Enfant, Mercedes Erra, débarquant d’Espagne, voulait s’appeler Martine pour être comme les autres… La présidente du Conseil d'administration musée de l’Histoire de l’immigration raconte la dureté du déracinement, la force que donne la volonté de s’intégrer. Et rend hommage à tous les immigrés.
Vous vivez-vous comme une immigrée ?
Oui. Je suis arrivée d’Espagne à l’âge de 6 ans. Pour moi, il y a un avant et un après. Avant, j’ai le souvenir d’une petite fille habillée comme une poupée. Après, je me rappelle un pays froid, une petite fille qui n’osait pas parler à cause de son accent, luttait et s’efforçait d’apprendre les codes de la France. Se battre, cela forge une personnalité.
Cela peut détruire aussi, pour vous cela a été une force…
C’est souvent une force. Mes parents portaient un regard sur les pratiques, les coutumes françaises : ils les commentaient, et cette façon décadrée de regarder la France à partir de leur culture catalane était très enrichissante. Cela apporte une troisième dimension.
D’après les sondages, les Français se raidissent face à l’immigration. Le comprenez-vous ?
Il est important de rappeler un chiffre : si l’on remonte à deux générations, un quart de la population est d’origine étrangère. L’immigration est une composante historique de la France. A l’heure de la révolution industrielle, alors que la France était rurale et les Français réticents à quitter leur terre, on est allé chercher des travailleurs ailleurs. La France a aussi été terre d’accueil pour les réfugiés de l’Europe et d’ailleurs. Elle a ainsi mérité son nom de pays des libertés. L’immigration est inscrite dans l’histoire du développement et des valeurs de la France. Si l’on s’en prend aux immigrés, on s’en prend à la France.
(...)
L’intégration n’est jamais évidente…
Non, bien sûr. Il ne faut pas croire que la xénophobie est une invention récente : les Italiens ont été victimes de ratonnades, les Polonais étaient suspectés d’intégrisme religieux catholique. Et en cas de "vague d’immigration", le risque d’ostracisme est toujours présent. Au musée de l’Histoire de l’immigration, il y a une affiche avec cette phrase : "L’immigration, ça fait toujours des histoires." Parce qu’on a peur des autres, des différences… Mais l’histoire nous montre aussi qu’au bout du compte l’assimilation a longtemps fonctionné.
(...)
Et comment contrer les discours de peur et de haine ?
Sans relâche, il faut réaffirmer nos valeurs. Ne rien céder. Notamment sur la laïcité. Et puis il ne faut pas hésiter à revenir aux faits. Que représentent les flux d’immigration ? En moyenne 200.000 personnes par an. C’est finalement peu, car cela inclut les étudiants étrangers (un tiers des flux) et le regroupement familial (la moitié des flux). Ces flux sont d’ailleurs remarquablement stables sur le long terme. Et rendons aux immigrés ce qu’ils ont apporté à la France. N’oublions pas qu’un pays dynamique est un pays qui attire.
L'intégralité de cet article à lire sur Challenges.fr
Qu'en pensez vous ?