Les classes moyennes plus mal loties en France que chez nos voisins ?

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johanono
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Les classes moyennes plus mal loties en France que chez nos voisins ?

Message non lu par johanono » 11 janv. 2024, 17:19:28

Il est de bon ton d'affirmer que les classes moyennes, dans notre pays, seraient méprisées par les pouvoirs publics. Bonnes pour payer, mais n'ayant droit à rien. Voici une analyse qui rétablit quelques vérités :
Jean-Pierre Robin: « Les classes moyennes plus mal loties en France que chez nos voisins ? »

Jugées prioritaires par l’Élysée au printemps, elles risquent fort d’être les victimes expiatoires de la fin du «quoi qu’il en coûte» et de la rigueur budgétaire à l’automne. Soucieux de donner des gages d’apaisement, après l’éprouvant bras de fer sur les retraites, Emmanuel Macron avait promis, le 15 mai à la télévision, des baisses d’impôt à hauteur de 2 milliards d’euros en faveur des classes moyennes. La fiscalité «écrase les gains de pouvoir d’achat entre 1500 et 2500 euros» (de revenus mensuels), «ceux qui sont trop riches pour être aidés et pas assez riches pour bien vivre», avait insisté le chef de l’État.

De son côté, Gabriel Attal, alors ministre des Comptes publics, s’était engagé à «bâtir un plan Marshall pour les classes moyennes». Il ciblait les gens compris «entre les 4e et 8e déciles (en termes de revenus). Cela fait plus de 15 millions de ménages», selon ses calculs. Soit environ la moitié de la population française ; les «classes populaires», 30 %, et les «gens aisés», comme on dit, 20 %, constituant les deux autres blocs.

D’une saison à l’autre, l’exécutif s’est piégé avec ses propres chiffres. La somme de 2 milliards d’euros se voulait alléchante. Elle paraît aujourd’hui difficile à réunir, compte tenu de la situation de nos finances publiques. Et en même temps, ces 2 milliards répartis entre une quinzaine de millions de foyers - 133 euros chacun — deviennent bien dérisoires, comparés au surcroît de taxe foncière auquel sont confrontés en cette rentrée 2023 la plupart des contribuables qui reçoivent leur avis d’imposition. Rappelons que près de 60 % des ménages sont propriétaires de leur logement. Plus fondamentalement, le diagnostic socio-économique du gouvernement est-il réellement pertinent ?

L’Ifo de Munich, l’un des instituts de conjoncture les plus réputés d’Allemagne, a publié le mois dernier une étude comparative de la situation des classes moyennes en Europe, mettant l’accent sur les charges fiscales et sociales nettes, après déduction des prestations sociales en argent. Or la France n’apparaît nullement comme un enfer à cet égard ; la fiscalité des catégories intermédiaires y est plutôt plus légère que chez ses voisins.

L’Ifo reprend la définition classique des classes moyennes de l’OCDE, «les gens disposant d’un revenu compris entre 75 % et 200 % du revenu médian de chaque pays (le niveau de ressources partageant la population en deux parties égales)». Avec trois sous-groupes, la catégorie inférieure (75 % à 100 % du revenu médian), celle du milieu (100 % à 150 %), et la classe supérieure (150 % à 200 %). Moyennant quoi les classes moyennes françaises rassemblent 68 % de toute la population et leurs revenus annuels vont de 16 530 à 44 040 euros (1 376 à 3 670 euros par mois) pour une personne seule (en 2019, chiffres de l’étude). Par ailleurs la catégorie des «bas revenus» (moins de 75 % du revenu médian) regroupe 25 % de la population, et la classe des «hauts revenus» (plus de 200 % du revenu médian) 7 % des Français.

