Pourquoi l'extrême gauche est-elle moins diabolisée ?

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onu
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Re: Pourquoi l'extrême gauche est-elle moins diabolisée ?

Message non lu par onu » 08 mai 2012, 19:30:20

Lol, et j'ai répondu à ces posts.

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racaille
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Re: Pourquoi l'extrême gauche est-elle moins diabolisée ?

Message non lu par racaille » 08 mai 2012, 19:34:42

Jusqu'ici tu n'as pas répondu à la question principale : en quoi le communisme - une "société sans classes dont les moyens de productions sont collectivisés" - est d'essence totalitaire ? Tu as dit que c'était une idée idiote mais cela n'en fait pas pour autant une idée totalitaire.
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onu
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Re: Pourquoi l'extrême gauche est-elle moins diabolisée ?

Message non lu par onu » 08 mai 2012, 20:47:53

racaille a écrit :Jusqu'ici tu n'as pas répondu à la question principale : en quoi le communisme - une "société sans classes dont les moyens de productions sont collectivisés" - est d'essence totalitaire ? Tu as dit que c'était une idée idiote mais cela n'en fait pas pour autant une idée totalitaire.
La question est tres intéressante, et je ne prétends pas en posséder la réponse. Je pense qu'une étude approfondie de l'idéologie s'impose.
J'ai précisé dès le départ que je n'avais pas d'avis tranché sur la question, mais que j'émettais des hypothèses. Je les répète donc : 1) l'idéologie cherche à gommer le mérite personnel , pour mettre chacun a égal niveau. Or, comment diriger une société sans qu'une poignée de personnes n'aient d'avantage de privilèges que les gouvernés ? Je crois que sociologiquement, c'est une négation de l'essence même du fonctionnement d'une communauté humaine, ce qui fait que l'idéologie ne peut s'assimiler à la société, quelle qu'elle soit (ce qui explique que les dirigeants communistes ont une liberté d'action, des richesses, et des privilèges bien plus grand que la population qu'ils asservissent).
2) Je suis convaincu que prôner une dictature d'une classe sur une autre contient en soi l'essence même du totalitarisme. Comment ne pas anticiper par la suite que la classe révolutionnaire, après avoir pris le pouvoir, cherchera à le conserver ? C'est un réflexe typiquement humain. L'amour du pouvoir d'une part, le désir d'inverser la tendance sur les classes plus aisées d'autre part. Cela explique que des Lénine/Staline/Khmers rouges, entre autres, aient usés du prétexte de la protection du prolétariat pour mieux faire une révolution, s'emparer des rouages étatiques et s'empresser de réduire leur peuple au travail forcé, au stakhanovisme.
Pour adopter un point de vue plus philosophique, je pense qu'il est dans la nature humaine de se répartir entre moutons et berger. Chaque homme a besoin d'être guidé, et l'aspiration même a vouloir être dirigé par une poignée de personne est incompatible avec la logique d'égalité de fait entre tout individu, prônée par le communisme. Un dirigeant ne sera jamais, eu égard aux ressources qu'il possede et a ses prérogatives, au même niveau qu'un gouverné de base.
Du reste, ce ne sont que des hypothèses et je ne prétends en rien avoir raison. J'insiste seulement sur la conséquence totalitaire du communisme, puisque, plus qu'un postulat, c'est un fait avéré, dans des sociétés asiatiques, damérique latine ou russe, qu'il appartienne au passé ou qu'il persévère encore de nos jours.

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racaille
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Re: Pourquoi l'extrême gauche est-elle moins diabolisée ?

Message non lu par racaille » 10 mai 2012, 01:23:55

Pour te répondre le plus synthétiquement possible, le tout sans la moindre once d'acrimonie même si mon ton peut paraitre sec :

1a. Le communisme - ou l'anarchie, au fond c'est pareil - est une société sans classes, il ne saurait donc y avoir de gouvernants ni de gouvernés. Partant de ce postulat, il faut bien reconnaitre que la totalité de ton argumentation est un peu hors-sujet. Par contre, ce que tu écris est valable pour la variante autoritaire et léniniste du communisme marxiste.

