Le candidat Romney est-il trop riche ?
Même aux Etats-Unis, paradis de l'argent décomplexé s'il en est, on voit mal comment Mitt Romney pourrait sortir indemne de la publication de sa déclaration d'impôt. Disons-le sans détour : le candidat républicain est riche comme Crésus. "Sa maison de vacances, c'est le Temple d'or", a ironisé le comédien Jay Leno, s'attirant les foudres de la communauté sikh. En une journée, le businessman gagne l'équivalent du salaire moyen de ses compatriotes en un an. Ce qui ne l'empêche pas d'être soumis à un taux d'imposition ridiculement bas (13,9 %), inférieur à celui d'un cadre moyen.
Pourquoi si peu d'impôts pour tant de revenus ? A part ses honoraires d'orateur, la bagatelle de 528 000 dollars, Mitt Romney a engrangé la majorité de ses revenus (21,7 millions en 2010, 21 millions en 2011) en plus-values et dividendes. Lesquels sont taxés à 15 %, soit nettement moins que les hauts salaires (35 %). Comme l'ont expliqué les chaînes de télé, avec une objectivité admirable, les contribuables américains sont "moins imposés en faisant de l'argent avec l'argent qu'en en faisant avec des heures de travail".
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Quelles que soient les méthodes de calcul, le paradoxe est le même : à une époque de ressentiment anti-Wall Street, l'espoir de l'establishment républicain pour l'élection présidentielle de novembre repose sur un candidat emblématique des inégalités du système fiscal. Un homme d'affaires qui compte parmi les 0,006 % du haut de l'échelle. Qui vit loin de toute ostentation mais qui a gagné plus, en 2010, que les rappeurs Eminem et Kanye West. Et qui a payé moins d'impôts, proportionnellement, que Barack Obama (26,3 % de taxes sur 1,7 million de revenus, provenant essentiellement de ses livres) et que son rival Newt Gingrich (31,7 % sur un revenu de 3,1 millions).
Tout est parfaitement légal, a insisté Mitt Romney. "Les Américains ne veulent pas d'un candidat à la présidence qui paie plus d'impôts qu'il n'en doit." Les fins limiers de la presse n'ont rien trouvé à redire pour l'instant, même si politiquement les 3 millions sur le compte en Suisse risquent d'être diversement appréciés.
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S'il était élu, Mitt Romney serait le président le plus riche depuis George Washington, qui avait hérité de propriétés et d'esclaves par sa femme. John Kerry, le rival de George Bush en 2004, avait lui aussi fait l'objet de quelques sarcasmes du fait que sa femme était l'héritière des ketchup Heinz (parmi les dix membres les plus riches du Congrès, sept sont démocrates, font remarquer les républicains). Mais même le journal en ligne Politico pose la question : Mitt Romney est-il trop riche pour pouvoir être élu ?
L'intéressé se défend en citant ses contributions caritatives : 7 millions, soit autant que ses impôts. Le couple Romney a versé 4,1 millions à l'Eglise mormone (qui traditionnellement réclame 10 % de leurs revenus aux fidèles). Le reste est allé à la recherche sur le cancer et à d'autres oeuvres, dont la Bibliothèque présidentielle de George W. Bush à Dallas (100 000 dollars).
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Selon un sondage du Washington Post, Mitt Romney pourrait avoir quelques difficultés à convaincre les cols bleus de l'importance du maintien des privilèges fiscaux pour les grandes fortunes. En une semaine, sa cote a baissé de 20 points, de 49 % à 29 %, parmi les Blancs ayant des revenus annuels inférieurs à 50 000 dollars. D'ici à novembre, les démocrates ne vont pas se priver d'exploiter le filon.
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