Théo Angélopoulos est décédé; adieu l'artiste

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bye 2
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Théo Angélopoulos est décédé; adieu l'artiste

Message non lu par bye 2 » 25 janv. 2012, 07:39:26

Le réalisateur grec Theo Angelopoulos est mort mardi soir à l'âge de 76 ans, d'une hémorragie interne dans un hôpital près du Pirée, où il avait été admis après avoir été renversé par un motard dans la rue, a-t-on appris de source hospitalière.

"Il avait été admis dans l'unité des soins intensifs, il souffrait de graves blessures crâno-encéphaliques, d'hémorragie interne, de plusieurs fractures partout, au thorax, au bassin, à son pied droit et son bras gauche", a indiqué à l'AFP Georges Géorgiades, directeur de l'unité des soins intensifs de la clinique privée Metropolitan.

"Il a même subi des arrêts de coeur au cours de son hospitalisation avant d'être admis dans la salle d'opération (...) mais finalement il a succombé à ses blessures", a ajouté M. Géorgiades.

Angelopoulos avait été transféré à un hôpital du Pirée mardi vers 17H30 GMT, après avoir été grièvement blessé par un motard alors qu'il était en train de traverser le périphérique près de la banlieue de Kératsini au Pirée, port proche d'Athènes.

Il a succombé à ses blessures quatre heures plus tard, vers 21H40 GMT.

Lors de l'accident, il était en train de tourner son dernier film, "L'autre mer", selon une source policière.

"Nous sommes tous en deuil pour le grand réalisateur, qui avec son oeuvre a honoré la patrie", a déclaré le porte-parole du gouvernement Pantélis Kapsis quelque minutes après son décès.

Figure emblématique du "Nouveau cinéma" grec à partir des années 1970 et lauréat de la Palme d'or de Cannes en 1998 pour son film "L'Eternité et un jour", Angelopoulos a réalisé une quinzaine de films, caractérisés par de longs et silencieux plans sur fond de paysages de son pays et évoquant pour la plupart l'histoire et la société grecques.




http://www.tv5.org/cms/chaine-francopho ... d0.3b1.xml


Personnellement, je suis très remué par cette disparition.( ci-dessous quelques notes auxquelles j'avais participé dans un hommage "traversé" )

Les premières approches que j'eus avec ce cinéaste, avaient été déblayées par un vent ombré, dilapidé de sources des lumières acquises.
En somme, j'avais été " préparé ", par un travail blanc qui lavait la rétine des diverses couches plastiques accumulées; il le fallait bien, tant l'intensité de films comme " l'apiculteur", " le voyage des comédiens ", " paysages dans le brouillard",.. a fixé de manière quasi-définitive, des arpents de soifs, des étoiles de regards indissolubles.
Théo Agelopoulos possède, bien entendu, un ( voire des ) propos, à racines personnelles, croisées d'identité, d'histoire; mais aussi, de réflexions philosophiques sur les frontières physiques, ou mentales, morales: où sont nos limites et comment s'en affranchir ( " le pas suspendu de la cigogne" ).
D'ailleurs, concernant ce film, Angelopoulos narre "l'anecdote" suivante: ce film traitant du déplacement des populations, de la notion de frontières,..a été tourné à un endroit de Grèce où un religieux très fermé a tout fait pour empêcher, nuire au tournage de ce film, estimé sulfureux.
Cette tension apparaît en filigrane, que l'on connaisse ou non cette histoire, dans le film, et en illustre complètement le propos.

Pour terminer cette brève présentation de cet artiste, au sens le plus préservé du terme, j'ajouterai que sa singularité barbouille l'écran dès son ouverture: sa maîtrise complète du plan-séquence ( tournage d'une scène sans effet, coupure d'aucune sorte ), du travelling, des mouvements ou stations de foule,... en restituent la forte implication de l'auteur, proche de celle d'un peintre ( je crois que Théo a fait des études de peinture ).
De même, sa façon de fixer le dénuement des personnes, leur fragilité, ou la violence ( je me rappelle notamment d'une scène où une jeune fille est abusée sexuellement dans un camion; rien n'est montré, mais le parti pris de vouloir filmer en plans secs, sans musique, ni pathos, donne à ce passage, une force jamais atteinte dans la peinture de la misère, de la brutalité ), fait se rejoindre une volonté d'authenticité, ainsi que celle de témoigner d'un oeil très personnel, du côté "perdu " des plus faibles, et de l'obstination de l'artiste à tendre la main, la caméra.( témoigner, c'est participer )

