L'Europe, où le triangle de Rodrik

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johanono
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Message non lu par johanono » 17 juil. 2011, 23:47:00

J'ai lu il y a quelque temps, sur Internet, un article se faisant l'écho d'une théorie formulée par l'économiste turc Dani Rodrik au sujet de la mondialisation économique. Je n'arrive plus à retrouver cet article, mais en substance, Dani Rodrik nous enseigne que pour comprendre la mondialisation, il faut se référer à une sorte de trinité dans laquelle il faut choisir deux des trois éléments suivants (et donc en sacrifier un des trois) :
- la représentation démocratique des peuples,
- le respect de la souveraineté des Etats nationaux,
- l'intégration des marchés.

Il y a donc trois possibilités :

1) Sacrifier la représentation démocratique des peuples au profit de l'intégration des marchés et des Etats nationaux. C'est ce que Rodrik appelle "la camisole de force dorée", et c'est ce qui se rapproche le plus de la construction européenne actuelle. Dans un contexte d'intégration croissante des marchés, les Etats concèdent des parcelles de souveraineté mais continuent à se faire concurrence entre eux, avec notamment des pratiques de dumping social et fiscal et des initiatives diplomatiques isolées les unes des autres. A l'intérieur de chaque Etat, le constat est le même malgré les alternances politiques, le citoyen n'a plus grand-chose à dire.

2) Le fédéralisme global consiste à choisir la démocratie et l'intégration des marchés. Les Etats disparaissent, remplacés par des institutions fédérales dignes de ce nom et respectueuses de la volonté populaire. C'est l'exemple des EU.

3) L'exemple du compromis de Bretton-Woods : on garde la démocratie et les Etats, mais il faut alors accepter une moindre intégration des marchés. C'était comme ça jusque dans les années 80. Il y avait des accords internationaux, mais l'intégration des marchés était très relative, et les Etats pouvaient continuer à mener leurs propres politiques avec leurs propres institutions en réponse aux demandes de leurs citoyens.

Cette théorie peut tout à fait s'appliquer à la construction européenne (tout dépend du périmètre géographique retenu).

Selon ce schéma, la construction européenne doit donc faire un des trois choix suivants :
- une marche forcée vers le fédéralisme, avec abandon des prérogatives nationales,
- sacrifier l'intégration des marchés (par exemple abandonner l'euro, ou restreindre la libre circulation des capitaux, des biens et des hommes,
- conserver la camisole de force dorée actuelle, dans laquelle la démocratie a été sacrifiée et où le citoyen n'a plus grand chose à dire.

La situation actuelle ne donne pas satisfaction.

La solution fédéraliste pourrait être intéressante, mais elle se heurte à une difficulté de taille : les Européens occupent peut-être un même continent, mais ils ont des traditions sociales, politiques, économiques très différentes d'un pays à l'autre. La France présente certains particularismes (laïcité, services publics, indépendance diplomatique, agriculture forte) et risque d'être mise en minorité sur ces différentes questions.

Bref, les Français ne trouveront probablement pas leur bonheur dans la solution fédérale, si bien que le fédéralisme risque de leur apparaître comme antidémocratique.

La troisième solution, c'est de l'Europe de la coopération entre Etats-nations, apparaît donc comme la plus réaliste, quoique moins ambitieuse en apparence.

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mps
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Message non lu par mps » 18 juil. 2011, 08:58:00

Quand la théorie va vers l'absurde icon_confused

La démocratie est-elle opposée à la bonne gestion ?
C'est quand on a raison qu'il est difficile de prouver qu'on n'a pas tort. (Pierre Dac)

pierre30
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Message non lu par pierre30 » 18 juil. 2011, 14:03:00

La crise montre bien que la situation actuelle ne fonctionne que lorsque tout va à peu près bien. Si c'est la camisole dorée, alors on peut déjà la rejeter.

Il reste à choisir entre un niveau plus élevé de fédéralisme et le retour à la situation qui existait avant l'euro.

Mais entre temps on a créé l'euro et il est compliqué de l'abandonner : on n'est pas du tout sûrs de retrouver la situation précédente. De plus le nombre de membres a considérablement augmenté (bientôt 28).

C'est maintenant qu'on a besoin de grands dirigeants capables de poser l'équation et de proposer une solution qui sera acceptée par tous les membres.

Où sont-ils ?

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