En désaccord avec l'arrêt rendu le 5 juin dans l'affaire Lambert, cinq des 17 juges de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) se sont dissociés de la décision et ont critiqué, dans les annexes mêmes de l'arrêt, la Cour et son institution avec une sévérité hors normes.
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Extraits de l'article du Figaro
Un fait sans précédent. Sur les 17 juges de la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) qui, à la majorité de douze, ont estimé vendredi que l'arrêt de l'alimentation de Vincent Lambert était conforme à la Convention des droits de l'Homme, cinq d'entre eux se sont désolidarisés de cette décision, avec un argumentaire d'une rare sévérité à l'encontre de ce jugement mais aussi de la Cour elle-même, qu'ils désavouent désormais jusqu'à la légitimité de porter son nom.
«Après mûre réflexion, nous pensons que, à présent que tout a été dit et écrit dans cet arrêt, à présent que les distinctions juridiques les plus subtiles ont été établies et que les cheveux les plus fins ont été coupés en quatre,
ce qui est proposé revient ni plus ni moins à dire qu'une personne lourdement handicapée, qui est dans l'incapacité de communiquer ses souhaits quant à son état actuel, peut, sur la base de plusieurs affirmations contestables, être privée de deux composants essentiels au maintien de la vie, à savoir la nourriture et l'eau, et que, de plus, la Convention est inopérante face à cette réalité, attaquent-ils d'emblée. Nous estimons non seulement que cette conclusion est effrayante mais de plus - et nous regrettons d'avoir à le dire - qu'elle équivaut à un pas en arrière dans le degré de protection que la Convention et la Cour ont jusqu'ici offerte aux personnes vulnérables.»
Plus fermement encore, ces cinq juges, représentant Malte, la République de Moldavie, la Géorgie, la Slovaquie et l'Azerbaïdjan, remettent en cause, à travers ce jugement historique, les valeurs suprêmes qui, jusque-là, présidaient aux fondements et principes de la Cour. «En 2010, pour célébrer son cinquantième anniversaire, la Cour a accepté le titre de Conscience de l'Europe (…), rappellent les juges Hajiyev, Sikuta, Tsotsoria, De Gaetano et Gritco. Pareille conscience doit non seulement être bien informée mais doit également se fonder sur de hautes valeurs morales ou éthiques. Ces valeurs devraient toujours être le phare qui nous guide, quelle que soit “l'ivraie juridique” pouvant être produite au cours du processus d'analyse d'une affaire. Il ne suffit pas de reconnaître, comme la Cour le fait au paragraphe 181 de l'arrêt, qu'une affaire “touche à des questions médicales, juridiques et éthiques de la plus grande complexité” ; il est de l'essence même d'une conscience, fondée sur la recta ratio, de permettre que les questions éthiques façonnent et guident le raisonnement juridique jusqu'à sa conclusion finale. C'est précisément cela, avoir une conscience. Nous regrettons que la Cour, avec cet arrêt, ait perdu le droit de porter le titre ci-dessus.»
Très concrets, les juges «dissidents» relèvent plusieurs incompréhensions et désaccords. Ils rappellent que si Vincent Lambert est «en état végétatif chronique» et «en état de conscience minimale», «en aucun cas on ne peut dire qu'[il] se trouve dans une situation de fin de vie». Il «n'est pas en état de mort cérébrale», «il peut respirer seul», «peut digérer la nourriture», «rien ne prouve de manière concluante ou autre qu'il ressent de la douleur». En outre, son alimentation et son hydratation par voie entérale pouvant «être administrées par la famille ou les proches», à domicile, elles «sont entièrement proportionnées à la situation dans laquelle il se trouve», indépendamment de savoir «si elles relèvent de traitement ou soins ou simplement alimentation». Ils ajoutent: «Les questions relatives à l'alimentation et à l'hydratation sont souvent qualifiées par le terme “artificiel”, ce qui entraîne une confusion inutile, comme cela a été le cas en l'espèce.»