Poèmes coup de coeur

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Pascale
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Poèmes coup de coeur

Message non lu par Pascale » 14 mars 2013, 09:23:24

Il meurt lentement

"Il meurt lentement celui qui ne voyage pas,
celui qui ne lit pas,
celui qui n’écoute pas de musique,
celui qui ne sait pas trouver grâce à ses yeux.

Il meurt lentement
celui qui détruit son amour-propre,
celui qui ne se laisse jamais aider.

Il meurt lentement
celui qui devient esclave de l’habitude
refaisant tous les jours les mêmes chemins,
celui qui ne change jamais de repère,
Ne se risque jamais à changer la couleur de ses vêtements
Ou qui ne parle jamais à un inconnu.

Il meurt lentement
celui qui évite la passion
et son tourbillon d’émotions
celles qui redonnent la lumière dans les yeux
et réparent les coeurs blessés

Il meurt lentement
celui qui ne change pas de cap lorsqu’il est malheureux au travail ou en amour,
celui qui ne prend pas de risques
pour réaliser ses rêves,
celui qui, pas une seule fois dans sa vie, n’a fui les conseils sensés.

Vis maintenant!
Risque-toi aujourd’hui!
Agis tout de suite!
Ne te laisse pas mourir lentement!
Ne te prive pas d’être heureux!"

Pablo Neruda
- Tu sais qui je suis ?
- Une débauchée, luxurieuse, corrompue, déréglée, voluptueuse, immorale, libertine, dissolue, sensuelle, polissonne, baiseuse, dépravée, impudique, vicieuse...
Louis Calaferte

bye 2
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Re: Poèmes coup de coeur

Message non lu par bye 2 » 02 avr. 2013, 05:20:57

Revue Moriturus n° 5, août 2005

Sévérité

je vous condamne à chier le soir et le matin
lisant de vieux journaux et des romans amers
je vous condamne à chier repentir et mélancolie
et douceâtres après-midi jaunissants.

je vous condamne à chier en corset et chemise
dans vos maisons à bicyclettes et canaris,
avec vos paires de fesses chaudes et bleues
et vos lamentables coeurs à échéance.

D'un monde naufragé sortent des faits sinistres:
fantômes mécaniques et chiens sans museau,
ambassadeurs gras comme des roses,
débits de tabac noirs et cinémas avariés.

Moi je vous condamne à la nuit des dortoirs
à peine troublée de lavements et de songes,
de songes comme des eucalyptus à feuilles par milliers
et des racines trempées d'urine et d'écume.

Que je ne touche pas à vos eaux sédentaires
ni vos réclamations intestinales, ni vos religions
ni vos photographies suspendues avant l'heure:
parce que j'ai des flammes dans les doigts,
et des larmes d'infortune dans le coeur,
et des pavots mourant nidifient dans ma bouche
comme d'infranchissables dépôts de sang.

Et je tiens en horreur vos grand-mères et vos mouches,
je hais vos déjeuners et vos rêveries,
et vos poètes qui chantent " la douce épouse ",
et " les félicités du hameau ":
en vérité vous méritez vos poètes et vos pianos
et vos désagréables emmêlements à quatre jambes.

Laissez-moi seul avec mon sang pur,
avec mes doigts et mon âme,
et mes sanglots seuls , sombres comme des tunnels,
Laissez-moi le royaume des longues vagues.
Laissez-moi un vaisseau vert et un miroir.

Ce poème, inédit en français, est le seul de Paloma por dentro ( 1934 ) a avoir été écarté du recueil Résidence sur la terre ( Poésie/ Gallimard )

bye 2
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Re: Poèmes coup de coeur