1b. Pour en revenir au communisme selon sa définition : s'il y a bel et bien égalité alors il s'agit exclusivement d'une égalité de citoyenneté. Car l'adage communiste "de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins" ne nie absolument pas les potentialités individuelles. Il n'y a aucune volonté de nivellement de la puissance des êtres là-dedans.

2a. Evidemment je te rejoins sur cette histoire de dictature (du prolétariat dans le cas qui nous occupe ici), bien qu'une dictature ne soit pas nécessairement totalitaire. D'ailleurs le totalitarisme soviétique prend essentiellement sa source dans la paranoïa personnelle de Staline puis dans celle que le régime bureaucratique a distillé à travers la société entière.

2b. Tu développes le même argumentaire que Bakounine lorsqu'il mit en garde les marxistes de la première Internationale du travail du vivant de Marx. J'y adhère à 100%.
Et pourtant Bakounine, lui aussi, militait pour une société sans classes dont les moyens de production sont collectivisés. La prophétie de Bakounine 50 ans avant la révolution russe s'est réalisée exactement de la manière dont il l'avait décrite. Cela n'a jamais empêché les socialistes anti-autoritaires (au sens large, des anarchistes aux communistes conseillistes) de persister dans leur lutte.
Lorsque je disais dans un précédent commentaire que les gauchistes ont été parmi les premières victimes du goulag, ce n'est pas parce qu'ils pinaillaient sur deux ou trois mesures techniques mais bien parce qu'il s'opposaient farouchement au fondement même de l'interprétation autoritaire, marxiste et léniniste du communisme.

3. Je ne suis pas du tout d'accord avec ton point de vue philosophique. Les besoins humains sont peu nombreux et ils ont tous un rapport étroit avec la préservation de l'intégrité physiologique : manger, boire, faire ses besoins, dormir, copuler, etc. Nul besoin d'être guidé par qui que ce soit ; tout au plus cette envie d'être guidé pourrait s'assimiler à un désir, à une volonté, mais certainement pas à un besoin.
Le panurgisme est un phénomène culturel. D'ailleurs il se cultive activement par le paternalisme, par le patriotisme, par le nationalisme, par la providence. Notre propre société, capitaliste et libérale, n'est pas exempte de cette sale habitude d'infantilisation du petit peuple afin de le maintenir en état de léthargie ; le but recherché étant que les veaux votent comme il faut tout en ayant l'illusion de la liberté et de la démocratie.

4. Sur ta conclusion : je persiste à dire que ton analyse ne se fonde pas sur la définition du communisme mais uniquement sur sa modalité autoritaire. Elle ne prend pas en compte toutes les expériences - durables ou non - de communisme anti-autoritaire qui sont autant de contre-exemples relativisant la règle absolue tenant le communisme pour essentiellement totalitaire.
Tu as pris le parti de ne pas intégrer la notion de société sans classes sous le prétexte, fort juste au demeurant, que le marxisme-léninisme soviétique (ainsi que ses variantes exotiques khmer, chinoise, etc.) avait dégénéré en régime totalitaire de part la volonté des dirigeants de rester à leur place. Cependant tu ne dis toujours pas en quoi l'idée d'une société sans classes dont les moyens de productions sont collectivisés est intrinsèquement totalitaire.

Peut-être faudrait-il renommer le communisme en autre chose afin de bien signifier la séparation nette entre sa définition et ce qu'en ont fait une poignée de paranoïaques sanguinaires tels que Staline ou Pol Pot ? Il est en tout cas très clair que les interprétations autoritaires des thèses de Marx ont fait des ravages invraisemblables et je ne compte pas ici en faire l'éloge. Nous semblons animés du même dégoût pour ce type de régime. C'est déjà un point commun :)
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racaille
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Re: Pourquoi l'extrême gauche est-elle moins diabolisée ?

Message non lu par racaille » 10 mai 2012, 01:31:31

PS : j'en profite au passage pour rappeler une différence de taille entre le communisme totalitaire et le nazisme : le communisme totalitaire se fonde avant tout sur la trahison d'un idéal d'harmonie sociale, qui, selon moi, est assez juste et noble ; alors que le nazisme se fonde sur la franchise abrupte de son créateur.
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Re: Pourquoi l'extrême gauche est-elle moins diabolisée ?