Theo Angelopoulos aime les oeuvres contemplatives qui se répondent
entre elles à travers des trilogies et des axes précis. Après avoir
malmené le stalinisme à travers l'exploration marxienne de l'histoire
de la Grèce dans Le voyage des comédiens, Les chasseurs et Alexandre le Grand, le réalisateur a bâti dans les années 90 une seconde trilogie non moins impressionnante avec Le pas suspendu de la cigogne, Le regard d'Ulysse et L'éternité et un jour
qui analyse sur le mode expiatoire la place de l'artiste dans le monde
politique sans tomber dans les écueils BHL (encore merci). En creux, il
dit des choses essentielles et vitales sur la mort, la fatalité,
l'intemporalité les tragédies, les frontières etc. Un cinéma riche
auquel une édition double dvd rend justement hommage.
Maintes fois adulé, son travail se passe de dithyrambes prévisibles ou de philippiques acerbes (Lion d'or à Venise en 1980 pour Alexandre le grand; Lion d'argent en 1988 pour Paysage dans le brouillard; Grand prix du festival de Cannes pour Le regard d'Ulysse en 1995 et Palme d'or pour L'éternité et un jour
en 1998). Est-ce une raison pour ne pas revenir dessus? Non. Depuis
toujours, le cinéaste Theo Angelopoulos a signé des fictions rudes et
exigeantes où le réel et le fantastique se confondent dans le même flux
filmique. Son dessein? Trouver les chemins d'ailleurs pour travailler à
la manière des surréalistes et, dixit lui-même, lutter contre le goût
destructeur des spectateurs pour l'efficace, le rapide, le clip qui
obligent ainsi les réalisateurs à se considérer uniquement comme des
avocats. En voyant ses films, on comprend mieux. Dans le cas présent, Le regard d'Ulysse
est une oeuvre ultra-éprouvante d'environ trois heures qui, selon la
ritournelle, se mérite. C'est le troisième volet d'une trilogie
commencée avec Pas suspendu de la cigogne en 1991 et Le Regard d'Ulysse
en 1995. A travers ce triptyque, il poursuit son travail Brechtien qui
consiste à tirer une leçon politique et sociale d'un conte
philosophique. Si naguère ses films n'avaient pas de réels héros (plus
des petits groupes sociaux hautement représentatifs), il n'en est plus
grand-chose pour animer ses peintures allégoriques tourmentées. Si on
ne comprend pas pourquoi Arte n'a pas sorti les trois films de ladite
trilogie dans un même coffret, on comprend cependant les hourrahs
extatiques qu'ils ont pu susciter au moment de leur sortie même si ce
cinéma suscite plus la vraie admiration que la vive émotion.
Entre réalisme pur et épure fantasmagorique, ses opus dialectiques
possèdent en commun une capacité à déterminer des frontières et à
parler du basculement de la vie à la mort d'être condamné ou en panne
d'eux-mêmes. On cite beaucoup Tarkovski au sujet d'Angelopoulos. En
réalité, son cinéma lorgne vers celui de Antonioni où les mêmes
personnages en quête d'exil intérieur cherchent des solutions à leurs
doutes et attendent des réponses qui ne viennent pas. Leur trajet est
avant tout existentiel et souligne au passage la froideur des relations
humaines et l'impossibilité de communiquer. Peu surprenant alors
d'apprendre que L'étranger, de Camus, fut l'un de ses livres de
chevet. Les paysages vastes et effrayants font écho aux inquiétudes de
Angelopoulos qui construit un champ fictionnel et y projette ses
propres doutes (politiques, sociaux, métaphysiques) avec une forte dose
symbolique. Par exemple, lorsqu'il montre un endroit identifiable comme
une ville ou un fleuve, il s'arrange toujours pour qu'on ait
l'impression de voir une extension de ce qui se trame dans le cerveau
d'un personnage patraque (cf. les allés et retours temporels de L'éternité et un jour).
A chaque fois, Angelopoulos montre des doubles de lui-même, non pas
pour parler de lui (ce qui n'aurait aucune importance) mais de son
regard perplexe sur les bipèdes que nous sommes (c'est déjà plus
intéressant). Dans un premier temps, focalisons-nous sur Le regard d'Ulysse
qui scrute non pas le voyage d'un comédien mais celui d'un cinéaste
grec expatrié aux États-Unis baptisé A. (comme Angelopoulos ou encore
Alexandre, le héros du Voyage à Cythère), incarné par Harvey
Keitel, génial. A la recherche d'un temps perdu (l'autocitation
implique-t-elle la madeleine de Proust?), il revient à Fiorina, sa
ville natale, où l'on va projeter une de ses oeuvres. En réalité, il
veut sillonner les Balkans pour partir à la recherche des bobines du
premier film grec tourné par les fameux frères Manakia.

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