Qu'en pensez vous ?Planerait-il sur l'Argentine un parfum de "déjà-vu" ? Voilà que les cacerolazos, les tapeurs de casseroles, ont refait leur apparition.
Fin 2001, c'est ainsi que l'on avait surnommé ces manifestants qui tapaient nuit et jour sur leur batterie de cuisine pour protester contre le gouvernement - accusé d'avoir saccagé le pays - et le Fonds monétaire international (FMI), leur bailleur de fonds rebaptisé alors l'"International Misery Fund" ("Fonds de la misère internationale").
Aujourd'hui, les Argentins sont de nouveau en colère. Pour la première fois depuis neuf ans, la puissante centrale syndicale, la CGT, principale alliée du gouvernement par le passé, a appelé à une grève nationale des camionneurs mercredi 27 juin.
En cause : une inflation à deux chiffres, une croissance qui ralentit et un chômage qui progresse. Les Argentins ont perdu confiance dans le peso, dont la valeur ne cesse de se déprécier, et préfèrent économiser en dollars.
Pour tenter d'endiguer cette fuite des capitaux (20 milliards de dollars en 2011, soit 15,9 milliards d'euros), la présidente Cristina Fernández de Kirchner a rétabli, début avril, un strict contrôle des changes. En vain : les Argentins achètent maintenant leurs billets verts dans les cuevas ("grottes", maisons de change clandestines) en dépit de frais parfois exorbitants.
De quoi démythifier le "miracle argentin", que certains économistes ont vanté au point d'en faire un exemple à suivre pour la Grèce.
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Ne serait-ce que parce que le miracle argentin a coûté cher au pays. Très cher. Avant que l'économie ne reparte, le produit intérieur brut (PIB) s'est effondré de 20 % l'année qui a suivi le défaut, quand l'inflation dépassait 23 %.
Pendant des mois, le pays a été coupé du monde. Et la dévaluation massive a ruiné épargnants et entreprises. Plus de la moitié de la population, 58 %, a basculé sous le seuil de pauvreté, rappellent Gustavo Canonero et Gilles Moëc, économistes à la Deutsche Bank dans une note du 15 juin titrée "Argentina's Phoenix Might not Fly in Greece" ("Le phoenix argentin ne se déploiera sans doute pas en Grèce"). Une détresse sociale décrite aussi dans le documentaire de Fernando Ezequiel Solanas, Mémoire d'un saccage, rappelant les 39 morts qui ont eu lieu lors des violentes manifestations de cette époque.
Aujourd'hui encore, le pays n'a pas fini de faire les frais de cette faillite désordonnée. Classée "D", la plus mauvaise note, par l'assureur-crédit Euler-Hermes, l'Argentine est considérée comme un pays "à risque". Et près de dix ans après avoir renié la majeure partie de sa dette (plus de 75 %), le pays n'a toujours pas accès au marché des capitaux pour se financer.
Son voisin brésilien, lui aussi secoué par une grave crise à la fin des années 1990, est aujourd'hui en mesure d'emprunter sur dix ans en versant moins de 3,2 % d'intérêt.
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Aujourd'hui, les prix des produits agricoles s'essoufflent sous l'effet du ralentissement de la croissance mondiale, et le modèle argentin vacille. Pour M. Canonero, les investissements n'ont pas été réalisés en quantité suffisante durant les années fastes pour permettre aux industries locales de satisfaire la consommation intérieure (65 % du PIB). Résultat, le pays doit importer, alors qu'il n'a pas d'argent pour financer ces achats.
Maladroitement, le gouvernement tente d'éviter de creuser le déséquilibre en imposant des mesures protectionnistes qui n'ont pour effet que de ralentir un peu plus la croissance (estimée autour de 4 % cette année, contre plus de 8 % en 2011).
Le miracle argentin des années 2002-2008 n'est donc pas si miraculeux et s'explique surtout par une combinaison de facteurs qui n'ont que peu de chance de se reproduire en Grèce.
(...) L'intégralité de cet article sur Le Monde.fr
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