Pendant 18 ans, Christian Cambier, gestionnaire de fortune indépendant, a été mandaté par l’Institut de France, la maison mère des cinq académies, pour gérer une partie de ses fonds. Aujourd’hui président de Swiss Life Gestion Privée, il s’ouvre sur un système qui a causé des dizaines de millions d’euros de pertes.
Le Point.fr : «L'absence de véritable stratégie s'est traduite par des pertes de plusieurs millions d'euros», dénonce la Cour des comptes dans son rapport. Qui est responsable de ces pertes ?
Christian Cambier : La commission d’académiciens chargée du suivi de notre gestion. Ils donnaient des instructions aux gestionnaires tous les mois, presque toujours à contre-courant. En 2007, à leur demande, j’ai dû investir des titres au plus haut. L’année suivante, la crise financière a fait plonger ces valeurs. Et en 2009, l’Institut a paniqué : il fallait tout vendre. Sur les 140 millions que je gérais, cette seule opération a provoqué 14 millions d’euros de perte sèche ! Rebelote en avril 2013, avec 4 millions d’euros de moins-value en une journée ! Les fonds gérés n’ont pas produit un kopeck en 20 ans, de 1990 à 2010, alors que le fonds Valfrance, que j’ai moi-même créé, a fait 15 fois la mise en 30 ans. Cherchez l’erreur.
Qu’est-ce qui explique ces erreurs de gestion ?
Les Immortels connaissent mal les marchés. Et il n’y avait pas de véritable directeur financier pour faire tampon entre eux et les gestionnaires qui recevaient leurs ordres. En 1990, l’Institut avait promu à ce poste stratégique le directeur informatique, un homme de bonne volonté, certes, mais sans formation. Pourtant, les sommes qu’il devait gérer étaient colossales : de l’ordre d’un milliard d’euros, répartis entre plus de 1 100 fondations abritées. Après les crises, les académiciens n’ont plus eu le choix : il fallait faire une opération-vérité. Ce directeur financier est tombé gravement malade et a été remplacé par une toute jeune énarque, Barbara Falk, issue de la Cour des comptes - elle y a été réintégrée depuis, au poste de secrétaire générale adjointe de Didier Migaud.
Cette nouvelle directrice financière a-t-elle amélioré la gestion de l’Institut ?
Non. Barbara Falk ne connaissait rien à la finance de marché. Elle a tout bazardé au plus bas, en 2013. C’était le pire moment. Heureusement pour eux, sur les 200 fondations actives, la plupart des donateurs-fondateurs sont morts et enterrés. Il n’y a donc personne pour s’interroger. Et à part la Cour des comptes tous les cinq ans, personne ne les contrôle. L’Institut a en effet un statut extraterrestre : il est complètement indépendant, placé sous la protection du président de la République.
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En tant qu'ancienne directrice des services financiers de l'Institut, Barbara Falk a, elle aussi, souhaité réagir :
«Christian Cambier évoque des problèmes qui sont survenus avant mon arrivée, alors que lui-même détenait un mandat de gestion. En effet, j'ai pris mes fonctions à l'Institut et dans les Académies en septembre 2011, soit juste après la crise boursière de l'été 2011, et alors que ces institutions avaient souffert des pertes subies par certains de leurs gestionnaires de portefeuille. C'était particulièrement le cas de la société présidée par M. Cambier, dont il a alors été décidé, sur la base de critères de performance objectifs et avec l'aide d'un consultant extérieur, de mettre fin au mandat.
Je me réjouis par ailleurs que la Cour observe dans son rapport une gestion plus prudente et mieux organisée des portefeuilles (page 53) et que d'indéniables progrès ont (...) été réalisés à partir de 2010 par les services de l'Institut et des académies dans la professionnalisation de la gestion des valeurs mobilières (page 54).»
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