Les principes énoncés dans ce catalogue sont très jolis, mais il s'agit de voeux pieux.
Quelques exemples :
- "1. Redonner de l'oxygène à nos Etats". Nous sommes d'accord pour dénoncer ce scandale qui consiste à ce que la BCE prête à taux préférentiel à des organismes privés qui eux-mêmes reprêtent aux Etats à des taux usuraires. L'idéal serait que la BCE puisse prêter directement aux Etats, sauf que les statuts de la BCE l'interdisent et que les Allemands ne voudront pas modifier cela. L'idée que la BCE prête à des organismes de droit public, qui eux-mêmes prêteraient aux Etats également à taux préférentiel, est intéressante. Je n'y avais pas pensé. Les auteurs de ce texte disent que cette pratique ne nécessite pas de modifier les traités européens. Voire... Et à supposer que les traités européens permettent une telle pratique, il faudra quand même convaincre les Allemands de laisser la BCE agir de la sorte.
- "2. Créer un impôt européen sur les bénéfices des entreprises." Les auteurs du texte sont conscients des effets néfastes de la concurrence fiscale entre les pays européens. Cet impôt européen pourrait répondre au problème, mais il y a deux difficultés. Tout d'abord, les différences de coûts de production entre pays européens s'expliquent davantage par les différences de salaires et de charges salariales que par les différences d'impôt sur les sociétés. L'impôt européen réglerait donc une petite partie du problème, à supposer encore qu'il puisse être adopté, parce que là encore, j'ai de gros doutes sur la possibilité d'arriver à un accord européen sur la question.
- 3. "Mettre fin au sabordage fiscal national". Là encore, les auteurs constatent que les politiques de baisses d'impôts et de charge pratiquées depuis des années ont gravement obéré nos finances publiques. Fort bien, mais ça renvoie au problème du dumping fiscal et social entre Etats, dumping qui me semble consubstantiel au libre-échange.
-4. "Boycotter les paradis fiscaux". C'est bien, mais un tel boycott ne sera possible que s'il est décidé à l'échelle mondiale. Si la France le décide seule, elle s'exposera à une fuite de capitaux. Et là encore, je doute fort qu'une telle décision puisse être prise à l'échelle mondiale.
- 5. "Limiter au maximum les licenciements". En gros, ils proposent de remplacer les licenciements économiques par des réductions du temps de travail. Pourquoi pas, mais de tels procédés ne peuvent être que provisoires, afin de permettre aux entreprises de digérer financièrement les conséquences de la crise économique. Encore faut-il que l'économie reparte assez vite, parce que si la crise se prolonge, l'entreprise en question sera amenée à licencier de toute façon. Ne pas oublier non plus que, pour beaucoup d'entreprises, la crise est un prétexte aux délocalisations.
- 6. "Sécuriser les précaires". Je n'ai pas bien compris. Souhaitent-ils augmenter les allocations chômage, ou prolonger leur durée d'attribution ? Quoiqu'il en soit, ça coûtera cher, je crains que l'état de nos finances publiques ne le permette pas.
- 7. "Séparer les banques de dépôt et les banques d'affaires". OK.
- 8. "Créer une vraie taxe sur les transactions financières." Taxe qui ne peut être instaurée au niveau international, sous peine de voir la France s'exposer à une fuite de capitaux. Autrement dit, c'est une utopie.
- 9. "Imposer le respect des normes sociales et environnementales dans le commerce mondial en convoquant un nouveau Sommet de Philadelphie." Il paraît en effet que la charte de l'OMC permet d'imposer des mesures de rétorsion douanière à des pays qui ne respectent pas certaines normes environnementales. Ce que souligne également Arnaud Montebourg quand il explique son concept de démondialisation. Sauf que la France n'est plus maîtresse de sa politique douanière, gérée au niveau européen aujourd'hui. N'est-il pas utopique de croire que les pays européens arriveront à se mettre d'accord sur des mesures de rétorsion douanière contre la Chine ? Les Allemands, notamment, qui ont de gros intérêts commerciaux avec la Chine, ne voudront jamais.
- "14. Faire éclore la démocratie en Europe". En substance, ils défendent l'Europe fédérale. Selon moi, l'Europe fédérale n'est ni possible ni souhaitable, pour les raisons déjà indiquées dans le
fil consacré à cette question.
- "15. Négocier un vrai traité de l'Europe sociale". Les signataires sont conscients de la concurrence déloyale exercée par les pays de l'Est. C'est déjà ça. Et ils répondent à ce problème par le mythe de l'Europe sociale. Mais enfin, qu'est-ce qu'ils croient ? Que les pays de l'Est vont accepter de doubler ou tripler leur coût du travail, juste pour nous faire plaisir ? Ce n'est pas sérieux ! Un tel traité ne verra jamais le jour, notamment parce que les pays de l'Est voudront continuer à pratiquer la concurrence déloyale qui leur fait gagner des emplois, et que le RU voudra continuer à défendre les intérêts de la place financière de Londres.