L'illusion.

[Libre penseur]

L'illusion.
   
Définition :

L'illusion est une représentation imaginaire qui résulte de facteurs à la fois :

-objectifs : la couche d'apparences qui masque et travestit la réalité, donne facilement prise à nos illusions.

-subjectifs : nos désirs (surtout inconscients) prenant appui sur ces facteurs objectifs, déforment notre perception de la réalité. Sous cet angle, l'illusion consiste toujours à "prendre ses désirs pour des réalités".

D'où :

-le charme des illusions : elles nous aveuglent et nous séduisent à la fois, en nous assurant la possibilité ou la promesse de satisfaire nos désirs;

-la tenacité des illusions : nous y tenons comme à la prunelle de nos yeux dans la mesure même où elles sont liées à nos désirs les plus précieux et les moins conscients. C'est pourquoi la simple manifestation de la vérité est généralement insuffisante pour dissiper nos illusions, alors qu'elles a raison de nos erreurs.


Types d'illusion :

Les illusions collectives :

Partagées par l'ensemble des membres d'une société, elles constituent ce que Marx et Engels ont nommé l'idéologie de cette société.
Le prototype en est la religion, mais elles se rencontrent aussi dans les domaines :
-économique : le fétichisme de l'argent.
-juridique : les illusions de la justice.
-politique : le mythe de l'homme providentiel.

Leur fonction générale est de conforter l'ordre social en le légitimant.

Les illusions personnelles :

Elles sont propre à chacun de nous et mettent en jeu nos désirs personnels, le plus souvent inconscients.
La psychanalyse souligne le caractère inévitable et le rôle positif que jouent certaines illusions dans la formation de la personnalité. Mais elle insiste aussi sur le danger d'autres illusions pouvant mener à de graves désadaptations à l'égard de la réalité.

Des exemples?
Qu'en pensez vous?

[anonyme]

Tout est illusion parce que tout ce que tu vois n'est en fait que la vision d'un spectateur ! Le spectacle du Monde qui s'offre à toi, est un "fait" extérieur et tu ne fais pas forcément partie de ce que tu vois !!


Je m'explique : tu es handicapé, tu es noir, tu es de petite taille... enfin bref tu es "différent" ( comme on dit aussi élégamment ) mais ce que tu vois autour de toi ( dans la télé, dans les administrations, dans les universités, dans les magazines ) ce sont des gens qui sont sur leurs jambes, qui sont blancs et qui sont de taille ordinaire... Alors toi, tu crois que t'es comme eux puisque tu ne vois que ça...


Mais pour eux tu n'es qu'un gogol, un nègre, un nabot... t'es pas comme eux. Puis tu te regardes dans la glace...


L'illusion, c'est ça !!


L'illusion d'une société égalitaire, une société ouverte où tout est permis, c'est l'illusion fatale !!

[Libre penseur]

En fait, tu te bases sur la perception de l'environnement extérieure.


Je te rejoints sur le fait que la normalité est immorale. 


L'illusion collective de la société égalitaire est effectivement une illusion bien ancrée dans notre société française, le libéralisme l'est certainement moins car reposant davantage sur la nature humaine.

[anonyme]

Ce n'est pas une illusion basée sur le concept philosophique si chère à Platon ( le fameux mythe de la caverne ), mais c'est une illusion qui entretient ce climat si lourd à notre société.

[Libre penseur]

Ah d'accord, par rapport à ton exemple je ne l'avais pas compris dans ce sens.

Effectivement, tu as raison, ce que l'on voit ne reflète pas forcément la vérité rationnelle. Le mythe de la caverne est un bon exemple, si ce n'est l'exemple par excellence.
C'est l'illusion objective, l'apparence qui travestit la réalité.

[racaille]

Libre Penseur je vois que tu n'as pas perdu l'habitude de lancer des sujets passionnants !

J'espère que ce n'est pas hors-sujet mais j'ai récemment lu des trucs sur la notion philosophique de leurre. Le leurre est à la fois une illusion et un piège. L'appeau du chasseur est un leurre destiné à piéger un oiseau, il trompe l'oiseau en lui donnant l'illusion qu'un de ses semblables l'appelle.
Dans un chapitre de Mille Plateaux dédié au langage (postulat de la linguistique), Deleuze et Guattari affirment que le langage est un leurre, ce qu'ils appellent en l'occurrence un appareil de capture : un dispositif - physique aussi bien qu'intellectuel - dédié à piéger, capturer une cible donnée. Le langage - et, par extension, la communication - est, selon eux, un appareil de capture. Extrait :