Message non lu par onu » 10 mai 2012, 20:42:53

Je ne remets pas en question le fait qu'il ait existé et qu'il existe encore aujourd'hui des communistes pacifistes, véritablement convaincu de la non violence de leur idéologie. Regarde le peuple allemand dans les années 30 : le nazisme, pour eux et à juste titre, ne signifiait en premier lieu que les promesses d'une fin de crise et le retour du pouvoir d'achat. Et je crois que l'économie de l'Allemagne, sur ce point, s'est mieux porté dès l'arrivée au pouvoir de Hitler (je te dis ça, ce n'est absolument pas un parti pris, je connais un individu juif qui tient ce discours tout en détestant, tu te l'imagines, les ravages du nazisme).
Ce que je veux dire, c'est qu'une idéologie, même la plus extrême, revêt , pour enrober ses aspects malsains, des aspirations nobles.
Autre exemple : regarde les codes de conduites établies par les organisations de type mafieux : honorer sa famille, ne jamais trahir ses membres, défendre l'opprimé, etc... Dommage que la réalité soit tout autre et que les membres de ces organisations commettent, au quotidien, des crimes abominables au nom des affaires de la famille.
Bref, je comprends ce que tu veux dire lorsque tu prétends quil faille dissocier le communisme dans sa déviance du communisme dans son idéologie.
Ce que j'essaie d'expliquer, c'est que l'idéologie communiste revêt, selon moi, des éléments qui tendaient dès le départ, si je puis dire, une perche aux risques engendrés par la pratique de la politique, entendu au sens d'exercice du pouvoir.
Cela ne veut pas dire que son objectif premier n'était pas noble, on a tous compris qu'il était question de protéger les opprimés de la société capitaliste. Pour autant, le concept même de dictature du prolétariat et de suppression du mérite personnel sont deux composantes de l'idéologie qui , selon moi, contiennent en elles mêmes les germes d'un totalitarisme, qui n'attend plus pour se former que les aspirations vaniteuses de bon nombres de pseudo révolutionnaires vereux, qui cherchent plus à user du prétexte de la dictature du peuple pour mieux conserver cette dernière.
Si , d'autre part, tu analyses la manière dont s'est déroulée la dictature de Pol Pot au Cambodge, je me rappelle avoir lu que les dirigeants khmers rouges avaient acceuilli, une fois, un ambassadeur d'un pays voisin , pour lui vanter les mérites du travail acharné des ouvriers asservis , dans les rizières. L'ambassadeur en question avait déclaré qu'il était impressioné par la rigueur et la qualité du travail ainsi que par sa rapidité, sans toutefois faire aucune déclaration sur le fait que les ouvriers contraint au travail forcé qui étaient devant lui était si mal nourris qu'ils n'avaient que la peau sur les os, au même titre que les individus des camps de concentration nazis.
Même aujourd'hui, au cours du procès des kmhers , un des anciens dirigeants accusé a déclaré qu'il a "au moins accompli ça", sous entendu un développement très important de l'agriculture dans son pays. On retrouve là la naiveté communiste : ce qui est fait l'est pour le bien commun. L'ambassadeur dont j'ai parlé a même déclaré qu'il était beau de voir des tas d'ouvriers, de cambodgiens, unis dans le travail. Les conséquences terribles du régime sont ignorées, le travail forcé, la malnutrition, l'esclavage, la privation de toute produit de la nature (même une pomme est propriété de l'Etat, et en manger une sans autorisation était passible de mort) , seul compte la superficialité : des hommes sont unis (ou plutot forcés d'être unis) à travailler comme des machines jusqu'à en mourir, sans en retour pouvoir jouir de la vie. Ce sont des machines productives, dont les ressources créées ne leur appartiennent même pas, elles sont propriété de l'Etat. Pour la Chine, c'est le même concept.
La beauté de l'idéologie voile la face, consciemment ou non, de certains dirigeants communistes qui, au prétexte de vouloir a tout prix créer la société parfaite, réalise en fait la pire dictature qui soit, en éradiquant les libertés et en réduisant les hommes à l'état d'animal.
En somme, je pense que l'idéologie renferme en elle-même les germes de la dangerosité, au moyen de la dictature du prolétariat et de la suppression du mérite. Certes tu me dis que le communisme, c'est une société sans classe. Mais là est l'utopie : la société sans classe n'existera jamais, car le simple fait pour une poignée d'individus de diriger les autres est constitutif d'une classe dominante, sur une classe dominée. Il est impossible d'outrepasser cette réalité humaine, ethnologique. Et ça me renvoie à ton analyse de ma conception philosophique : si tu t'intéresses à l'ethnologie, tu constateras que depuis l'apparition de l'Homme, il a été indispensable pour lui d'appartenir à un groupe. Il existe bien sûr des exceptions, mais qui ne durent pas longtemps en terme de pérennité. Le groupe humain a d'abord été la tribu, puis, ce qui est encore plus intéressant, il a eu vocation et a encore vocation aujourd'hui, à élargir son cercle d'individus : la tribu est devenue cité, la cité est devenue Etat, et l'Etat a vocation a devenir quelque chose de plus grand (organisation internationale comme l'ONU, et surtout l'Union européenne, qui se prend d'ores et déjà pour un Etat géant). Bref, il est évident que l'appartenance au groupe est caractéristique de l'existence humaine. Et au sein de ce groupe, il existe inéluctablement une hiérarchie , qui place, quel que soit le régime politique, des individus au dessus d'autres. Et prétendre le contraire, comme le veut le communisme, c'est perdre d'avance : les régimes communistes, quels qui soient, sont eux aussi constitués autour d'un pouvoir politique, qui fait apparaitre dominants et dominés. La société sans classe c'est beau, mais c'est utopique, eu égard à notre nature.

