Qu'en pensez vous ?Au troisième rang mondial derrière les Etats-Unis et le Japon, la France est une championne de la consommation de produits phytosanitaires en tous genres, herbicides en tête. Avec les Pays-Bas et la Belgique, elle forme le trio des pays européens les plus gourmands en pesticides rapporté à l'hectare cultivé.
L'importance des terres arables n'explique pas tout. Il existe en France une forme de reconnaissance envers ces substances qui ont soutenu la modernisation radicale de l'agriculture à partir des années 1950. Appauvrissement des sols, phénomènes de résistances des "ravageurs" et surtout dégradation inquiétante de la qualité de l'eau : le revers de la médaille se révèle aujourd'hui. Quant aux répercussions sur la santé, les adeptes de l'agriculture intensive – qui achètent 93 % des produits phytosanitaires du marché national – sont les premiers à en pâtir.
Lancé en 2008 à l'issue du Grenelle de l'environnement, le plan gouvernemental Ecophyto s'est fixé pour ambition de réduire de moitié l'usage des pesticides d'ici à 2018. Mais les ventes ont continué de grimper de 2,6 % entre 2008 et 2011... Seules les substances les plus dangereuses ont fortement diminué... parce que l'Union européenne (UE) a imposé le retrait du marché de 53 d'entre elles. Le bilan est si décourageant et l'objectif jugé si inatteignable que le ministre de l'agriculture, Stéphane Le Foll, a un temps hésité avant de le reprendre à son compte.
"PEU D'OUTILS OBLIGATOIRES OU COERCITIFS"
Qu'est ce qui coince ? La réponse est en partie inscrite dans le rapport de la mission parlementaire d'information sur les pesticides conduite par la sénatrice Nicole Bonnefoy (PS) : "L'analyse fine du contenu réel du plan Ecophyto 2018 montre que sa réussite dépend largement de la bonne volonté des agriculteurs, des fabricants et des industriels. Peu d'outils obligatoires ou coercitifs ont été mis en place." Pour ne prendre qu'un exemple, la mobilisation des pouvoirs publics n'a même pas mis fin aux épandages aériens de pesticides, officiellement interdits par la loi, mais qui continuent de bénéficier de multiples dérogations.
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Le terme de "coopérative" désigne en effet des groupements de dimension internationale aux intérêts diversifiés. Le chiffre d'affaires de In Vivo par exemple, spécialisée dans les céréales, dépasse 6 milliards d'euros, Sodiaal (lait) 4 milliards et, Triskalia, la polyvalente bretonne, 2 milliards.
Aucun règlement n'interdit "qu'une même personne morale prescrive ou au moins recommande des traitements phytosanitaires et vende les produits permettant de les réaliser", soulignent les parlementaires dans leur rapport. "Dans l'écrasante majorité des départements, s'inquiètent-ils, les coopératives agricoles jouent les deux rôles dont la synergie apparaît malsaine."
"PROBLÈME LANCINANT DES CONFLITS D'INTÉRÊTS"
Ils dénoncent en outre le "problème lancinant des conflits d'intérêts" au sein des groupes d'experts qui conseillent les pouvoirs publics sur la toxicité des produits. Quant aux chambres d'agriculture, qui comptent nombre de dirigeants de grandes coopératives à leur tête, elles continuent de jouer un rôle central en impulsant ou non des changements de pratiques chez leurs adhérents. Le plan Ecophyto repose sur elles pour la constitution d'un réseau d'exploitations de référence, les fermes Dephy, qui souhaitent jouer le jeu de produire autant en réduisant les intrants.
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LE BIO N'OCCUPE QUE 3,5 % DE LA SURFACE AGRICOLE
Tout confondu, les crédits engagés pour Ecophyto s'élèvent à environ 140 millions d'euros par an, en bonne partie financés par la redevance sur les pollutions diffuses collectées par les agences de l'eau.
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En 2011, le nombre d'exploitations engagées dans le système biologique a progressé de 12,3 %, ce qui ne les fait cependant occuper que 3,5 % de la surface agricole. Or le Grenelle de l'environnement a fixé l'objectif de 6 % en 2012 et de 20 % en 2020. En Europe, 17,2 % des terres autrichiennes sont déjà converties au bio, 8,6 % des italiennes et 5,9 % des allemandes.
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