Qu'en pensez vous ?En France, la première alerte remonte au 17 octobre. Ce jour-là, Mme Quiquenpois, du village de Boissy-le-Châtel, près de Coulommiers (Seine-et-Marne), contacte Pierre Coutanceau, correspondant local de l'observatoire permanent pour le suivi d'Harmonia axyridis : des coccinelles se sont agglutinées sur une de ses fenêtres. Sans l'intervention de son mari, ces deux cents à trois cents insectes allaient pénétrer dans la chambre à coucher ! Comment expliquer ce phénomène?
Comme chaque année, à partir de mi-octobre ou mi-novembre, les appels de ce genre vont se multiplier chez les spécialistes d'Harmonia axyridis. Depuis que cette coccinelle originaire d'Asie s'est soudain acclimatée à l'Europe avant de l'envahir presque totalement, leur charge de travail s'est considérablement alourdie.
Des entomologistes belges viennent d'annoncer avoir découvert comment cette petite bête retrouve, dans un habitat, le lieu de rassemblement de ses congénères. En hiver, certaines coccinelles s'abritent par petits groupes sous l'écorce de vieilles souches. Mais H. axyridis peut choisir l'intérieur d'une maison où elle forme des agrégats de dizaines, de centaines, voire de milliers d'individus. Bien que réputées inoffensives, ces concentrations se révèlent gênantes : lorsqu'il est dérangé, le coléoptère macule les surfaces d'un liquide jaunâtre nauséabond et émet occasionnellement des substances allergisantes.
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Plusieurs générations par an
Qui aurait pu prévoir un tel scénario ? Lorsqu'en 1916, aux Etats-Unis, des spécialistes de la "lutte biologique" ramènent d'Asie une souche d'H. axyridis, l'animal semble l'auxiliaire idéal. Ce grand amateur de pucerons, capable d'en manger jusqu'à cent par jour, se reproduisant au rythme de plusieurs générations par an, n'est-il pas à la fois facile à élever et économiquement compétitif ? Cependant, malgré des vagues d'introduction successives au cours du XXe siècle, on ne réussit pas à l'acclimater, l'insecte ne "passant pas l'hiver".
En 1982, l'Europe à son tour se lance dans une tentative. La station de lutte biologique de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), à Antibes, importe des échantillons de populations récoltés en Chine. Puis procède, au milieu des années 1990, à des essais en serre et à l'air libre, en France, en Afrique du Nord et en Amérique du Sud. Mais le coléoptère se montrant ici aussi incapable de résister à l'hiver, l'INRA cède son procédé à des industriels privés.
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Que s'est-il passé ? Quelles sont les conséquences de cette invasion ? La question intéresse les écologues et les généticiens. En effet, l'animal, dont on a découvert que l'hémolymphe (le sang) possède des propriétés antibactériennes d'intérêt médical, n'est pas un ravageur de cultures mais un amateur de pucerons. Ses seules nuisances visibles se limitent à ces brèves intrusions hivernales dans les habitations et à des dégradations occasionnelles de la qualité du vin lorsque la bestiole - au goût, paraît-il, exécrable - est mêlée accidentellement au raisin pendant les récoltes.
Impact incertain
Sur le plan écologique, l'impact de ces pullulations reste incertain. Une équipe européenne dont est membre Marc Kenis, directeur de recherche au CABI (Centre of Agriculture and Bioscience International) à Delémont (Suisse), a constaté au terme d'un comptage de cinq ans réalisé sur des dizaines de sites belges, britanniques et suisses "une chute importante de la population et même parfois une quasi-disparition de la coccinelle à deux points, l'espèce européenne la plus commune".
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En d'autres termes, la descendance des coccinelles asiatiques "migrantes" serait exempte de risques de malformation ou de mortalité dus à la reproduction entre individus apparentés. Un avantage, pour Arnaud Estoup, "lorsque sur le front de l'invasion, leur population se trouve réduite à quelques individus". Une bête à bon Dieu conquérant le monde parce que pratiquant l'inceste ? Fichtre, voilà qui est diabolique !
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