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racaille
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Re: Pourquoi l'extrême gauche est-elle moins diabolisée ?

Message non lu par racaille » 10 mai 2012, 21:23:19

Je commence par préciser que l'idée communiste, en elle-même, n'est pas extrême, elle est radicale. C'est très différent. Radicale car elle tend à remonter à la racine commune de tous les problèmes liés à l'inégalité sociale. L'extrémisme survient lorsque certains ont la volonté de mettre en pratique une idée en l'imposant de force à autrui. Ce qui a manifestement été aussi bien le cas dans les régimes communistes totalitaires que dans les sociétés capitalistes (voir par exemple comment s'est constitué le fédéralisme américain).

S'il y a eu historiquement un glissement entre l'idéal communiste et les régimes totalitaires qui s'en sont par la suite réclamé, ce n'est après tout que sur des questions de méthode qui ne sont pas essentielles au communisme (entre autres la dictature du prolétariat et l'avant-garde prolétarienne, toutes deux non nécessaires à l'avènement du communisme) et aussi, comme je le précisait ultérieurement, sur la personnalité paranoïaque de ceux qui se sont servi du communisme afin de s'installer définitivement au pouvoir.

Ce que tu dis à propos des "machines productives" n'est pas spécifique au communisme ; notre société elle-même est fondée sur ce principe, bien que nos dirigeants se soient finalement rendus compte après la chute de l'Ancien Régime que des travailleurs à l'aise dans leurs chaînes avaient tendance à être plus productifs que s'ils travaillaient dans les conditions délétères du goulag. D'une manière générale, toute conception du monde peut éventuellement dégénérer en dictature totalitaire. Totalitarisme des Soviets, totalitarisme fasciste, totalitarisme religieux, totalitarisme du Marché... Les méthodes changent mais la finalité reste : le profit d'une poignée au détriment du plus grand nombre.

Quant à savoir si une société sans classes est une utopie, tout ce que je peux dire c'est qu'il existe quelques contre-exemples tels que les bushmen ; une société libre tant que d'autres ethnies ne l'exterminent pas. Est-ce possible à l'échelle d'une nation telle que la France (par exemple) ? Certainement pas, tout du moins dans la configuration actuelle des choses. Une société sans classe suppose un sentiment individuel d'affinité qui est nié par notre société dans laquelle les gens ne peuvent pas s'associer selon leurs propres choix. C'était par exemple le cas du mouvement digger en Angleterre avant d'être massacré par Cromwell.
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Re: Pourquoi l'extrême gauche est-elle moins diabolisée ?

Message non lu par cmoi » 11 mai 2012, 14:28:14

racaille a écrit :PS : j'en profite au passage pour rappeler une différence de taille entre le communisme totalitaire et le nazisme : le communisme totalitaire se fonde avant tout sur la trahison d'un idéal d'harmonie sociale, qui, selon moi, est assez juste et noble ; alors que le nazisme se fonde sur la franchise abrupte de son créateur.


j'y vois pourtant un point commun, le fanatisme !