La classe moyenne allemande est un peu moins étendue (63 % de la population), mais elle est sensiblement plus riche, ses revenus annuels allant de 17 475 à 46 600 euros, 5,7 % de plus que pour les Français. Et l’écart de niveau de vie entre les deux pays atteint pratiquement 12 %, car le niveau absolu des prix - ne pas confondre avec l’inflation annuelle - est 6 % plus élevé en France qu’outre Rhin, selon l’Ifo qui reprend les statistiques d’Eurostat.

Au total, le pouvoir d’achat des classes moyennes françaises arrive au neuvième rang du palmarès des 28 pays européens (le Royaume-Uni inclus), les trois premiers du podium étant le Luxembourg, l’Autriche et l’Allemagne. En réalité la France se caractérise avant tout par des charges fiscales et sociales (déduction faite des transferts sociaux) parmi les plus faibles de toute l’Europe. Nous sommes le seul pays, avec la Tchéquie, où les foyers de la «classe moyenne inférieure» sont bénéficiaires nets au jeu de l’imposition et des prestations sociales, du moins pour «les familles de deux enfants avec un seul salaire». Car l’étude de l’Ifo distingue soigneusement plusieurs cas de figure (familles avec un seul ou deux salaires, avec enfants, célibataires…). Même pour ces derniers, toujours plus taxés que les autres, les charges sont en France parmi les moins élevées d’Europe: elles peuvent certes atteindre chez nous 27 % à 35 %, selon le niveau de revenu, contre 35 % à 43 % en Allemagne et en Suède.

Dans l’Hexagone, la frange basse de la classe moyenne tend à se confondre avec les trois déciles du bas de la distribution de revenus (30 %) dont on sait qu’ils sont les grands bénéficiaires nets de la redistribution. Entre le seuil de pauvreté fixé à 60 % du revenu médian et la borne inférieure de ressources des «catégories intermédiaires», la marge est étroite… D’où la compassion d’Emmanuel Macron, surjouée, vis-à-vis «des Français et des Françaises qui travaillent dur, qui veulent bien élever leurs enfants et qui, aujourd’hui, parce que le coût de la vie a monté, parce que la dynamique des salaires n’est pas toujours là, ont du mal à boucler la fin du mois» (dixit le chef de l’État en mai).

Invoquer l’excès de charges fiscales, pourquoi pas? Mais n’est-ce pas se dédouaner à bon compte des autres maux qui assaillent les classes moyennes françaises bien plus que dans l’Europe du Nord? Des défis au demeurant parfaitement identifiés, qu’il s’agisse des coûts prohibitifs du logement dont le chef de l’État s’est curieusement désintéressé depuis son premier quinquennat, de la dégradation des services publics, de la précarité de l’emploi ou des dysfonctionnements de l’ascenseur social.
SOURCE : https://www.lefigaro.fr/conjoncture/jea ... s-20230903

En résumé, les classes moyennes payent relativement peu d'impôts, par rapport aux avantages dont elles bénéficient, et elles sont loin d'être maltraitées.

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Yakiv
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Re: Les classes moyennes plus mal loties en France que chez nos voisins ?

Message non lu par Yakiv » 11 janv. 2024, 18:48:30

Très intéressant.

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johanono
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Re: Les classes moyennes plus mal loties en France que chez nos voisins ?

Message non lu par johanono » 11 janv. 2024, 22:46:18

Force est de constater que les classes moyennes ne paient ni IR (ou alors faiblement) ni TH. Les cotisations sociales sont majoritairement payées par l'employeur. Reste la TVA sur leurs achats, et la TF, pour ceux qui sont propriétaires.

A côté de ça, elles bénéficient :
- de services publics gratuits (qu'elles auraient du mal à se payer dans un système privé) ou dont le prix est très faible par rapport au coût réel (cantines scolaires, transports en commun, etc.),
- des allocations familiales,
- de la prime d'activité,
- de divers dispositifs d'aides au logement (prêts à taux zéro, APL, loyers modérés en HLM, etc.),
- de multiples aides au pouvoir d'achat (bouclier tarifaire pour l'électricité, chèque énergie, bonus écologique pour l'achat d'une voiture, etc.).

