Qu'en pensez vous ?
A partir du 1er décembre, 26 médicaments ne seront plus remboursés par la Sécurité sociale. Adieu Proctolog (hémorroïdes), Structum (arthrose) et Myolastan (contractures). Non pas qu'ils soient dangereux. Ils ont tout bonnement été jugés "insuffisants" au regard de leur coût pour la collectivité par la Haute Autorité de santé (HAS). En langage courant: ils ne servent à rien. Et ce n'est pas fini. Une deuxième vague de 38 autres produits est attendue pour la fin de l'année. Le grand nettoyage du répertoire français des molécules inutiles a commencé.
Trop, c'est trop
L'affaire Mediator est passée par là Et a désinhibé les politiques, du plus frileux au plus hardi. Xavier Bertrand, ministre de la Santé, répète en boucle : "Il y a trop de médicaments en France et je ne m'opposerai pas aux déremboursements proposés par la HAS." Arnaud Montebourg, au PS, dénonce franchement: "Il y a 5.000 médicaments en France et 500 en Europe du Nord. Cela en fait 4.500 de trop!" L'Agence française du médicament, l'Afssaps, comptabilise 14.500 présentations commercialisées en France en 2010 (un même produit peut se présenter sous forme de spray, comprimé, gélule, sirop...)! L'Organisation mondiale de la santé, elle, n'en juge essentiels que 350. Il y a de la marge.
Mais l'opération s'avère plus compliquée que prévu. Lobbying oblige. Le Structum, de Pierre Fabre - 55 millions d'euros de ventes en officines doit être délisté au 1er décembre? Le laboratoire de Castres s'apprête à porter l'affaire devant le Conseil d'Etat. Motif: les produits concurrents, comme le Chondrosulf, au principe actif pourtant identique, restent remboursés. Pierre Fabre crie à l'injustice. Catherine Lemorton, députée PS spécialiste de la question et pharmacienne de profession, s'indigne: "Mais où sont les arguments de santé publique dans cette plainte?" Et rappelle une précédente décision de la haute juridiction, qui avait annulé en 2010 le retrait du marché du Ketum, un gel contre les tendinites du laboratoire Menarini. La raison? Deuxième chiffre d'affaires de la société, l'arrêt du Ketum compromettait son retour aux bénéfices!
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Recherche en panne
Mais ce n'est pas tout. Un médicament peut être à la fois efficace et inutile. C'est ce qu'on appelle les me-too, ces copies de remèdes existants. Dans ce cas, la HAS accorde une bonne note d'efficacité, mais inflige une ASMR (amélioration du service médical rendu) nulle. Un nom barbare pour qualifier un nouveau produit... qui n'apporte rien de nouveau. Sur les 315 innovations présentées au remboursement en 2010, 281 présentaient une ASMR nulle: 90%! Comme en 2008, 2009 et 2011. La prolifération de ces me-too témoigne de la panne de la recherche pharmaceutique.
Rien de neuf contre le sida, en revanche, quand hypertension ou cholestérol ont 1.000 remèdes! "C'est ce qu'on appelle l'encombrement thérapeutique", explique-t-on au ministère. Jean-Luc Harousseau, président de la HAS, le justifie: "Nous ne pouvons pas favoriser les situations de monopoles.
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Mais évacuer un médicament inutile du registre des produits remboursés ne suffit pas. Car il reste disponible en pharmacie, 43% plus cher en moyenne, à la seule charge et sous la seule vigilance du patient. C'est bien ce qui révolte le professeur Jean-Paul Giroud: "C'est un comble que la HAS ne s'intéresse qu'aux médicaments remboursés par la Sécu!" Cet ancien expert à l'OMS et à l'Afssaps a sorti un guide en mai pour aider le patient à faire le tri: "Médicaments sans ordonnance, les bons et les mauvais." Son analyse est sans appel: la moitié des 4.000 médicaments examinés n'ont rien prouvé ; 100% des veinotoniques et des remèdes contre le mal de gorge, 98% des produits contre les vertiges et 80% des antitoux sont inefficaces. Et quand il voit ces best-sellers de l'hiver que sont les Actifed, Fervex ou Rhinofebral, il rugit: "Un rhume de cerveau se traite au sérum physiologique!"
Lobbying à Bruxelles
Signe positif: après le toilettage des produits remboursés par la HAS, l'Afssaps va faire le ménage des autorisations de mise sur le marché (AMM). Dans la foulée de l'affaire du Mediator, l'agence disposera d'un budget 2012 rallongé de 40 millions d'euros. Pour une mission extraordinaire: revoir toutes les AMM antérieures à 2005, soit 7.600 sur un total de 10.350! Et, grande nouveauté, elle intégrera des critères d'efficacité. Verra-t-on enfin nettoyés des rayons des officines tous ces remèdes de grand-mère, huile de Ricin, baume du Pérou et autre Synthol? Sans doute. Mais pour les médicaments plus récents, l'agence se heurte à un mur: l'Europe.
Aujourd'hui, un médicament mis sur le marché en France l'est généralement aussi dans d'autres pays européens ; il est alors soumis automatiquement à la règle européenne. Si bien que l'Afssaps peut toujours radier un produit du marché français, l'Europe risque de lui imposer de le réinscrire!
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