C'est compliqué.
A la base, j'ai une vision assez restrictive de la Constitution. J'estime que la Constitution doit se borner à définir les règles de fonctionnement des pouvoirs publics (compétences et mode d'élection du président, compétence et mode d'élection du parlement, compétences et mode de désignation du gouvernement, etc.). Et j'admets l'idée qu'une cour constitutionnelle puisse censurer une loi votée au mépris des mécanismes décrits par la Constitution.
En revanche, je n'admets pas que le CC censure des lois pour des raisons de fond, juste parce qu'il estime que le contenu de ces lois est contraire à certains grands principes qu'il interprète de façon très libre (soit parce que ces principes sont eux-mêmes mentionnés dans la Constitution, soit parce que le CC les sort lui-même de son chapeau).
De ce point de vue, l'interdiction des cavaliers législatifs, en tant que telle, ne me choque pas outre-mesure. Mais l'application de cette interdiction par le CC est choquante. Parce qu'il faut être de mauvaise foi pour considérer que les amendements litigieux (sur le regroupement familial) n'ont aucun lien avec l'objet initial du projet de loi (sur l'immigration).
Pour le coup, le CC a fait une mauvaise application d'un principe qui a selon moi sa place dans la Constitution. Cette mauvaise application n'est pas sans conséquence, car elle a pour conséquence de réduire, de fait, le pouvoir d'amendement des parlementaires (c'est qui fâcheux, à une époque où l'on parle de revaloriser les prérogatives du parlement face au gouvernement).
Une validation préalable serait utile, oui, d'autant plus qu'en pratique, la qualité rédactionnelle des textes de loi est assez mauvaise. Mais cette exigence de validation préalable se heurte à un obstacle : le droit d'amendement des parlementaires. En effet, en pratique, on ne peut pas retirer aux parlementaire la possibilité de proposer des amendements, et de voter sur ces amendements. C'est un principe de base de la démocratie parlementaire.Papibilou a écrit : ↑28 janv. 2024, 11:09:05Le conseil constitutionnel doit juger en droit. Parmi les membres du CC combien sont des constitutionnalistes de formation ? Aucun. Certains sont diplômés de droit privé, d'autres de l'ENA, voire de normale sup. Mais la plupart ont accumulé des années de politiciens et non de prof de droit constitutionnel.
On pourrait commencer:
1 par prévoir que figurent parmi ses membres une majorité de constitutionnalistes,
2 qu'avant de voter une loi, son texte en soit validé juridiquement. Demander l'avis du CC après coup expose à tant de déconvenues.