Ces 316 propositions :Hollande face à la crise : «Le mois de tous les dangers» pour Attali
Jacques Attali, ancien conseiller spécial de François Mitterrand.
L’économiste et essayiste Jacques Attali avait repéré et introduit François Hollande à l’Elysée en 1981.
François Hollande se retrouve-t-il devant une situation exceptionnellement difficile?
JACQUES ATTALI. Non. Tout président s’est trouvé à un moment dans une situation aussi grave.
Les bons et les mauvais élèves du gouvernement
Le monde est devenu tragique, toute crise en Afrique ou au Moyen-Orient a un impact sur nous beaucoup plus sensible que jadis. Ce n’est pas plus tragique que ce qu’a affronté Sarkozy avec la crise, ou Mitterrand avec le bombardement israélien sur la centrale nucléaire irakienne en 1981. La situation est très lourde.
Qu’est-ce qui a changé?
La nouveauté, c’est que, pour la première fois, un président se retrouve sans marge de manœuvre budgétaire au début de son mandat.
Cela limite ses moyens de lutter contre le chômage?
Cela ne le prive pas de tout moyen. Le rapport de la commission que j’avais produit proposait 316 mesures sans impact budgétaire. La principale réforme pour l’emploi, c’est l’innovation, la réorganisation de l’éducation, la concentration de la formation permanente sur la reconversion des travailleurs vers d’autres métiers, le transfert des charges sociales vers un autre impôt, CSG ou autre…
Face aux plans sociaux, ne doit-il pas agir plus vite?
Si la crise n’était pas grave, on pourrait y remédier de façon simple et immédiate. Ce n’est pas le cas. En dix ans de baisses d’impôts, on a perdu vingt points de PIB en recettes fiscales : il faut les retrouver. Cela ne peut pas se faire en cinq minutes.
Faut-il de la flexibilité au travail?
Elle existe déjà. Ce qu’il faut, c’est assurer la sécurité de ceux qui perdent leur emploi. Les gens accepteraient beaucoup mieux une mobilité du travail si elle était accompagnée d’une formation améliorant leurs compétences et leurs revenus.
Comment jugez-vous la réponse du gouvernement?
On entend davantage le gouvernement parler de la défense nécessaire des emplois, à coups de subventions et en ne faisant que retarder la fin, que de création d’emplois nouveaux. L’innovation, les start-up, les entreprises dans les quartiers : je crois plus à la création d’emplois qu’à la défense de ceux existants. Le monde est plein de secteurs technologiquement dépassés.
Quelles doivent être les priorités?
Septembre va être le mois de tous les dangers. On attend le 6 une décision importante de la Banque centrale européenne : va-t-elle donner de l’oxygène à l’économie? Le 12, il y aura la décision allemande, fondamentale, sur la validité du traité européen. En même temps, il y aura la fin des décisions gouvernementales sur le budget 2013. D’une part sur les dépenses, qui devront être réduites et réorientées vers l’innovation. D’autre part, sur les réformes de structures à amorcer, comme celle des départements qui doivent être en partie supprimés : tout le monde le murmure, il faut le faire. Et en matière fiscale, il faut être plus juste, mais sans pénaliser les innovateurs.
Hollande pèse-t-il autant que Sarkozy sur la scène européenne?
Nicolas Sarkozy a bien géré le moment de crise en 2008, mais il a ensuite laissé le leadership à l’Allemagne. Il n’y a pas d’avenir de l’euro sans un basculement progressif vers un partage de souveraineté démocratique entre les pays européens pour éviter que les marchés ne fassent exploser l’euro. Le mandat de François Hollande se terminera par une avancée vers l’Europe fédérale ou par une disparition de l’euro.
Comment évaluez-vous son action?
Elle est très satisfaisante. A l’intérieur comme en Europe, la France a gagné beaucoup de terrain depuis trois mois.
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/ ... 1/0000.pdf