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Au cri de "la Russie sans Poutine", "Poutine voleur" ou encore "Révolution", entre deux mille et dix mille personnes ont manifesté à Moscou au lendemain d'élections législatives entachées d'accusations de fraude. Mardi 6 décembre, ils étaient plusieurs centaines à participer à une manifestation interdite, rapidement empêchée par la police. Dans la foulée, deux cent cinquante militants de l'opposition ont été interpellés, selon la police. Cette mobilisation apparaît comme la plus importante depuis les manifestations massives du début des années 1990. Pourtant, nombreux sont les observateurs à voir dans ce mouvement plus une "fissure" d'un système que la naissance d'un véritable bouleversement.
POUR LA PREMIÈRE FOIS, LA CONTESTATION S'ORGANISE SUR LE WEB
Cette "fissure", évoquée par Thomas Gomart, directeur du centre Russie à l'Institut français des relations internationales (IFRI), est d'abord le fait du revers électoral accusé par Russie unie, le parti de Vladimir Poutine, l'actuel premier ministre. Il s'agit du plus mauvais résultat électoral de l'homme fort de la Russie depuis son arrivée au pouvoir, en 1999. Et pour cause : malgré le recours à des violations fréquentes de la procédure, dénoncé par l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, le parti perd la majorité constitutionnelle des deux tiers à la Douma en obtenant 49,5 % des suffrages, contre 64 % il y a quatre ans. Les fraudes massives sont également recensées sur la carte interactive et participative, lancée à l'initiative du quotidien libéral Gazeta.
Ce qui apparaît inédit dans cette contestation est le rôle des réseaux sociaux, souligne Corinne Deloy, rédactrice de l'Observatoire des élections en Europe de la Fondation Robert-Schuman. Thomas Gomart observe lui aussi des manifestants "hyperconnectés", qui appartiennent également aux "classes moyennes, urbaines et éduquées". En Russie, l'Internet est en effet de plus en plus utilisé pour "la diffusion d'idées politiques" relève un rapport de l'IFRI.
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MANQUE D'UNITÉ
Si Internet semble jouer pour la première fois un important rôle de mobilisateur, la contestation n'a rien "d'inédit", suggère Philippe Migault, de l'Institut des relations internationales et stratégiques. "Il y a régulièrement des manifestations en Russie, et ceux qui contestent le plus volontiers sont loin d'être les plus démocrates, ce sont les nationaux-bolcheviks." Cette fois, le nombre de manifestants dépasse la poignée de contestataires, mais leur importance doit être relativisée considère le chercheur, "au regard d'une population qui compte cent quarante millions d'habitants". Même prudence dans l'analyse de la contestation pour Thomas Gomart, de l'IFRI, qui relève une contestation "éclatée" entre représentants de petits partis, groupuscules, activistes du Web, communistes et particuliers.
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FACE À LA RUE, LA STRATÉGIE DE POUTINE
Les manifestations restent circonscrites, mais le revers électoral a poussé Vladimir Poutine à réagir de façon stratégique, souligne Thomas Gomart. D'abord avec l'arrestation de leaders de l'opposition et de manifestants ; avec l'organisation de contre-manifestations de nashi, ces jeunes Russes rangés derrière le pouvoir ; et des promesses de changement après sa réelection à l'élection présidentielle du 4 mars. En outre, souligne Thomas Gomart, Poutine ne manquera pas de se servir du président Medvedev comme d'un "fusible".
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Pour Marie Mendras, politologue au CNRS, la question du temps est d'abord celle de la répression, avec une opposition très "remontée" d'un côté et le choix de la coercition de l'autre. "C'est un bras de fer", considère la chercheuse. Mardi, des forces supplémentaires ont été déployées dans la capitale pour y assurer la sécurité, ont admis les autorités russes.
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