Mohammed Chirani est l'auteur de Réconciliation française - Notre défi du vivre ensemble, à paraître aux éditions François Bourin en janvier 2014.
Délégué du Préfet en Seine-Saint-Denis depuis 2009, j'ai pour mission de "réaffirmer la présence de l'Etat et de la République" dans les quartiers difficiles. Malgré la noblesse de la tâche, je prends la lourde décision de démissionner. J'ai une position confortable mais j'ai atteint mes limites. Je ne peux plus me résoudre à constater l'impuissance face à une réalité sur laquelle les acteurs publics perdent dramatiquement prise. J'ai l'intime conviction de pouvoir mieux servir la République autrement. Ce n'est plus l'Etat que je veux incarner sur ce territoire, ce sont ses habitants. Et cela se passe à Sevran, ville symbole de l'insupportable résignation qui gagne la France.
Caricaturés à longueur de JT et de manchettes faciles, Sevran et le 93 sont les témoins flagrants des mutations qui secouent notre pays mais sont surtout victimes de son incapacité à les comprendre, à les accompagner et à en tirer parti. Sur ces territoires, un immense gâchis humain se produit. Car malgré le fort investissement de l'État dans la politique de la ville, les ressources que ces territoires recèlent sont un angle mort des cadres de pensée et d'action de pouvoir publics perçus comme aussi condescendants que largués.
Moi, Mohammed Chirani, du haut de mes 36 ans, qu'ai-je vu, qu'ai-je vécu, qu'ai-je compris pour ainsi faire part de mon témoignage ?
Après deux années au Quai d'Orsay à rédiger de vaines notes sur la lutte contre la pauvreté et où l'altérité se résume à la couleur des cravates, j'ai posé ma candidature au poste de délégué du préfet dans le cadre du plan Banlieue. Lors de mon entretien d'embauche, assoiffé d'action concrète et utile, j'ai demandé à être envoyé là où personne ne voulait aller. C'est donc à Sevran, que je débarque.
Dans cette deuxième ville la plus jeune de France (45% de moins de 30 ans), je suis tout d'abord frappé par le profond sentiment de blocage, de fatalité qui traverse toutes les populations.
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La méthode est simple : refaire confiance aux gens, travailler avec eux et non pour eux, sortir de l'assistanat, ne plus "donner du poisson mais apprendre à pêcher". Donner les clefs et la responsabilité aux individus, générer des contre-pouvoirs et utiliser l'énergie du conflit plutôt que de vouloir l'étouffer. Et cela marche. Nous avons réussi à coaliser des locataires pour obtenir le remboursement de centaines de milliers d'euros de charges abusives auprès des bailleurs sociaux, forcer ces derniers à rénover les ascenseurs, à former des parents à la négociation avec les institutions éducatives ou encore à structurer les commerçants pour obtenir une présence policière quotidienne face à une délinquance qui plombait leur business.
Ce ne sont que quelques exemples. Mais j'ai la certitude que nous pouvons aller loin si nous changeons notre façon de penser et d'agir, en nous attelant à libérer les énergies. Car ces quartiers ne sont pas que des nœuds de problèmes, ils sont aussi des réservoirs de ressources considérables, souvent bien plus ouvertes sur le monde que les beaux quartiers parisiens compte tenu de la multitude d'origines et de langues que l'on y trouve. Et dans un contexte de crispation identitaire d'un côté et de montée des revendications communautaires de l'autre, il y a d'autres issues pour réconcilier la société française avec elle-même.
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