Albert Brie définit avec humour le fanatique comme « Héros qui, pour le triomphe de ses préjugés, est prêt à faire le sacrifice de votre vie ».

« Plus simplement ! Le fanatisme est un comportement extrême qui relève de la passion mais surtout dans lequel le détachement et la pondération n'ont plus de place. »
« Le premier des droits de l'homme c'est la liberté individuelle, la liberté de la propriété, la liberté de la pensée, la liberté du travail. »
de Jean Jaurès

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Re: Pourquoi l'extrême gauche est-elle moins diabolisée ?

Message non lu par onu » 11 mai 2012, 20:05:07

racaille a écrit :Je commence par préciser que l'idée communiste, en elle-même, n'est pas extrême, elle est radicale. C'est très différent. Radicale car elle tend à remonter à la racine commune de tous les problèmes liés à l'inégalité sociale. L'extrémisme survient lorsque certains ont la volonté de mettre en pratique une idée en l'imposant de force à autrui. Ce qui a manifestement été aussi bien le cas dans les régimes communistes totalitaires que dans les sociétés capitalistes (voir par exemple comment s'est constitué le fédéralisme américain).

S'il y a eu historiquement un glissement entre l'idéal communiste et les régimes totalitaires qui s'en sont par la suite réclamé, ce n'est après tout que sur des questions de méthode qui ne sont pas essentielles au communisme (entre autres la dictature du prolétariat et l'avant-garde prolétarienne, toutes deux non nécessaires à l'avènement du communisme) et aussi, comme je le précisait ultérieurement, sur la personnalité paranoïaque de ceux qui se sont servi du communisme afin de s'installer définitivement au pouvoir.

Ce que tu dis à propos des "machines productives" n'est pas spécifique au communisme ; notre société elle-même est fondée sur ce principe, bien que nos dirigeants se soient finalement rendus compte après la chute de l'Ancien Régime que des travailleurs à l'aise dans leurs chaînes avaient tendance à être plus productifs que s'ils travaillaient dans les conditions délétères du goulag. D'une manière générale, toute conception du monde peut éventuellement dégénérer en dictature totalitaire. Totalitarisme des Soviets, totalitarisme fasciste, totalitarisme religieux, totalitarisme du Marché... Les méthodes changent mais la finalité reste : le profit d'une poignée au détriment du plus grand nombre.

Quant à savoir si une société sans classes est une utopie, tout ce que je peux dire c'est qu'il existe quelques contre-exemples tels que les bushmen ; une société libre tant que d'autres ethnies ne l'exterminent pas. Est-ce possible à l'échelle d'une nation telle que la France (par exemple) ? Certainement pas, tout du moins dans la configuration actuelle des choses. Une société sans classe suppose un sentiment individuel d'affinité qui est nié par notre société dans laquelle les gens ne peuvent pas s'associer selon leurs propres choix. C'était par exemple le cas du mouvement digger en Angleterre avant d'être massacré par Cromwell.
Quelle qu'aient été les méthodes, parfois peu pacifistes j'en conviens, par lequelles le capitalisme s'est instauré aujourd'hui, il s'avère qu'il est, qu'on le veuille ou non, le système économique qui est le plus respectueux des libertés individuelles. A titre de preuve, toutes nos démocraties contemporaines sont capitalistes. Alors j'anticipe la réponse : que fais-tu des pauvres, de la politique du pétrole américaine qui cause des millions de morts dans le monde etc... Je répondrai qu'il s'agit de conséquences déplorables d'un système lorsqu'il est porté à l'extrême (quoi que pour les Etats-Unis, il faut nuancer la critique du capitalisme en ce sens qu'être la première puissance mondiale génère, quel que soit le système économique mis en place, des responsabilités et des intérêts à préserver, pas souvent moraux mais nécessaire à la survie de l'économie mondiale, qui nous dépassent) sans pour autant que cela justifie qu'on remette en cause le système dans son ensemble. Un système a ses failles, aucun système n'est parfait. Pour autant, c'est le capitalisme qui fait vivre la population aujourd'hui, et c'est grâce au capitalisme qu'il est aujourd'hui possible de débattre au moyen d'un ordinateur, en utilisant un internet non censuré (ce qui n'est pas le cas en Chine ou à Cuba, mais passons).
A contrario, les systèmes communistes portés au pouvoir ont quasiment toujours mené au désastre (Chine, Cuba, Cambodge, URSS, Vietnam, Corée du Nord). Je ne fais que comparer des faits historiques et contemporains dans les deux systèmes, et je constate.
Partant de là, le communisme est plus enclin à conduire au fanatisme et à l'extrêmisme que le système capitaliste, dont je n'ai jamais dit pour autant qu'il était parfait.
Lorsque je dis machine productive, je veux dire que l'Homme est contraint a travailler par obligation, et sans rien avoir en contrepartie. Il est alors esclave d'une société autoritaire. Dans le capitalisme, l'Homme contribue certes à la société, mais il n'en a que faire : il travail pour gagner sa vie et avoir une situation a la hauteur de la qualité de son labeur, une proportionnalité qu'offre le système capitaliste. L'homme y fait des choix et a la possiblité de suivre sa propre voie. Partant de là, il fait le choix de travailler. On ne l'oblige pas.

