Le Canada pleure son indigné (et retrouve le goût du politique)
Par Gilles Hérail
Jack Layton à la Chambre des communes, à Ottawa, en juin (Chris Wattie/Reuters)
Passées inaperçues en France, les élections récentes au Canada étaient pourtant passionnantes. Un parti très à gauche de l'échiquier politique local, le New Democratic Party, a devancé de très loin les libéraux de centre gauche, qui ont dominé cet espace depuis cinquante ans.
En transposant la situation dans le cas français – en terme de positionnement et non de contenu des programmes –, c'est un peu comme si le Front de gauche avait battu le PS à la régulière.
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Atteint d'un cancer depuis plusieurs mois, Jack Layton est décédé le 22 août, provoquant une vague d'émotion et de soutien. Il a laissé une lettre au Canadiens, écrite deux jours avant sa mort, en forme de message
optimiste sur la force du politique. Son texte est aussi un manifeste pour une société équitable et une force politique de gauche dans un pays très marqué par l'idéologie libérale anglo-saxonne.
Le symbole d'un Canada plus politique et moins résigné
Les Canadiens s'émeuvent et encensent un politicien considéré il y a peu comme un gauchiste (au sens canadien du terme…). La victoire surprise du NDP a été en partie celle de ce cet homme, qui a réussi à le présenter comme une réelle alternative, notamment au Québec.
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Dans un pays où la culture du politique est loin d'être aussi ancrée qu'en France, sa mort a touché les habitants. Le Premier ministre conservateur a décidé d'organiser des funérailles d'Etat et des milliers de Canadiens se sont pressés, à Ottawa et à Toronto, pour lui rendre un dernier hommage.
Jack Layton est parvenu à réunir les Canadiens autour d'un combat et d'un courage personnel, mais aussi et surtout d'un engagement en faveur de la communauté, du public et du civisme.
Layton voulait que sa mort serve à remobiliser le pays
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Jack Layton a voulu transformer son décès en occasion de remobiliser un peuple canadien en proie aux doutes face à la crise mondiale et aux politiques d'austérité.
Dans la lettre qu'il a adressée aux Canadiens et qui s'est diffusée de manière virale sur tous les réseaux sociaux, il évoque les combats passés du NDP, et s'adresse notamment aux jeunes, les exhorant à s'atteler aux problèmes écologiques et à façonner un Canada plus juste.
Il réaffirme sa conviction que le politique porte des vrais choix, que les votes comptent, que s'engager pour le changement peut réellement changer les choses. Il finit sa lettre par ces mots, qui ont été repris instantanément par tous les médias :
« Mes amis, l'amour est meilleur que la haine. L'espoir est meilleur que la peur. L'optimisme est meilleur que le désespoir. Alors aimons, gardons espoir et restons optimistes. Et nous changerons le monde. »
« Un manifeste pour la social-démocratie »
Ce passage peut sembler un peu trop messianiques pour le public français. Lors des funérailles, le chef du NDP de l'Ontario, Stephen Lewis, a balayé tout malentendu :
« Inévitablement, les Canadiens ont retenu les dernières lignes, à propos de l'espoir, de l'optimisme et de l'amour. Mais la lettre était, en son cœur, un manifeste pour la social-démocratie. »
Les Canadiens se sont donc trouvés leur indigné, leur militant, celui qui a démontré que la conviction politique avait encore un sens et pouvait se traduire dans des actes. Que le débat obligé entre centre gauche et centre droit n'était pas le seul possible. Que l'optimisme était le cœur de la politique ainsi que les valeurs et les idéaux.
En bref, dans un pays traditionnellement apolitique, le décès de Jack Layton a redonné la volonté de rompre avec la sinistrose et la rigueur ambiante et de réenchanter la politique. On espère que ce mouvement sera profond et durable !
Photo : Jack Layton à la Chambre des communes, à Ottawa, en juin (Chris Wattie/Reuters)
http://www.rue89.com/2011/08/28/le-cana ... que-219604
Et si Mélenchon se trouvait au second tour ?