Message non lu par bye 2 » 02 avr. 2013, 05:43:39

Si nous ne pouvions rien toucher avec
les yeux, nous ne pourrions rien nommer de ce que nous voyons. Rien ne
porterait de nom, il n'y aurait pas de mots, nous mangerions le monde comme les
animaux.
Les yeux touchent pour reconnaître ce qu'ils voient intouchable,
ils touchent ce qui n'est pas touchable, ils touchent ce qui est trop loin pour
être touché avec les mains. Ils touchent sans laisser d'empreintes, comme si
leur toucher sur le monde faisait apparaître ce qu'ils voient et que les images
dessinaient toujours les contours de nos yeux.
Nous voyons mais nous ne voyons que les empreintes
transparentes de nos yeux sur le monde, les empreintes intouchées de nos yeux
intouchables.
Les animaux qui n'ont pas de mains ( comme si avoir des
mains c'était déjà pouvoir avoir des yeux qui touchent l'intouchable, comme les
mains touchent le touchable ), ne touchent pas, c'est le monde qui les touche
et qui s'empreinte de leur passage en lui. Les animaux mangent le monde comme
l'homme le voit. Ils écrasent les noms de tout ce qu'ils mangent dans leur
bouche. Ils mâchent le monde qu'ils voient. Et suivant ce qu'ils mangent,
suivant comment ils mâchent les mots, leur cri les différencie les uns des
autres, d'une espèce à l'autre.

Leur cri est ce qu'il reste de ce qu'ils mangent du monde
qu'ils voient.
Les noms que les animaux ont donnés au monde qui les
entoure, au monde dont ils se nourrissent, se traduisent par des cris. Les
animaux crient pour dire ce que leurs yeux touchent et que leur bouche mange.
Les animaux touchent avec leurs yeux ce qu'ils peuvent
toucher avec leur corps, ils touchent là où ils peuvent aller avec lui. Ils
touchent avec les yeux ce qui leur est touchable avec les pattes. Mais l'homme
touche avec ses yeux ce qu'il ne peut pas toucher avec son corps, il touche là
où il ne peut pas aller avec lui. Il touche avec ses yeux ce qui ne lui est pas
touchable avec ses mains, comme si ses mains avaient fait naître des distances
immenses autour de lui, et qu'elles avaient lancé ses yeux si loin dans
l'espace que son corps avec ses pieds seulement n'avait pas pu suivre leur
projection infinie.
Entre les mains de l'homme et les pattes des animaux, il y
a le lointain et le proche, le jour et la nuit, le touchable et l'intouchable.

Jean-Luc Parant Revue l'Atelier Contemporain

bye 2
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Re: Poèmes coup de coeur

Message non lu par bye 2 » 03 avr. 2013, 04:18:01

Bon, comme j'ai oublié d'indiquer le nom de l'auteur de "Sévérité" qui n'est autre que Pablo Neruda, je paie cette erreur par l'ajout d'un poème contemporain.

Dans quelle couleur vit-on après les yeux ?
quand commence-t-elle ?

JAUNE ouvre un espace lecteur à notre attachement
une compression de semence, de colline, de peinture

on peut l'installer dans de nouvelles phrases

si jaune est ainsi compacté, alors JAUNE est un dire
plusieurs verbes, plusieurs sensations

redevables d'une autre ressemblance, comme si on avait
introduit une lettre de plus dans l'alphabet

jaune vu et JAUNE lu.

Une fois JAUNE prononcé, le poème devient impensable réel.
On voit qu'on ne sait plus ce qu'on voit. On voit que ce qu'on a voulu dans le bois de genêts est inappropriable.

Une induration aussi blessante que jouissive.

Un extrait, une non-ressemblance incorporée.


Ne croyez pas que j'aie quitté la colline, ni rejoint un miracle de langue.
Simplement, ce qui reste impossible est bien là; la douleur paraît extensible jusqu'à l'exprimable.

Non-décrite, non-descriptible.
JAUNE en quelque sorte numérisé, d'une grande finesse aveugle.

jaune obstrué par sa splendeur.

Couleur d'amour sera contrariée.
Cela s'appelle, au présent, un effondrement dans la certitude.

JAUNE sur tombe
mon corps d'ailleurs, mes autres corps.

induisant facilement une sorte de négatif dans le paysage: la tendresse d'une bête, une contrainte dans les arbres, du vent noir.

Nicolas Pesquès - La face nord de Juliau, six - André Dimanche éditeur -

bye 2
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Re: Poèmes coup de coeur

Message non lu par bye 2 » 03 avr. 2013, 17:34:14

pour mieux appréhender la démarche de Nicolas Pesquès, à l'occasion de la sortie de son plus récent ouvrage " la face nord de Julliau, huit, neuf, dix"

http://www.franceculture.fr/player/reec ... ay=4437473

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