Quant aux ethnies que tu cites, j'admets que je ne les connais pas. J'ai donc fais des recherches (je parle des bushmen), mais je ne trouve rien qui ferait un lien entre ce peuple et une société sans classe. Es-tu sûr que ce peuple est construit autour de l'absence de classe prônée par Marx ? J'aimerais vraiment étudier cela de près, parce que pour avoir un minimum de connaissance de l'organisation politique des communautés pré étatiques (amérindiens, aborigènes, ...) j'ai constaté qu'il existe toujours au moins une personne dans la communauté incarnant une autorité, et qui se démarque des autres. Partant de la, la distinction de classe est inévitable.

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Re: Pourquoi l'extrême gauche est-elle moins diabolisée ?

Message non lu par racaille » 12 mai 2012, 17:47:14

En régime capitaliste les libertés individuelles ne sont respectées que pour ceux qui ont du gras, de l'oseille. D'ailleurs le défaut de démocratie est patent en Europe - pour ne pas parler des USA puisque tu sembles dire qu'il s'agit d'une nation poussant l'organisation capitaliste à son extrême. Chaque élection, chaque procédure de vote au suffrage universel est vécu comme un danger par les technocrates européens. Les exemples récents abondent entre la France, l'Irlande, les Pays-Bas, la Hongrie...

Les normes européennes (euphémisme pour parler d'oukases) émanant de la commission européenne - organe non-élu démocratiquement - ne sont même pas arbitrées par le parlement européen. Dernier exemple qui m'a un peu stupéfié : la future interdiction du port de talons hauts, de montres et de bagues dans les salons de beauté, salons de coiffure et autres salons de soins esthétiques.

Cet exemple parmi d'autres dénote bien la volonté de construire une société totalitaire par la multiplication de normes et de lois iniques régissant le moindre de nos comportements sociaux. Jusqu'au jour où la barrière entre la sphère publique et la sphère privée sera abolie de fait. Mais qu'on se rassure, c'est toujours pour notre bien : dans l'exemple que j'ai cité plus haut, il s'agit bien entendu d'une nouvelle norme concernant l'hygiène et la sécurité.

***

Pour revenir à la "machine productive" : Certes un esclave ne retire rien de son travail. Encore qu'on puisse toujours lui dire qu'il est agréable et gratifiant de bien faire son boulot. L'esclave des sociétés occidentales est d'une autre nature car, en plus de gagner de quoi reproduire sa force de travail au jour le jour (lorsqu'il n'est pas l'un de ces travailleurs pauvres obligés de vivre dans leur voiture), il bénéficie d'un système de crédit à la consommation lui permettant de s'endetter rapidement. L'endettement n'est autre que la méthode moderne du contrôle des masses, remplaçant ainsi cette bonne vieille discipline individuelle héritée du camp et de la caserne.

