Qu'en pensez vous ? Est-ce réalisable de créer un impôt européen ?A quoi servirait un impôt européen ? Disposer de plus de ressources propres permettrait à l'Union Européenne de faire face au refus de ses Etats membres d'augmenter son prochain budget (2014-20). En effet, les 140 milliards d'euros de budget communautaire annuel sont actuellement financés à 75% par les contributions des Etats membres, calculées en proportion de la richesse de chacun et prélevées sur les recettes fiscales. Or les Etats, contraints à la rigueur, répugnent de plus en plus à mettre la main au portefeuille. Sans impôt européen, le budget de l'Union risque donc sérieusement de fondre, "alors même que ses dépenses sont amenées à croître avec l'entrée des pays de l'Est et les nouvelles compétences prévues par le Traité de Lisbonne, notamment en matière d'énergie", souligne Dominique Aguilar, spécialiste en droit européen. Mais un impôt européen ne servirait pas qu'à répondre aux besoins financiers de l'Union. La justification est bien sûr aussi politique. Cela fait longtemps que le Parlement européen critique l'opacité du régime actuel : combien de Français savent qu'ils contribuent à hauteur de 281 € par an chacun au budget de l'Union ? L'impôt européen permettrait donc de donner un peu de transparence au système. Surtout, le budget résulte aujourd'hui de négociations entre 27 ministres du Budget qui ont "comme consigne de leur gouvernement respectif de parvenir à lâcher le moins d'argent possible, et d'en récupérer le plus. Ce sont des négociations de marchands de tapis, où chacun pense à son intérêt national", affirme Alain Lamassoure, le Président de la Commission des budgets au Parlement européen dans une interview à Libération. L'idée est-elle nouvelle ? Non. En 1951, la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) avait créé une taxe communautaire sur le chiffre d'affaires des industries sidérurgiques et minières. Et le traité de Rome établit aussi des ressources propres à l'Union avec les droits de douane aux frontières de l'Europe. Mais à mesure de la libéralisation des échanges commerciaux, ces recettes ont diminué et ne financent désormais qu'une part dérisoire des dépenses qui, elles, ne cessent de croître. Comment cela fonctionnerait-il ? Plusieurs pistes sont possibles, à commencer par celle de la fiscalité verte : à partir de 2013, la vente aux enchères des droits d'émission de CO2 devrait rapporter plus de 30 milliards d'euros par an. "Pourquoi cette recette tirée d'une politique entièrement européenne n'alimenterait-elle pas le budget européen ?" explique Alain Lamassoure dans une interview à l'Expansion.com. Une taxe sur les émissions de gaz carbonique ou sur le transport aérien sont également envisageables. Autre option : taxer les profits des banques, voire des entreprises en général. Mais cette dernière solution, sans doute la plus populaire chez les citoyens, "n'est pas possible tant que les bases de l'impôt en sont pas harmonisées" explique Dominique Aguilar. C'est pourquoi augmenter la part de la TVA qui est transférée à l'UE serait une solution plus facile. Cette taxe étant relativement bien harmonisée au niveau européen, "il suffirait de dire, par exemple, que le taux de base français passe de 19,6% à 17,6%, en donnant à l'Union le droit de lever jusqu'à 2 points de TVA", illustre Alain Lamassoure dans le rapport Schuman sur l'Europe Les citoyens payeraient-ils plus d'impôts ? En théorie non, puisque l'impôt européen se substituerait aux contributions nationales. Si l'on baisse les TVA nationales et crée à proportion une TVA européenne, l'effet sur le citoyen est effectivement neutre. Mais ce ne serait pas forcément aussi simple. Aujourd'hui les Etats contribuent au budget européen en fonction de leur PIB, ce qui assure une distribution équitable de l'effort entre les différents pays. Or avec un impôt européen, "le critère d'équité entre les pays passerait au second plan derrière celui de l'équité entre les personnes", reconnaît toutefois la chercheuse Eulalia Rubio dans une note pour le laboratoire d'idées "Notre Europe". Le projet va-t-il aboutir ? Pas cette année. Il faut dire que la question est très sensible. Cela "constituerait un transfert très important de souveraineté" a déclaré cet été Pierre Lellouche, le secrétaire d'Etat français aux Affaires européennes. Et s'il y a un attribut de la souveraineté que les Etats membres sont très réticents à céder à l'Europe c'est bien celui de lever les impôts. Ainsi, Berlin, Paris et Londres, trois des quatre plus gros contributeurs, sont vent debout contre la proposition. Seule la Belgique s'y est dite favorable. Or l'adoption d'un impôt européen exigerait l'unanimité à vingt sept. Si l'initiative de Bruxelles n'a donc aucune chance d'aboutir cette année, elle a le mérite de remettre le sujet sur le tapis. La Commission ne perd pas tout espoir et miserait sur la finalisation d'un accord durant la présidence danoise en 2012. L'expansion
A plus tard,