La maîtresse d'école ne s'informe pas quand elle interroge un élève, pas plus qu'elle n'informe quand elle enseigne une règle de grammaire ou de calcul. Elle "ensigne", elle donne des ordres, elle commande. [...] La machine de l'enseignement obligatoire ne communique pas des informations, mais impose à l'enfant des coordonnées sémiotiques avec toutes les bases duelles de la grammaire (masculin-féminin, singulier-pluriel, substantif-verbe, sujet d'énoncé-sujet d'énonciation, etc.). L'unité élémentaire du langage, - l'énoncé -, c'est le mot d'ordre. [...] Le langage n'est même pas fait pour être cru, mais pour obéir et faire obéir. [...] Spengler note que les formes fondamentales de la parole ne sont pas l'énoncé d'un jugement ni l'expression d'un sentiment, mais "le commandement, le témoignage d'obéissance, l'assertion, la question, l'affirmation, ou la négation." [...] Les mots ne sont pas des outils ; mais on donne aux enfants du langage, des plumes et des cahiers, comme on donne des pelles et des pioches aux ouvriers. Une règle de grammaire est un marqueur de pouvoir, avant d'être un marqueur syntaxique. [...] Le langage n'est pas la vie, il donne des ordres à la vie ; la vie ne parle pas, elle écoute et attend. Dans tout mot d'ordre, même d'un père à son fils, il y a une petite sentence de mort - un Verdict, disait Kafka.

Le langage et la communication authentique seraient donc aussi bien des pièges que des illusions. Des "fantômes", comme disait Max Stirner à propos des vieilles idoles dont nous devons nous affranchir afin de nous émanciper.

[Libre penseur]

 

 Libre Penseur je vois que tu n'as pas perdu l'habitude de lancer des sujets passionnants ! 

Merci. Tes réponses le sont aussi, passionnantes.  smile;


Effectivement, ça corole en partie avec le sujet,  le langage, ou plus globalement la communication servent à transmettre de l'information, reste à savoir la véracité de l'information.

C'est l'information que l'on reçoit qui sert à construire "une base de donnée" à notre cerveau, ensuite l'instruction (le traitement de l'information par la raison : l'explication, la méthode) sert à structurer, à classifier, l'information.


Finalement, la communication sert essentiellement à décrire ou à expliquer :

-ce que l'on perçoit avec nos sens, c.a.d ce que l'on ressent, ce que l'on touche, ce que l'on entend, ce que l'on sent...  on transforme ces sens en information pour l'exprimer à autrui, on est en plein dans le domaine du sensible, du sensoriel, c'est à dire de la perception par les sens. L'illusion est probable. 


-Et ce que l'on perçoit par l'esprit, via le raisonnement, soit par l'apprentissage interpersonnel, ou mieux par sa propre compréhension personnelle. Il s'agit là encore de traitement de l'information. L'illusion est encore probable.


Plus globalement on peut donc parler de perception cognitive.

De ce fait, je ne crois pas que tout soit illusion... Je dirais plutôt : Tout est perception.

De la perception, on doit en conclure le vrai du faux. 

Personnellement, je crois que la science au sens large nous permet d'y voir plus claire, je crois même que la philosophie analytique est le summum pour atteindre la vérité, bien que je reconnais aussi un certain charme à l'idéalisme mais qui est à forci iori plus illusoire... 

Comme  Freud l'a dit :

"Non, la science n'est pas une illusion. Mais ce serait une illusion de croire que nous puissions trouver ailleurs ce qu'elle ne peut pas nous donner."

[mps]

Il me semble que l'illusion et une caractéristique essentielle de l'homme, et qu'il en a plus besoin que de pain.

On en voit la manifestation dans toutes les religions, qui proposent une survie après la mort, par exemple.

[racaille]

Si j'ai parlé du langage c'était juste pour illustrer mon propos concernant l'idée de leurre.

MPS a raison, il y a bien une réelle demande d'illusion de la part de personnes ne sachant pas vivre sans. La religion, effectivement, mais aussi les grands idéaux politiques, les grandes causes humanitaires, mais au fond ce sont aussi des religions en quelque sorte.

Néanmoins, comme je voulais le montrer avec mon histoire de piège et d'appareil de capture, toutes les illusions ne sont pas revendiquées et appelées de nos voeux. C'est là où intervient le leurre, une illusion savamment entretenue afin de piéger une cible donnée. Si le langage semble effectivement constituer un leurre, il n'est hélas pas le seul.

Le leurre de la démocratie occidentale est un autre bon exemple : faire passer notre système hautement autoritaire et hiérarchisé pour l'expression la plus pure de la démocratie populaire. Le piège se referme sur nous lorsque l'on nous dit que nos ancêtres sont morts pour conquérir le droit de vote et que le fait de ne pas voter - de ne pas cautionner le système politique - constitue une traîtrise envers ces défunts.
Non seulement l'illusion démocratique est flagrante (remember le référendum sur le TCE et la manière dont notre élite politique s'est assise sur le résultat), mais elle est un leurre fabriqué par notre élite politique et dont la fonction est d'acheter la paix sociale (l'"Ordre") à peu de frais tout en maintenant un niveau de production élevé. Je pense que nous pouvons multiplier les exemples à l'infini.