***

Et la censure... Nos sociétés occidentales ont trouvé un instrument bien plus efficace que la censure, procédé vulgaire et facilement contournable par les nouveaux moyens de télécommunication : la fabrication du consentement par le système politico-médiatique. Il n'y a pas besoin de censurer les gens lorsqu'ils pensent, vivent et consomment comme il faut. Dès les années 30, Tchakhotine parlait clairement du "viol des foules par la propagande politique". il notait qu'environ 10% d'une population donnée n'est pas réceptive à la propagande mais que cela n'est pas dérangeant car il s'agit d'une trop petite minorité - d'ailleurs souvent discréditée par différents moyens de pression, tels que la "théorie du complot", la démence, l'agressivité, etc.

***

Sur les bushmen, je n'ai pas de sources sous la main. Désolé. C'est ce que j'avais lu dans un bouquin d'ethnologie de Pierre Clastres, il faudrait que je retrouve le passage en question mais c'est un sacré boulot...

Une société sans classes n'interdit absolument pas l'autorité à partir du moment où celle-ci est directement consentie par les individus la composant et qu'elle est à rotation rapide. C'est pourquoi les anarchistes reconnaissent le mandatement impératif (temporaire et révocable) lorsque celui-ci est nécessaire. Ce qui permet l'émergence d'une classe sociale, c'est principalement l'installation permanente (ou institutionnelle ?) d'une autorité.
Ce qui distingue principalement l'ère nouvelle de l'ère ancienne, c'est que le fouet commence à se croire génial. K M

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Nombrilist
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Re: Pourquoi l'extrême gauche est-elle moins diabolisée ?

Message non lu par Nombrilist » 06 janv. 2013, 21:17:04

J'avais oublié toutes ces explications de Racaille sur le communisme et le capitalisme. De très belles synthèses. J'aime beaucoup le post ci-dessus qui remet notre modèle de démocratie en perspective.

manolo
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Re: Pourquoi l'extrême gauche est-elle moins diabolisée ?

Message non lu par manolo » 06 janv. 2013, 22:16:06

J'en profite pour re-citer cette phrase qui me semble extrêmement lucide :
racaille a écrit :PS : j'en profite au passage pour rappeler une différence de taille entre le communisme totalitaire et le nazisme : le communisme totalitaire se fonde avant tout sur la trahison d'un idéal d'harmonie sociale, qui, selon moi, est assez juste et noble ; alors que le nazisme se fonde sur la franchise abrupte de son créateur.
Du moment qu'elles font encore le ménage toussa, où est le problème ?
Pas taper :) !

Nico37
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Re: Pourquoi l'extrême gauche est-elle moins diabolisée ?

Message non lu par Nico37 » 06 janv. 2013, 22:18:21

Nombrilist a écrit :J'avais oublié toutes ces explications de Racaille sur le communisme et le capitalisme. De très belles synthèses. J'aime beaucoup le post ci-dessus qui remet notre modèle de démocratie en perspective.
Je plussoie, pour les classiques : http://www.marxists.org/francais/index.htm

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Blaise
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Re: Pourquoi l'extrême gauche est-elle moins diabolisée ?

Message non lu par Blaise » 06 janv. 2013, 23:19:27

manolo a écrit :J'en profite pour re-citer cette phrase qui me semble extrêmement lucide :
racaille a écrit :PS : j'en profite au passage pour rappeler une différence de taille entre le communisme totalitaire et le nazisme : le communisme totalitaire se fonde avant tout sur la trahison d'un idéal d'harmonie sociale, qui, selon moi, est assez juste et noble ; alors que le nazisme se fonde sur la franchise abrupte de son créateur.
Ca me semble beaucoup moins clair que ça, mais je n'ai malheureusement pas le temps de développer ce soir.
Les Français vont instinctivement au pouvoir; ils n'aiment point la liberté; l'égalité seule est leur idole. Or l'égalité et le despotisme ont des liaisons secrètes. Chateaubriand

pierre30
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Re: Pourquoi l'extrême gauche est-elle moins diabolisée ?

Message non lu par pierre30 » 06 janv. 2013, 23:27:17

Le problème avec le communisme, c'est qu'il est incompatible avec toute autre expérience. Qui n'est pas communiste dans un système qui l'est perturbe nécessairement le système. C'est ainsi qu'on aboutit quasi-immédiatement à l'extinction de la diversité d'opinion.

A contrario, le capitalisme est compatible avec des idées communistes. Par exemple les coopératives peuvent fort bien exister sans remettre en cause le système. Tout simplement parce que le système est par essence libéral.

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