Je ne dis pas que tout est parfait. Mais je pense que le discours misérabiliste sur les classes moyennes qui payent tout mais n'ont jamais droit à rien doit être beaucoup nuancé.

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Mewtow
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Re: Les classes moyennes plus mal loties en France que chez nos voisins ?

Message non lu par Mewtow » 12 janv. 2024, 01:03:09

Je doute que la classe moyenne profite tant que ça des aides proprement dites, à savoir les allocations familiales, la prime d'activité, les APL, le chèque énergie et des dispositifs similaires. Les aides monétaires sont quand même conçues pour aider en priorité les revenus les plus faibles et elles le sont assez pour ne pas vraiment profiter à la classe moyenne. Difficile à dire pour les services publics accessibles à tous, c'est pas évident de savoir à quel point ils sont redistributifs, vu qu'ils ne dépendent pas du revenu.

Par contre, il y a un truc qui doit bien aider la classe moyenne : les quotients familiaux, les demi-parts et toutes les réductions d'impôts qui vont avec la situation familiale. Si la classe moyenne paie peu d'impôts, c'est grâce à ça.

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les orteils
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Re: Les classes moyennes plus mal loties en France que chez nos voisins ?

Message non lu par les orteils » 12 janv. 2024, 12:52:24

Les classes moyennes paient l'IR §
C'est toujours hier que commence le futur, mais la France continue de penser que tout commence demain. (Boualem SANSAL)

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Yakiv
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Re: Les classes moyennes plus mal loties en France que chez nos voisins ?

Message non lu par Yakiv » 12 janv. 2024, 13:11:18

En théorie, les classes moyennes devraient obtenir à peu près autant qu'elles donnent. Heureux de voir qu'il y a des chiffres dans ce sens malgré ce que pensent les Français qui se croient toujours les plus mal lotis du monde.

Cela dit, l'imposition des ménages n'est pas très progressive en France à cause de la TVA qui a un poids beaucoup plus élevé que l'IR.

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Re: Les classes moyennes plus mal loties en France que chez nos voisins ?

Message non lu par johanono » 28 janv. 2024, 17:47:11

les orteils a écrit :
12 janv. 2024, 12:52:24
Les classes moyennes paient l'IR §
Beaucoup ne paient pas l'IR.
Yakiv a écrit :
12 janv. 2024, 13:11:18
En théorie, les classes moyennes devraient obtenir à peu près autant qu'elles donnent. Heureux de voir qu'il y a des chiffres dans ce sens malgré ce que pensent les Français qui se croient toujours les plus mal lotis du monde.

Cela dit, l'imposition des ménages n'est pas très progressive en France à cause de la TVA qui a un poids beaucoup plus élevé que l'IR.
De fait, la fiscalité est assez progressive. L'IR, par exemple, est très concentré sur les plus riches. L'impact de la TVA sur la progressivité est plus difficile à appréhender.

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Re: Les classes moyennes plus mal loties en France que chez nos voisins ?

Message non lu par Yakiv » 28 janv. 2024, 19:43:03

johanono a écrit :
28 janv. 2024, 17:47:11
De fait, la fiscalité est assez progressive. L'IR, par exemple, est très concentré sur les plus riches. L'impact de la TVA sur la progressivité est plus difficile à appréhender.
Étant donné que la TVA (proportionnelle) représente bien plus que l'IR (progressif) en volume de recettes publiques, le caractère progressif de notre fiscalité n'est donc pas si évident.

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les orteils
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Re: Les classes moyennes plus mal loties en France que chez nos voisins ?

Message non lu par les orteils » 29 janv. 2024, 15:35:43

Mais les classes moyennes paient bien l'IR.
C'est toujours hier que commence le futur, mais la France continue de penser que tout commence demain. (Boualem SANSAL)

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