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Mercredi, l'UMP a tenu convention sur la "justice sociale". Alors que la majorité compte faire de ce concept l'un des piliers de son projet pour 2012, le reste de la classe politique préfère parler d'"égalité réelle", d'"équilibre des chances" ou encore de "vivre-ensemble". Petit lexique de notions souvent abstraites.
La "justice sociale", un concept récent Dans sa Théorie de la justice, publiée en 1971, John Rawls définit la justice sociale selon trois principes : la garantie des libertés de base pour tous, l'égalité des chances dans le monde du travail et le maintien des seules inégalités qui profitent aux plus défavorisés. Ce cocktail doit permettre une société mieux équilibrée et donc plus productive. John Rawls, un philosophe libéral américain, voyait donc en la justice sociale un vecteur de croissance et le pilier indispensable au développement durable. Un concept considéré comme une utopie outre-Atlantique, mais qui a la faveur de plusieurs gouvernements européens depuis une décennie. Après l'Allemagne et l'Espagne, l'exécutif français reprend à son tour l'idée.
Le Front de gauche, "l'humain d'abord" "Ce que nous voulons : l'humain d'abord!" Le Parti communiste et, par extension, le Front de gauche parlent de "justice sociale" depuis longtemps. Pas forcément au sens où l'entendait John Rawls qui, en bon Américain, tentait d'acclimater le modèle économique libéral à la politique sociale. Plutôt qu'évoquer l'égalité des chances, le Front de gauche opte pour un champ lexical plus militant : dans son programme commun, il demande "l'abolition de l'insécurité sociale", il veut "se débarrasser du patriarcat" ou encore "lutter contre les discriminations". Il invoque aussi le principe du "vivre ensemble", expression reprise par Europe Ecologie - Les Verts (lire ci-dessous). De la justice sociale donc, mais engagée.
Le PS préfère "l'égalité réelle" Dans leur projet pour 2012, les socialistes ont préféré défendre "l'égalité réelle" : "La justice sociale ne combat pas systématiquement les inégalités mais fait seulement en sorte que les écarts soient réduits afin de les rendre plus supportables", assure Gaëtan Gorce, secrétaire national PS en charge de l'exclusion, interrogé par leJDD.fr. Pour le PS, il faut donc aller plus loin et instaurer "l'égalité réelle" de tous devant la loi. Trois axes de travail ont été établis lors d'une convention interne au PS : agir à la racine des inégalités grâce à un Pacte éducatif, agir pour l'égalité des conditions de travail (uniformisation des revenus, redistribution des richesses via la fiscalité, relance de la décentralisation afin d'assurer "l'égalité entre les territoires"), et muscler la législation en matière de discriminations. Les services publics devront être repensés en conséquence. "Jeunes et seniors sont les deux cibles de notre égalité réelle", explique Gaëtan Gorce qui évoque toutefois des "questions transversales, telles les personnes sans diplôme".
Le "vivre-ensemble" selon les écologistes Dans son projet pour 2012, Europe Ecologie - Les Verts (EELV) ne parle pas d'égalité des chances –"une réelle imposture", écrivent Caroline Mécary et Jean-Luc Veret, rédacteurs de la partie sociale du programme– mais reprend à son compte un célèbre slogan de radio : "vivre ensemble". Les écologistes dépassent la justice sociale pour s'enquérir de la structure même de la société, qu'il considère à ce jour "déséquilibrée". Le "vivre-ensemble" vert repose sur cinq piliers : une nouvelle politique éducative (dans laquelle "l'éducation pour ré-apprendre la citoyenneté et le développement durable" tient une place essentielle), "l'égalité de circulation de tous les humains", "un nouveau contrat social" pour remettre sur pied le système sanitaire, une politique du logement éco-responsable et la mise en place d'une "société des libertés" (opposée, dans le projet, à "la société du contrôle" policier). Le monde du travail est, lui, détaché de cette partie du projet : pour les écologistes, le problème de l'emploi, traité à part, n'interfère pas avec le "vivre-ensemble".
Le Modem "humaniste" et "l'équilibre" du Nouveau centre Au Mouvement démocrate, "justice sociale" et "égalité réelle" sont des concepts trop abstraits. Jean-Marie Vanlerenberghe, le sénateur du Pas-de-Calais en charge des relations sociales dans le "shadow cabinet" de François Bayrou, préfère se concentrer sur le "projet humaniste". "Réfléchir à la justice sociale c'est incantatoire; il vaut mieux travailler sur des propositions concrètes sur l'éducation, l'emploi, l'intégration...", explique-t-il au JDD.fr. Le Modem poursuit donc son travail d'auditions jusqu'à la rentrée. Un programme "précis, sans philosophie superficielle" sera alors publié. Sans citer le terme de "justice sociale", Hervé Morin a évoqué, lors d'une convention dédiée, "un équilibre des chances" visant à réduire "la fracture entre égalité réelle et formelle". Ainsi, le Nouveau centre travaille à des propositions concrètes sur l'éducation, le handicap, l'égalité hommes-femmes, le logement ou la mixité sociale.
Le FN privilégie la "solidarité nationale" Marine Le Pen envisage les solidarités comme un thème porteur pour sa campagne. Dans l'optique de donner au parti de son père un visage plus humain, la nouvelle présidente du FN a nommé une vice-présidente, Marie-Christine Arnautu, chargée des questions sociales. Une première dans l'histoire du mouvement. Il s'agit de "mettre en place une véritable politique de solidarité nationale". Tançant "le clientélisme en matière de solidarité", plusieurs propositions, lisibles sur le site du parti, mettent l'accent sur les personnes âgées, les victimes de handicaps mais aussi "les exclus" (à savoir "les SDF, les toxicomanes et les malades du Sida"). Marine Le Pen fait de la protection du système social français son cheval de bataille. Selon elle, l'économie qu'"on ne peut dissocier le progrès social" est responsable de "la crise sociale" actuelle. Dans les années 70, John Rawls critiquait déjà les dérives du capitalisme galopant. La patronne du FN emploie d'ailleurs l'expression "justice sociale" dans une lettre ouverte à l'économiste Jean-Louis Levet : "Je vous mets au défi de trouver un point de notre programme qui ne soit ni national, ni républicain, ni tout entier tourné vers l’exigence de justice sociale".
Le Jdd.fr
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