement, il serait temps que les Allemands se souviennent qu'ils ont largement bénéficié de la mansuétude des autres peuples (contre une promesse de paix, justement), et qu'ils acceptent de l'appliquer à leur tour à l'un de ceux auxquels ils doivent le plus s'ils ne veulent pas qu'on leur présente la facture.
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Message non lu par wesker » 21 juil. 2011, 13:43:00

Les Allemands donnent des leçons et oublient leurs propres irresponsabilités passées.

Dès lors qu'ils commencent à rembourser les dettes précédentes avant de promouvoir un modèle unique qui devrait s'appliquer à toute l'Europe.

La supranationalité ne peut fonctionner que dans la mesure où les économies y participant sont relativement proche, c'est loin d'être le cas des pays de l'Union. Ces derniers doivent travailler ensemble pour exister face à l'émergence de géants économiques mais doivent aussi converger pour devenir une vrai zone politique, économique à part entière et non se satisfaire d'être le marché de second degré du commerce international.

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