PS : D'accord avec toi Libre Penseur lorsque tu dis que tout est perception et de la manière dont nous l'exploitons.

[Libre penseur]

Oui, la religion, les idéaux politique... etc sont des illusions collectives.

L'illusion démocratique est effectivement aussi une illusion collective, d'ailleurs on a déja évoqué sur un autre topic la nuance entre démocratie représentative et réelle (participative). Mais la démocratie réelle n'est t'elle pas aussi un fantasme collectif...?


Il y a aussi l'illusion personnelle, combien de personne vivent dans un simulacre de rêve impossible, désirent des choses que la vie ne leur apportera pas, et dont ils n'ont pas nécessairement besoin. Par exemple, les narcissiques sont souvent prédisposés à l'illusion personnelle.

[racaille]

Je pense que les illusions personnelles dont tu parles sont une sorte de réflexe mécanique destiné à lutter contre l'angoisse de mort, du néant. Le père d'un de mes meilleurs amis et un mythomane intégral, au point que nous nous demandons à quel point il vit ses mensonges comme autant de réalités indiscutables. Il est l'exemple type de l'angoissé qui vit dans l'affabulation systématique de manière à trouver un équilibre psychologique somme toutes assez incertain.

Je réfléchis tout haut... Il est aussi possible que les illusions personnelles résultent du fait que nous ne savons pas tout. Le manque d'information nous pousse souvent à croire plutôt qu'à savoir (la fameuse "intime conviction" que l'on invoque au tribunal), et dans des cas extrêmes ces croyances finissent par devenir réalité.

[mps]

Le leurre de la démocratie occidentale est un autre bon exemple : faire passer notre système hautement autoritaire et hiérarchisé pour l'expression la plus pure de la démocratie populaire.

A moins que ce leurre ne consiste à faire croire que beaucoup de gens mal informés décident mieux que peu de gens bien informés ? icon_biggrin icon_biggrin icon_biggrin  

En démocratie, ce qui marche le mieux, c'est ce qui échappe à la manie démocratique ! Un chirurgien n'a pas besoin de l'avis du comité de quartier pour trépanner ; un artiste n'a pas besoin de l'approbation générale pour déterminer la couleur de fond de son oeuvre ; un ingénieur n'a pas besoin d'un vote pour calculer la résistance des matériaux. ... Donc, personne n'en cause, et ça va très bien !

Mais certains domaines entre dans la zone de turbulence du bavardage populaire, et cela n'aboutit qu'au chaos ...

[racaille]

Dans une démocratie authentique, les gens sont libres et souverains lorsqu'ils s'agit de se tromper. L'histoire montre qu'il est impossible de faire le bonheur des gens malgré eux.

[Libre penseur]

Je pense que les illusions personnelles dont tu parles sont une sorte de réflexe mécanique destiné à lutter contre l'angoisse de mort, du néant. Le père d'un de mes meilleurs amis et un mythomane intégral, au point que nous nous demandons à quel point il vit ses mensonges comme autant de réalités indiscutables. Il est l'exemple type de l'angoissé qui vit dans l'affabulation systématique de manière à trouver un équilibre psychologique somme toutes assez incertain.

Je réfléchis tout haut... Il est aussi possible que les illusions personnelles résultent du fait que nous ne savons pas tout. Le manque d'information nous pousse souvent à croire plutôt qu'à savoir (la fameuse "intime conviction" que l'on invoque au tribunal), et dans des cas extrêmes ces croyances finissent par devenir réalité.

En effet, ce sont des réflexes inconscients, mais je crois qu'outre ton exemple du mythomane, l'illusion personnelle résulte souvent d'un complexe de supériorité, qui peut se traduire par un orgueil démesuré, du mépris, de l'agressivité, un esprit dominateur (les politiques ne sont pas exempt de tout reproche ;.)). Cela dit énormément de gens ont aussi des illusions personnelles en vivant dans l'expectative et dans l'angoisse.

Ta deuxième réflexion est intéressante, je crois hélas que c'est la dure réalité, en écoutant attentivement son entourage on s'en aperçoit très rapidement. 
Le plus bel exemple étant la personne normative, qui vit sur des principes autoritaires, leur façon de penser étant "téléguidé"  par croyance et précepte.

[racaille]

 

J'appelle mensonge ne point vouloir voir certaines choses que l'on voit, ne point vouloir voir quelque chose comme on le voit : il importe peu, si oui ou non, le mensonge a eu lieu devant des témoins. Le mensonge le plus fréquent est celui qu'on se fait à soi-même ; mentir aux autres n'est, relativement, qu'une exception. Mais ne point vouloir voir ce qu'on voit, ne point vouloir voir comme on voit, ceci est condition première pour tous ceux qui sont « parti » dans n'importe quel sens. - F. Nietzsche