Il ne s’agit pas de condamner une croyance ou une autre, le fait est que l’idée du sacré représenté dans l’urine leur déchire leur ciel intérieur.
Pour comprendre l’importance du fait religieux dans notre société.
L’importance du fait religieux dans notre société.
Nul ne saurait raisonnablement nier l’immense importance du fait religieux, des religions, dans nos sociétés. Et par conséquent il est normal que le gouvernement. qui s’en tient évidemment au régime de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, s’en préoccupe.
Importance philosophique d’abord. Les religions en général, les religions monothéistes en particulier ont puissamment contribué au progrès moral de l’humanité. la sommant de s’interroger sur ses fins dernières, l’arrachant à ses attaches matérielles, l’invitant à se dépasser. Il manquerait quelque chose à l’humanité, si elle était privée de cette exigence qui procède du sens de la transcendance. Ferdinand Buisson. qui fut le plus proche collaborateur de Jules Ferry et qui consacra sa vie à la défense de la laïcité, aimait à citer ces formules de Jean Jaurès : “ Il serait mortel de comprimer les aspirations religieuses de l’âme humaine (...).
Dès lors qu’il aura dans l’ordre social réalisé la justice, l’homme s’apercevra qu’il lui reste un vide immense à remplir (...). Les expressions particulières du sentiment religieux peuvent être caduques sans que l’âme cesse de se tourner vers l’infini ” (dans L’Action socialiste).
Au reste l’utopie communiste a bien tenté de combler à sa façon le défaut de la religion. Honorable au siècle dernier, tragique au XXème siècle, elle n’a pas survécu à l’effondrement de ses réalisations.
Dans son échec même, cette entreprise atteste que les sociétés humaines ne sauraient vivre sans qu’existe en leur sein quelque forme de transcendance dont en France les fondateurs de la République avaient eu comme un obscur pressentiment.
Nul non plus ne saurait nier l’importance culturelle du fait religieux : le judaïsme et le christianisme, l’Ancien et le Nouveau Testament ont tellement imprégné notre civilisation millénaire, comme l’a fait aussi l’antiquité gréco-latine, que notre patrimoine culturel, qu’il soit littéraire ou philosophique, pictural ou architectural, serait indéchiffrable à celui qui ne saurait ou ne voudrait en reconnaître la composante religieuse. Au point que, tenant compte de la diminution de la pratique et de l’instruction religieuses, j’ai dû, il y a douze ans, en tant que ministre de l’éducation nationale, introduire des éléments d’histoire des religions dans les programmes scolaires des collèges et cela, dès la sixième.
On ne peut concevoir, en France, une solide formation intellectuelle, fut-elle élémentaire, qui ignorerait la contribution des religions monothéistes au façonnement de notre nation. Je n’oublie évidemment pas l’Islam, si étroitement lié à la civilisation arabe, qui fut, au Moyen-Age, un vecteur de la science et un truchement de l’hellénisme. Que serait la philosophie moderne sans le thomisme, et qu’aurait été Thomas d’Aquin sans Averroès, autant dire sans Aristote? Que serait aujourd’hui la science, je ne dis pas la science française, mais la science universelle, sans l’apport de la science arabe ?
Importance politique enfin. Ce qu’on désigne aujourd’hui comme les valeurs de la République, sur la base d’une tradition bicentenaire, doit beaucoup à l’héritage judéo-chrétien. Sans doute la forme de la démocratie moderne prend-elle sa source dans l’Athènes de Périclès. Sans doute notre conception de la citoyenneté emprunte-t-elle beaucoup à celle de Rome. Mais les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité, qui ont inspiré le combat des républicains depuis 1789 et dont on mesure peut-être mieux, aujourd’hui, depuis la chute du mur de Berlin, la modernité, la richesse et la dynamique qu’elles recèlent, ces valeurs républicaines, il faut le reconnaître, ce sont pour une large part des valeurs chrétiennes laïcisées.
La liberté, inséparable de la responsabilité de la personne, et surtout l’égalité des hommes entre eux, par-delà leurs différences ethniques, sociales. physiques ou intellectuelles, sont largement des inventions chrétiennes. S’agissant de l’égalité, si contraire à l’apparence immédiate, on ne peut qu’admirer l’audace à proprement parler révolutionnaire des Evangiles, faisant surgir cette idée neuve, contraire à toutes les normes et les idées d’un monde romain à la culture fortement hellénisée.
Quant à la fraternité, elle est une traduction, à peine une adaptation de l’ ”agapè ” du Nouveau Testament.
Comment ne pas voir enfin que l’idée même du progrès procède d’une origine judéo-chrétienne ?
Alors que toute la pensée grecque n’a jamais conçu le temps que dans un mouvement circulaire, le messianisme judaïque, par la perspective du salut. donne un sens au temps, c’est-à-dire à l’histoire, comme le fera aussi le christianisme en proposant l’horizon d’un jugement dernier et en incarnant Dieu dans un homme, indiquant ainsi l’avant et l’après de cet événement pour lui fondateur ; une fois encore, l’histoire universelle se trouvait par là orientée. Toute la philosophie du XVIIIe siècle et Condorcet qui la conclut, ont, à leur manière, laïcisé cette idée du progrès.
D’un côté donc, la République ne peut ignorer le fait religieux ; d’un autre. elle entend distinguer les genres. le public et le privé, la raison naturelle et la foi. le citoyen et la personne.
http://education.devenir.free.fr/Docume ... ladier.pdf